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Poésie

Posts Tagged ‘camarade’

De l’argent (Anne Garborg)

Posted by arbrealettres sur 2 octobre 2022



Illustration
    
De l’argent

Chacun peut s’acheter
de la nourriture, mais pas l’appétit,
des médicaments, mais pas la santé,
des lits moelleux, mais pas le sommeil,
des connaissances, mais pas l’intelligence,
un statut social, mais pas la bonté,
des choses qui brillent, mais pas le bien-être,
des amusements, mais pas la joie,
des camarades, mais pas l’amitié,
des serviteurs, mais pas la loyauté,
des cheveux gris, mais pas l’honneur,
des jours tranquilles, mais pas la paix.

L’écorce de toute chose peut
s’obtenir avec de l’argent.

Mais le coeur, lui,
n’est pas à vendre.

(Anne Garborg)

 

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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TU ME DISAIS (André Verdet)

Posted by arbrealettres sur 29 mai 2022




    
TU ME DISAIS

l’aube Qui monte sur la mer du côté de Capri
Tu me disais : Ma femme est douce comme l’eau
Qui poudre aux yeux mi-clos de la biche dormante
Tu me disais : Ma femme est fraîche comme l’herbe
Qu’on mâche sous l’étoile au premier rendez-vous
Tu me disais : Ma femme est simple comme celle
Qui perdant sa pantoufle y gagna son bonheur
Tu me disais : Ma femme est bonne comme l’aile
Que Musset glorifia dans sa nuit du printemps

Tu me disais aussi : Ma femme est plus étrange
Que la vierge qui fuit derrière sa blancheur
Et ne livre à l’époux qu’un fantôme adorable

Tu me disais encore : Je voudrais lui écrire
Qu’il n’est pas une aurore où je n’ai salué
Son image tremblant dans le creux de mes mains

Tu me disais encore : Je voudrais la chanter,
Avec des mots volés dans le coeur des poètes
Qui sont morts en taisant la merveille entendue

Tu me disais enfin : Je voudrais revenir
Près d’elle à l’improviste une nuit où le songe
Peut-être insinuerait que je ne serais plus

Tu es mort camarade
Atrocement dans les supplices
Ta bouche souriant au fabuleux amour

(Bûchenwald, 15 mai 1944 – 17 mai 1945.)
(André Verdet)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction:
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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Le dernier des « Sept Poèmes d’amour en guerre » (Paul Éluard)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2022




    
Le dernier des « Sept Poèmes d’amour en guerre »

Au nom du front parfait profond
Au nom des yeux que je regarde
Et de la bouche que j’embrasse
Pour aujourd’hui et pour toujours

Au nom de l’amour enterré
Au nom des larmes dans le noir
Au nom des plaintes qui font rire
Au nom des rires qui font peur

Au nom des rires dans la rue
De la douceur qui lie nos mains
Au nom des fruits couvrant les fleurs
Sur une terre belle et bonne

Au nom des hommes en prison
Au nom des femmes déportées
Au nom de tous nos camarades
Martyrisés et massacrés
Pour n’avoir pas accepté l’ombre

Il nous faut drainer la colère
Et faire se lever le fer
Pour préserver l’image haute
Des innocents partout traqués
Et qui partout vont triompher.

(Paul Éluard)

 

Recueil: Au rendez-vous allemand
Traduction:
Editions:

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AUX TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS MORTS POUR LA FRANCE (Léopold Sédar Senghor)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2021



Illustration: Karamba Dramé
    
AUX TIRAILLEURS SÉNÉGALAIS MORTS POUR LA FRANCE

Voici le Soleil
Qui fait tendre la poitrine des vierges
Qui fait sourire sur les bancs verts les vieillards
Qui réveillerait les morts sous une terre maternelle.
J’entends le bruit des canons — est-ce d’Irun?
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu.
Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.
On promet cinq cent mille de vos enfants à la gloire des
futurs morts, on les remercie d’avance futurs morts
obscurs
Die Schwarze schande !

Écoutez-moi, Tirailleurs sénégalais, dans la solitude de la terre noire et de la mort
Dans votre solitude sans yeux sans oreilles, plus que dans ma peau sombre au fond de la Province
Sans même la chaleur de vos camarades couchés tout contre vous, comme jadis dans la tranchée jadis dans les palabres du village
Écoutez-moi, Tirailleurs à la peau noire, bien que sans oreilles et sans yeux dans votre triple enceinte de nuit.
Nous n’avons pas loué de pleureuses, pas même les larmes de vos femmes anciennes
— Elles ne se rappellent que vos grands coups de colère, préférant l’ardeur des vivants.
Les plaintes des pleureuses trop claires
Trop vite asséchées les joues de vos femmes, comme en saison sèche les torrents du Fouta
Les larmes les plus chaudes trop claires et trop vite bues au coin des lèvres oublieuses.
Nous vous apportons, écoutez-nous, nous qui épelions vos noms dans les mois que vous mouriez
Nous, dans ces jours de peur sans mémoire, vous apportons l’amitié de vos camarades d’âge.
Ah ! puissé-je un jour d’une voix couleur de braise, puissé-je chanter
L’amitié des camarades fervente comme des entrailles et délicate, forte comme des tendons.
Écoutez-nous, Morts étendus dans l’eau au profond des plaines du Nord et de l’Est.
Recevez ce sol rouge, sous le soleil d’été ce sol rougi du sang des blanches hosties
Recevez le salut de vos camarades noirs, Tirailleurs sénégalais
MORTS POUR LA RÉPUBLIQUE !

Tours, 1938.

(Léopold Sédar Senghor)

 

Recueil: Anthologie Poésie africaine six poètes d Afrique francophone
Traduction:
Editions: Points

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Jadis, la Seine était verte et pure (François Coppée)

Posted by arbrealettres sur 10 janvier 2021



    
À mes jeunes camarades, aux équipiers du Club nautique de Chatou

Jadis, la Seine était verte et pure à Saint-Ouen,
Et, dans cette banlieue aujourd’hui sale et rêche,
J’ai canoté, j’ai même essayé de la pêche.
Le lieu semblait alors champêtre. Que c’est loin !

On dînait là. Le beurre, au cabaret du coin,
Était rance, et le vin fait de bois de campêche.
Mais les charmants retours, sur l’eau, dans la nuit fraîche,
Quand, sur les prés fauchés, flottait l’odeur du foin !

Oh ! quels vieux souvenirs et comme le temps marche !
Pourtant je vois encor le couchant, sous une arche,
Refléter ses rubis dans les flots miroitants.

Amis, embarquez-moi sur vos bateaux à voiles,
Par un beau soir, à l’heure où naissent les étoiles,
Afin que je revive un peu de mes vingt ans.

(François Coppée)

 

Recueil: Promenades et interieurs
Traduction:
Editions:

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UNE JOURNÉE QUI COMMENCE (Yvon Le Men)

Posted by arbrealettres sur 17 juillet 2020



écoliers rl

UNE JOURNÉE QUI COMMENCE

Le même cartable de cuir
Prix d’un mois de travail
Les mêmes baisers furtifs
Au bord de la route,
Le même vélo historique et quotidien
Tous les trois, la marche en avant
Au goût d’appréhension,
Les camarades qui accrochent leurs yeux
Aux souliers de la grande soeur
A la blouse lavée et raccommodée
Le chef serrant une poignée de main de traître,
Mais le soir, une nourriture
Réchauffée,
Savoureuse.
Maternelle,
Amoureuse,
Une communion solidaire
Après,
Un partage du livre :
Les hommes auront la force d’être ;
Il faut comprendre,
Rappelle la voix fatiguée
Et forte du Père.

(Yvon Le Men)

Illustration: Robert Doisneau

 

 

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COMME PIERRE DANS LE PUITS (Henri Michaux)

Posted by arbrealettres sur 16 juin 2020



 

Pierre Mornet

COMME PIERRE DANS LE PUITS

Je cherche un être à envahir
Montagne de fluide, paquet divin,
Où es-tu mon autre pôle ? Etrennes toujours remises,
Où es-tu marée montante ?
Refouler en toi le bain brisant de mon intolérable tension!
Te pirater.

Présence de soi : outil fou.
On pèse sur soi
On pèse sur sa solitude
On pèse sur les alentours
On pèse sur le vide
On drague
Monde couturé d’absences
Millions de maillons de tabous
Passé de cancer
Barrages de génufléchisseurs et des embretellés.
Oh! Heureux médiocres
Tétez le vieux et la couenne des siècles et la civilisation des désirs à bon marché
Allez, c’est pour vous tout ça.
La rage n’a pas fait le monde, mais la rage y doit vivre.
Camarades du « Non » et du crachat mal rentré,
Camarades… mais il n’y a pas de camarades du « Non »,
Comme pierre dans le puits mon salut à vous!
Et d’ailleurs, Zut!

(Henri Michaux)

Illustration: Pierre Mornet 

 

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GABRIEL PÉRI (Paul Éluard)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2020



GABRIEL PÉRI
    
Un homme est mort qui n’avait pour défense
Que ses bras ouverts à la vie
Un homme est mort qui n’avait d’autre route
Que celle où l’on hait les fusils
Un homme est mort qui continue la lutte
Contre la mort contre l’oubli

Car tout ce qu’il voulait
Nous le voulions aussi
Nous le voulons aujourd’hui
Que le bonheur soit la lumière
Au fond des yeux au fond du cœur
Et la justice sur la terre

Il y a des mots qui font vivre
Et ce sont des mots innocents
Le mot chaleur le mot confiance
Amour justice et le mot liberté
Le mot enfant et le mot gentillesse
Et certains noms de fleurs et certains noms de fruits
Le mot courage et le mot découvrir
Et le mot frère et le mot camarade
Et certains noms de pays de villages
Et certains noms de femmes et d’amis
Ajoutons-y Péri
Péri est mort pour ce qui nous fait vivre
Tutoyons-le sa poitrine est trouée
Mais grâce à lui nous nous connaissons mieux
Tutoyons-nous son espoir est vivant.

(Paul Éluard)

 

Recueil: Au rendez-vous allemand
Traduction:
Editions:

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Le temps perdu (Jacques Prévert)

Posted by arbrealettres sur 11 décembre 2019




Illustration: Tarsila do Amaral
    
Le temps perdu

Devant la porte de l’usine
le travailleur soudain s’arrête
le beau temps l’a tiré par la veste
et comme il se retourne
et regarde le soleil
tout rouge tout rond
souriant dans son ciel de plomb
il cligne de l’oeil
familièrement
Dis donc camarade Soleil
tu ne trouves pas
que c’est plutôt con
de donner une journée pareille
à un patron?

(Jacques Prévert)

 

Recueil: Bris de vers Les émeutiers du XXè siècle
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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LA PLUIE (Pierre Morhange)

Posted by arbrealettres sur 10 novembre 2019



LA PLUIE

La pluie et moi marchions
Bons camarades
Elle courait devant et derrière moi
Et je serrais notre trésor dans mon coeur
Elle chantait pour nous cacher
Elle chantait pour endormir mon coeur

Elle passait sur mon front sa peau mouillée
Et humaine ma chère pluie
Elle tendait l’oreille
Pour savoir si mon chant silencieux était anéanti

Elle me met les mains sur les épaules
Et court tant haut dans la plaine du ciel
Et tant me montre les diamants du soleil
Et tant toujours me caresse la peau
Et tant toujours me chante dans les os
Que je deviens un bon camarade

J’entonne une grande chanson
Qu’on entend et les cabarets et les oiseaux
Disent à notre passage Maintenant
Ils chantent tous les deux

(Pierre Morhange)

Illustration

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