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Poésie

Posts Tagged ‘cacher’

Attente (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023



Illustration: Fanny Verne
    
Attente

J’ai vécu sans le savoir,
Comme l’herbe pousse…
Le matin, le jour, le soir
Tournaient sur la mousse.

Les ans ont fui sous mes yeux
Comme, à tire-d’ailes,
D’un bout à l’autre des cieux
Fuient les hirondelles…

Mais voici que j’ai soudain
Une fleur éclose.
J’ai peur des doigts qui demain
Cueilleront ma rose,

Demain, demain, quand l’Amour
Au brusque visage
S’abattra comme un vautour
Sur mon cœur sauvage.

Dans l’Amour si grand, si grand,
Je me perdrai toute,
Comme un agnelet errant
Dans un bois sans route.

Dans l’Amour, comme un cheveu
Dans la flamme active,
Comme une noix dans le feu,
Je brûlerai vive.
Dans l’Amour, courant amer,
Las ! comme une goutte,
Une larme dans la mer,
Je me noierai toute.

Mon cœur libre, ô mon seul bien,
Au fond de ce gouffre,
Que serai-je ? Un petit rien
Qui souffre, qui souffre !

Quand deux êtres, mal ou bien,
S’y fondront ensemble,
Que serai-je ? Une petit rien
Qui tremble, qui tremble !

J’ai peur de demain, j’ai peur
Du vent qui me ploie,
Mais j’ai plus peur du bonheur,
Plus peur de la joie

Qui surprend à pas de loup,
Si douce, si forte
Qu’à la sentir tout d’un coup
Je tomberai morte,

Demain, demain, quand l’Amour
Au brusque visage
S’abattra comme un vautour
Sur mon cœur sauvage…

………………

Quand mes veines l’entendront
Sur la route gaie,
Je me cacherai le front
Derrière une haie.

Quand mes cheveux sentiront
Accourir sa fièvre,
Je fuirai d’un saut plus prompt
Que le bond d’un lièvre.

Quand ses prunelles, ô dieux !
Fixeront mon âme,
Je fuirai, fermant les yeux,
Sans voir feu ni flamme.

Quand me suivront ses aveux
Comme des abeilles,
Je fuirai, de mes cheveux
Cachant mes oreilles.

Quand m’atteindra son baiser
Plus qu’à demi-morte,
J’irai sans me reposer
N’importe où, n’importe

Où s’ouvriront des chemins
Béants au passage,
Eperdue et de mes mains
Couvrant mon visage.

Et, quand d’un geste vainqueur,
Toute il m’aura prise,
Me débattant sur son cœur,
Farouche, insoumise,

Je ferai, dans mon effroi
D’une heure nouvelle,
D’un obscur je ne sais quoi,
Je ferai, rebelle,

Quand il croira me tenir
A lui tout entière,
Pour retarder l’avenir,
Vingt pas en arrière !…

S’il allait ne pas venir !…

(Marie Noël)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Lauraine Jungelson
Editions: Gallimard

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Viendras-tu? (Elizabeth Browning)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023



Illustration: Vincent Van Gogh
    
Viendras-tu? Quand je m’en irai
Où toutes douceurs sont cachées
Où ta voix, mon tendre coeur, ne
Soulèvera plus de paupières.
Pleure, ô amant,
L’amour n’est plus !
Pleure, dessous le vert cyprès,
« Les plus doux yeux qu’on vit jamais » !

(Elizabeth Browning)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Lauraine Jungelson
Editions: Gallimard

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Femme et chatte (Paul Verlaine)

Posted by arbrealettres sur 20 mai 2023



Illustration: Pierre-Auguste Renoir
    
Femme et chatte

Elle jouait avec sa chatte,
Et c’était merveille de voir
La main blanche et la blanche patte
S’ébattre dans l’ombre du soir.

Elle cachait – la scélérate ! –
Sous ces mitaines de fil noir
Ses meurtriers ongles d’agate,
Coupants et clairs comme un rasoir.

L’autre aussi faisait la sucrée
Et rentrait sa griffe acérée,
Mais le diable n’y perdait rien…
Et dans le boudoir où, sonore,
Tintait son rire aérien,
Brillaient quatre points de phosphore.

(Paul Verlaine)

Recueil: Poésies Verlaine
Editions: Hachette

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CHANSON ENTRE L’AME ET L’EPOUX (Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 15 mai 2023



Illustration: Guy Baron
    
CHANSON ENTRE L’AME ET L’EPOUX

Epouse

Mais où t’es-tu caché
me laissant gémissante mon ami
toute tu m’as blessée
tel le cerf qui bondit
criant je suis sortie tu avais fui

Pâtres qui monterez
là-haut sur les collines aux bergeries
si par chance voyez
qui j’aime dites-lui
que je languis je souffre et meurs pour lui

Mes amours poursuivrai
à travers les montagnes les rivières
les fleurs ne cueillerai
ne craindrai lions panthères
et passerai les forts et les frontières

[…]

***

Esposa

Adónde te escondiste
amado y me dejaste con gemido ?
como el ciervo huiste habiéndome herido
salí tras ti clamando, y eras ido.

Pastores los que fuerdes
allá por las majadas al otero
si por ventura vierdes
aquel que yo más quiero
decidle que adolezco, peno, y muero

Buscando mis amores
iré por esos montes y riberas
ni cogeré las flores
ni temeré las fieras
y pasaré los fuertes y fronteras.

[…]

(Jean de la Croix)

Recueil: Nuit obscure Cantique spirituel
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Gallimard

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NUIT OBSCURE (Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 15 mai 2023




    
NUIT OBSCURE

CHANSONS DE L’ÂME
qui se réjouit d’avoir atteint
le haut état de perfection,
qui est l’union avec Dieu,
par le chemin de la négation spirituelle

Dans une nuit obscure
par un désir d’amour tout embrasée
oh joyeuse aventure
dehors me suis glissée
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans l’obscur et très sûre
par la secrète échelle déguisée
oh joyeuse aventure
dans l’obscur et cachée
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans cette nuit de joie
secrètement car nul ne me voyait
ni mes yeux rien qui soit
sans lumière j’allais
autre que celle en mon coeur qui brûlait

Et elle me guidait
plus sûr que la lumière de midi
au lieu où m’attendait
moi je savais bien qui
en un pays où nul ne paraissait

Oh nuit qui as conduit
nuit plus aimable que l’aube levée
oh nuit qui as uni
l’ami avec l’aimée
l’aimée en l’ami même transformée

Contre mon sein fleuri
qui tout entier pour lui seul se gardait
il resta endormi
moi je le caressais
de l’éventail des cèdres l’air venait

Du haut du créneau l’air
quand sous mes doigts ses cheveux s’écartaient
avec sa main légère
à mon cou me blessait
et chacun de mes sens me ravissait

En paix je m’oubliai
j’inclinai le visage sur l’ami
tout cessa je cédai
délaissant mon souci
entre les fleurs des lis parmi l’oubli

***

NOCHE OSCURA

CANCIONES DEL ALMA
que se goza de haber llegado
al alto estado de la perfección,
que es la unión con Dios,
por el camino de la negación espiritual

En una noche oscura
con ansias en amores inflamada
oh dichosa ventura
salí sin ser notada
estando ya mi casa sosegada

A oscuras y segura
por la secreta escala disfrazada
oh dichosa ventura
a oscuras y en celada
estando ya mi casa sosegada

En la noche dichosa
en secreto que nadie me veía
ni yo miraba cosa
sin otra luz y guía
sino la que en el corazón ardía

Aquesta me guiaba
mds cierto que la luz del mediodía
adonde me esperaba
quien yo bien me sabía
en parte donde nadie parecía

O noche que guiaste
O noche amable más que el alborada
O noche que juntaste
amado con amada
amada en el amado transformada

En mi pecho florido
que entero para él solo se guardaba
allí quedó dormido
y yo le regalaba
y el ventalle de cedros aire daba

El aire de la almena
cuando yo sus cabellos esparcía
con su mano serena
en mi cuello hería
y todos mis sentidos suspendía

Quedéme y olvidéme
el rostro recliné sobre el amado
cesó todo y dejéme
dejando mi cuidado
entre las azucenas olvidado

(Jean de la Croix)

Recueil: Nuit obscure Cantique spirituel
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Gallimard

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ODE À L’AMOUR TERRESTRE (Henrique Huaco)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2023




    
ODE À L’AMOUR TERRESTRE

Amour? Jamais je ne l’ai vu briller
aussi beau que dans les marchés,
caché dans les fromages,
ou déguisé en fleurs dans les paniers rouges;
jamais je n’ai imaginé sa fraîcheur séculaire
sa force souterraine,
à cette heure avant la création du soleil
dans l’obscurité.

Le merveilleux repose sur les nappes
des vieilles tables,
prêt pour être choisi, observé, senti,
prêt pour être palpé
par notre entendement,
prêt à s’abandonner et se donner, à nous.

Qui parle d’amour ?
Qui, caché dans les jardins,
sort à sa rencontre ?
Qui l’attend dans les nuits antiques ?

Nous chercherons une cinquième saison
pour nous aimer.
Nous chercherons le nouveau monde,
les plages
où goûter enfin la peau
obscure et parfumée du bonheur
la peau opaque de la mangue.

Nos angles sont riches en possibilités,
nous avons la soif qui produit la multiplication,
la soif de l’image pour l’image,
Pour les aïes ! et les voix qui nous réduisent
à une boule de feu;
qui nous soulèvent sur les toits
des vieux quartiers des villes,
haletants, comblés enfin,
ardents de nostalgie et de sagesse.

***

ODA AL AMOR TERRESTRE

¿Amor ? Nunca lo vi brillar
tan bello como en los mercados,
oculto entre los quesos,
o disfrazado de flor en las canastas rojas ;
nunca imaginé su frescura secular,
su subterranea fuerza,
en esa hora antes de la creación del sol
en la oscuridad.

Lo maravilloso yace sobre las mantas
de las viejas mesas,
listo para ser escogido, observado, olido,
listo para ser palpado
por nuestro entendimiento,
listo para dejarse y darse a nosotros.

¿ Quién habla de amor?
¿ Quién, escondido en los jardines,
sale a su encuentro ?
¿ Quién le espera en las antiguas noches ?

Buscaremos una quinta estación
para amarnos.
Buscaremos el nuevo mundo,
las playas
donde probar al fin la piel
oscura y perfumada de la dicha,
la opaca piel del mango.

Nuestros ángulos son ricos en posibilidades,
tenemos la sed que produce la multiplicación,
la sed de la imagen por la imagen.
Por ayes! Y voces que nos reduzcan
a una bola de luz;
que nos levanten sobre los techos
de los viejos barrios de las ciudades,
jadeantes, plenos al fin,
ardiendo con nostalgia y sabiduría.

(Henrique Huaco)

Recueil: La peau du temps
Traduction: Anne-Marie Vindras
Editions: des Crépuscules

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Malgré la nuit (Saint Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 18 avril 2023




    
Malgré la nuit

Chant de l’âme qui se rouit
de connaître Dieu par la foi

Je sais la source qui jaillit et coule
malgré la nuit.

Cette source éternelle est cachée, mais
moi je sais où elle a sa demeure,
malgré la nuit.

Ne sais son origine, car n’en a point, mais
je sais que d’elle toute origine vient,
malgré la nuit.

Je sais que ne peut être chose si belle,
et que cieux et terre boivent en elle,
malgré la nuit.

Je sais qu’on ne peut en trouver le fond,
et que nul ne peut la passer à gué,
malgré la nuit.

Le courant qui naît de cette source, je sais
qu’il est aussi vaste et tout-puissant,
malgré la nuit.

Le courant qui de ces deux procède,
je sais qu’aucun d’eux ne le précède,
malgré la nuit.

Cette source éternelle est cachée, en ce
pain vivant pour nous donner vie,
malgré la nuit.

Elle appelle là ici les créatures,
qui de cette eau s’abreuvent, quoique dans le noir,
car c’est la nuit.

Cette vive source que je désire,
en ce pain de vie je la vois,
malgré la nuit.

***

Aunque es de noche

Cantar del alma
que se huelga
de conocer a Dios por fe

Que bien sé yo la fonte que mana y corre,
aunque es de noche.

Aquella eterna fonte está escondida,
que bien sé yo do tiene su manida,
aunque es de noche.

Su origen no lo sé, pues no le tiene,
mas sé que todo origen della viene,
aunque es de noche.

Sé que no puede ser cosa tan bella,
y que cielos y tierra beben de ella,
aunque es de noche.

Bien sé que suelo en ella no se halla,
y que ninguno puede vadealla,
aunque es de noche.

Su claridad nunca es escurecida,
y sé que toda luz de ella es venida,
aunque es de noche.

Sé ser tan caudalosos sus corrientes,
que infiernos, cielos riegan, y las gentes,
aunque es de noche.

El corriente que nace de esta fuente
bien sé que es tan capaz y omnipotente,
aunque es de noche.

El corriente que de estas dos procede
sé que ninguna de ellas le precede,
aunque es de noche.

Aquesta eterna fonte está escondida
en este vivo pan por darnos vida,
aunque es de noche.

Aquí se está llamando a las criaturas,
y de esta agua se hartan, aunque a escuras
porque es de noche.

Aquesta viva fuente, que deseo
en este pan de vida yo la veo,
aunque es de noche.

(Saint Jean de la Croix)

Recueil: Jean de la Croix L’oeuvre poétique
Traduction: de l’espagnol par Bernard Sesé
Editions: Arfuyen

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Sous un rideau de bruine (Philippe Jones)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2023


bruine

Sous un rideau de bruine
un gris cache une attente.

(Philippe Jones)

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Des feuilles (Mibami Shinbô)

Posted by arbrealettres sur 27 février 2023



Illustration: Mibami Shinbô
    
Des feuilles laissent passer le soleil
D’autres le cachent
Futaie d’été

(Mibami Shinbô)

Recueil: Haïkus du chat
Traduction: Brigitte Allioux
Editions: Picquier Poche

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… J’ai dix ans (Alain Souchon)(Laurent Voulzy)

Posted by arbrealettres sur 22 février 2023




    
… J’ai dix ans

Je sais qu’c’est pas vrai mais j’ai dix ans
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans
Ça fait bientôt quinze ans que j’ai dix ans
Ça paraît bizarre mais

… Si tu m’crois pas, hé
Tar’ ta gueule à la récré

… J’ai dix ans
Je vais a l’école et j’entends
De belles paroles doucement
Moi je rigole, cerf-volant
Je rêve, je vole

… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré

… Le mercredi je m’balade
Une paille dans ma limonade
Je vais embêter les quilles à la vanille
Et les gars en chocolat

… J’ai dix ans
Je vis dans des sphères où les grands
N’ont rien à faire, j’vois souvent
Dans des montgolfières, des géants
Et des petits hommes verts

… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… J’ai dix ans
Des billes plein les poches, j’ai dix ans
Les filles c’est des cloches, j’ai dix ans
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans

… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Bien caché dans ma cabane
Je suis l’roi d’la sarbacane
J’envoie des chewing-gums mâchés à tous les vents
J’ai des prix chez le marchand
… J’ai dix ans
Je sais que c’est pas vrai mais j’ai dix ans
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans
Ça fait bientôt quinze ans que j’ai dix ans
Ça paraît bizarre mais

… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Si tu m’crois pas
T’ar ta gueule
À la récré
T’ar ta gueule

(Alain Souchon)(Laurent Voulzy)

 

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