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Poésie

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Je pense sans arrêt à cela seul (Varlam Chalamov)

Posted by arbrealettres sur 25 décembre 2022




    
Je pense sans arrêt à cela seul :
On a tué un peuplier sous ma fenêtre.

J’entendais le rauque vrombissement du camion,
Un bras de l’arbre lui faisait signe.

J’écoutais les cris des branches, le bruissement de l’herbe,
Ne sachant pas qui était dans son droit, qui ne l’était pas.

Je connaissais la bienveillance des arbres,
Les droits irréfutables des oiseaux.

À ma fenêtre, soudain, ce fut trop clair
– Je compris : le mal était fait.

Je pense tout le temps à cela seul :
Sous ma fenêtre on a tué un peuplier.

(Varlam Chalamov)

 

Recueil: Cahiers de La Kolyma
Traduction: du russe par Christian Mouze
Editions: Maurice Nadeau

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Dans les banques (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 26 octobre 2022




Dans les banques les chambres fortes
reçoivent un rayon de soleil
alors que dans la rue passaient
traînés par d’immenses chevaux
les camions des démolisseurs
qui transportaient
des aciers morts

(Jean Follain)

Illustration

 

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Ils étaient huit jeunes hommes (Charles Camproux)

Posted by arbrealettres sur 26 juin 2022




    
Ils étaient huit jeunes hommes

Ils étaient huit jeunes hommes, nus, nus et qui tremblaient
ils étaient descendus, gelés, enchaînés,
l’un derrière l’autre, nus, les mains dans le dos
et ils savaient pour sûr, ils se savaient condamnés:
le grand camion, au fond, le long de la grande allée,
l’allée des longs cyprès, longs, hauts, est venu s’arrêter,
et les huit jeunes hommes nus, blancs, sans mot sont descendus
entre des hommes verts, vert clair, qui les font se tenir:
se tenir, blancs, nus, devant la grande tombe,
devant le grand trou, long, profond, tout juste creusé,
là tout le long, là, le long de l’allée,
derrière les tombeaux, tout le long, comme une longue tranchée:
par la mitraillette, d’un coup, ils ont tous plongé
dans la longue tranchée, blancs, nus, avec un peu de sang
sur leurs torses blancs, blancs, nus, aux premières aurores:
ils étaient huit jeunes hommes, nus, dépouillés de lendemains.

(Charles Camproux)

Recueil: Guerre à la guerre
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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LA DERNIÈRE FOIS (Isaïe Spiegel)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2019




    
LA DERNIÈRE FOIS
à Rebecca

Je t’ai vue, la dernière fois, dans le wagon encore ouvert,
Parmi le troupeau effrayé, le visage des enfants juifs,
Je n’ai pu te tendre la main même pour le dernier voyage
Déjà le camion refermé m’emportait vers la grande route

Et je ne savais pas que c’était la dernière fois,
Le dernier voyage de tous nos rêves,
Vers nous les monts semblaient bleuis de froid.
Et près d’eux, sur le ciel, crachaient les crématoires.

(Isaïe Spiegel)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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À TU ET À TOI (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2019




Illustration: Josephine Wall
    
À TU ET À TOI

Toi qui n’es rien ni personne
toi
je t’appelle sans te nommer
car tu n’es pas le dieu
ni le masque scellé sur les choses,
mais les choses elles-mêmes
et davantage encore : leur cendre, leur fumée.

Toi
qui es tout,
qui n’es plus, qui n’es pas :
peut-être seulement
l’ombre de l’homme
qui grandit sur la paroi de la montagne
le soir.

Toi qui te dérobes et fuis
d’arbre en arbre
sous le portique interminable
d’une aurore condamnée
d’avance.

Toi
que j’appelle en vain
au combat de la parole
à travers d’innombrables murmures
je tends l’oreille
et ne distingue rien.

Toi qui gardes le silence
toujours
et moi qui parle encore
avant de devenir sourd et aveugle
immobile muet
(ce qui est dit : la mort),
Je vais hors de moi-même en tâtonnant
cherchant ce qui peut me répondre,
«toi »,
peut-être simplement
le souffle de ma bouche
formant ce mot.

Toi
je te connais je te redoute
tu es la pierre et l’asphalte
les arbres menacés
les bêtes condamnées
les hommes torturés.

Tu
es le jour et la nuit
le grondement d’avions invisibles
pluie et brume
les cités satellites
perspectives démentes
les gazomètres les tas d’ordures
les ruines les cimetières
les solitudes glacées je ne sais où.

Tu
grognes dans les rumeurs épaisses
des autos des camions des gares
dans le hurlement des sirènes
l’alerte du travail
les bombes pour les familles.

Tu
es un amas de couleurs
où le rouge se perd devient grisaille
tu es le monceau des instants
accumulés dans l’innommable,
la boue et la poussière,
Tu ne ressembles à personne
mais tout compose ta figure.

Tout :
le piétinement des armées
la masse immense de la douleur
tout ce qui pour naître et renaître
s’accouple à l’agonie,
même les prés délicieux
les forêts frissonnantes
la folie du soleil l’éphémère clarté
le roulement du tonnerre les torrents.
tout
cela ne fait qu’un seul être
qui m’engloutit : je vais du même pas
que les fourmis sur le sable.

Toi
je te vois je t’entends
je souffre de ton poids sur rues épaules
tu es tout : le visible.
l’invisible.
connaissance inconnue
et sans nom.
Faut-il parler aux murs ?
Aux vivants qui n’écoutent pas
A qui m’adresserai-je
sinon à un sourd
comme moi ?

Tu
es ce que je sais,
que j’ai su et oublié,
que je connais pourtant mieux que moi-même,
de ce côté où je cherche la voie
le vide où tout recommence.

(Jean Tardieu)

 

Recueil: L’accent grave et l’accent aigu
Traduction:
Editions: Gallimard

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Dans la nuit qui finit (Pierre Béarn)

Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2018



Dans la nuit qui finit l’usine est une étoile
Mitez-vous ô mes moucherons !
Courons, ô ma raideur, sur les pavés bossus
avec la main sur la musette
pour empêcher la vinaigrette
de corrompre en flic-floc mon repas suspendu

Gueule du métro chaude où l’on plonge enfiévrés
Bus et tramways que l’on submerge
— Accours et cours ! l’usine héberge ! —
Camions de brume où l’on s’entasse en étrangers.
Cadrans de pointage au giron
l’usine vous attend au centre de sa toile.

La sirène en serpent furieux se raidissant
s’élance ! Hâtez-vous travailleurs !
elle sera sur les rumeurs
tête coupée bientôt jet de sang s’affaissant.

Au déboulé, garçon, pointe ton numéro
pour gagner ainsi le salaire
d’un morne jour utilitaire
métro, boulot, bistro, mégots, dodo, zéro.

(Pierre Béarn)

Illustration

 

 

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A un nuage (Maurice Betz)

Posted by arbrealettres sur 11 novembre 2018



A un nuage qui bougeait au fond d’une mare
J’ai crié: Qui va là ?
Il était loin déjà.

***

Septentrion plein d’éclairs roses,
Pourpre répons de l’est,
Quel des deux, ce matin, est l’aurore ?

***

Grise et jaune plaine pommelée,
Toison pelée
Où les camions sont des mites.

***

On riait bien. (Tu te rappelles?) On causait. (V’lan l’entends-tu?)
Ah! Reboirons-nous jamais de ce petit vin
Dans la chambrée blanche et chaude, un soir de pluie ?

***

Nuit sereine, ciel sans nuages.
Je rengaine ma baïonnette
Et monte ma garde, lune au clair.

***

Un trou d’obus
Dans son eau
A gardé tout le ciel.

***

Montmartre, tes lumières, tes femmes
Aux jambes tièdes et douces…
Depuis hier la pluie crépite sur ma tente.

***

Fin de faction. L’aube éteint les dernières étoiles.
Assis, mon mousqueton sur les genoux,
Je sifflote à la gloire du soleil.

(Maurice Betz)

 

 

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Le monde est en feu, je l’aime… (Ronny Someck)

Posted by arbrealettres sur 4 septembre 2018




    
Le monde est en feu, je l’aime…

Le monde est en feu, je l’aime.
En feu la laisse du chien qui m’a conduit aveugle
dans un amour ancien,
en feu le chacal qui hurle dans une chambre de soldat face
à une porte fermée à clé,
la queue-de-cheval derrière une nuque hollandaise,
les lèvres où s’étale un lipstick canadien,
en feu le glaïŽeul qui a griffé la tête
d’une poétesse de Kiryat Ono,
en feu les vers de celle qui a toujours écrit
sur les roues du camion qui a fini par l’écraser,
en feu le sol qui garde les traces
de ma première danse,
en feu la lune
et ses dunes de sable,
la tempête,
la mer dont les vagues se mettent à genoux
devant l’allumette
qui met le feu aux poudres.

(Ronny Someck)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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LA TORTUE (José Juan Tablada)

Posted by arbrealettres sur 23 août 2018



 

LA TORTUE

Même si elle ne déménage jamais,
cahin caha, comme le camion du déménageur,
la tortue suit le sentier.

(José Juan Tablada)

 
Illustration: ArbreaPhotos

 

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Si tu ne me laisses pas tomber (Pierre Delanoë)

Posted by arbrealettres sur 21 août 2018



 

Hamidi Hadi  Berbahang

Si tu ne me laisses pas tomber

(Refrain)
Il disait, tu vois ce ciel
C’est un bout de toile grise
Il y a moins de soleil
Que dans le chœur d’une église

Il disait, je vais partir
Où le vent m’emportera
Ailleurs ne peut être pir’
Viens je t’emmène avec moi.

A la porte d’Italie
On commence le voyage
Un camion et une nuit
Et ce sont les lointains rivag’s
Nous ne sommes pas des manchots
On s’engag’ra sur des bateaux
On aura le monde entier
Si tu n’me laisses pas tomber
D’accord, on ne sait rien fair’
Mais à deux on peut tout faire
On arrive juste à point
Pour leur donner un coup de main
Des balayeurs aux présidents
Ils sont paumés les pauvres gens
On aura le monde entier
Si tu n’me laisses pas tomber.

(Refrain)
Il disait, tu vois ce ciel
C’est un bout de toile grise
Il y a moins de soleil
Que dans le chœur d’une église

Et puis le temps a passé
L’autre jour je l’ai croisé
Le regard au ras du sol
Il avait raté son envol
La fille qui tenait son bras
Ne venait pas de Canberra
Les espoirs de nos auror’s
N’avaient pas dépassé Saint-Maur
Moi je vois tous les pays
Dans les yeux de mes amours
Et ma foi s’en va la nuit
Parfois plus loin que Singapour
Je veux chanter pour tous les gens
Des balayeurs aux présidents
Pour tous ceux du monde entier
Si vous n’me laissez pas tomber.

Pour moi, le ciel n’est pas gris
Dans les yeux de mes amours
Chaque fleur de cette vie
Mérite qu’on fasse un détour
Et si je chante c’est pour toi,
Toi que je ne connais pas
Et que je rencontrerai
Si tu n’me laisses pas tomber

(Pierre Delanoë)

Illustration: Hamidi Hadi  Berbahang

 

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