Nous t’avons enterré hier.
Hier nous t’avons enterré,
nous t’avons mis en terre.
Tu es dans la terre depuis hier.
Tu as de la terre partout
depuis hier.
Dessus, dessous, de tous côtés,
pour les pieds, pour la tête
de la terre depuis hier.
Nous t’avons mis en terre.
Nous t’avons recouvert de terre.
Tu appartiens à la terre
depuis hier.
Hier nous t’avons enterré
dans la terre, hier.
Tu ne peux pas mourir.
Sous la terre
tu ne peux pas mourir.
Sans eau et sans air
tu ne peux pas mourir.
Sans sucre, sans lait,
sans haricots, sans viande,
sans farine, sans figues,
tu ne peux pas mourir.
Sans femme ni enfant
tu ne peux pas mourir.
Sous la vie
tu ne peux pas mourir.
Dans ton trou de terre
tu ne peux pas mourir.
Dans ta boîte de mort.
Dans tes veines exsangues
tu ne peux pas mourir.
Dans ta poitrine vide
tu ne peux pas mourir.
Dans ta bouche sans feu
dans tes yeux sans personne
dans ta chair sans plainte
tu ne peux pas mourir
tu ne peux pas mourir
tu ne peux pas mourir.
Nous enterrerons ton costume,
tes souliers, ton cancer ;
tu ne peux pas mourir.
Nous enterrerons ton silence.
Ton corps cadenassé.
Tes cheveux si fins,
ta douleur enclose.
Tu ne peux pas mourir.
(Jaime Sabines)
Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud
Avez-vous passé le virus à maman?
Voilà, voilà, comment on s’y prend
La toute première fois on n’pense pas à mal
Aujourd’hui l’virus ça semble banal
On va à l’EHPAD faire des embrassades
À sa pauv’ maman que le dentier fout le camp
En plus d’être cardiaque elle s’paye un cancer
Heureusement pour elle qu’elle a un Alzheimer
Virus passé, pour commencer
T’as des tuyaux plein les trous d’nez
S’il prolifère, là c’est plus moche
T’as plus qu’à faire sonner les cloches
Pour passer l’année sans choper le virus
Voilà, voilà, il faut de l’astuce
Avant qu’il n’attaque faut changer ton masque
Puis te faire tester toutes les cavités
Fais bien le contraire de c’qu’y disent de faire
Car on sait maintenant qu’ils se gourent tout l’temps
Après l’confinement, si y’a moins d’macchabés
Après l’couvre-feu y’a trois fois plus d’bébés
Leur confinement, leur couvre-feu
C’est blanc-bonnet mais pas blanc-bleu
La faute aux jeunes, la faute aux vieux
Faut un coupable, c’est jamais eux
Chez l’grand vizir et ses marquis
T’as l’remonte-pente mais pas les skis
Chez l’jupiter quoiqu’il goupille
On a l’bordel mais pas les filles
À l’Elysée la famille Tuche
Ils nous ont pris pour des nunuches
Vérantanplan et l’Salomon
Ils nous ont pris pour des couillons
Ne jamais dire son rêve
À celui qui ne vous aime pas
L’oreille hostile est tarie
La bouche amère calomnie
La haine vomit le sable du sablier
Plus vite toujours plus vite
La nuit trahie avorte
Une passion au présent déjà passée
Et la peur ne fait qu’augmenter
La rage du caïman
La taille du cancer
Enfouissez vos rêves dans les poches sous vos yeux
Ils seront à l’abri de l’envie
Ils seront à l’abri de l’adage
Qui veut que l’Africain babille
Et que tous les vieux soient sages
(Joyce Mansour)
Recueil: 120 nuances d’Afrique
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Regardez
de quoi vit un poète :
d’un paquet de cigarettes,
de huit heures de sommeil,
d’une demi-bouteille de vin par repas.
Regardez
comment il s’habille,
comment il marche
et fait l’amour,
écoutez
sa conversation avec un parent,
avec un terrassier.
Regardez aussi
comment s’arrête un poète :
si vous croyez qu’il meurt
d’un cancer ou d’un infarctus,
d’une collision sur la route,
en réalité l’emporte
un accident de jeunesse
passé la septantaine
ou bien l’usure à peine atteint vingt années.
Je cherche un être à envahir
Montagne de fluide, paquet divin,
Où es-tu mon autre pôle ? Etrennes toujours remises,
Où es-tu marée montante ?
Refouler en toi le bain brisant de mon intolérable tension!
Te pirater.
Présence de soi : outil fou.
On pèse sur soi
On pèse sur sa solitude
On pèse sur les alentours
On pèse sur le vide
On drague
Monde couturé d’absences
Millions de maillons de tabous
Passé de cancer
Barrages de génufléchisseurs et des embretellés.
Oh! Heureux médiocres
Tétez le vieux et la couenne des siècles et la civilisation des désirs à bon marché
Allez, c’est pour vous tout ça.
La rage n’a pas fait le monde, mais la rage y doit vivre.
Camarades du « Non » et du crachat mal rentré,
Camarades… mais il n’y a pas de camarades du « Non »,
Comme pierre dans le puits mon salut à vous!
Et d’ailleurs, Zut!
A quelle heure mourrez-vous Monsieur
monsieur Durand monsieur Soupault
peut-être tout à l’heure à la bonne heure
les anges ne répondent jamais
quand on leur demande l’heure
les songes n’indiquent ni le jour ni l’heure
les singes et les juges préfèrent se taire
Demandons donc l’heure qu’il est
aux bactéries aux cancers aux militaires
aux coups de feu aux mauvais coups
à la lune et aux malfaiteurs
dites-moi quelle heure est-il
et l’heure exacte qu’il était
quelle heure sera-t-il exactement
Soupirons pour apprendre à mourir
à l’heure convenue
à l’heure dite
toujours trop tôt toujours trop tard
soupirons comme un feu de bois
comme un feu de paille et de joie
soupirons puisqu’il faut mourir
et soupirer une dernière fois
Le virus à maman (Pierre Perret)
Posted by arbrealettres sur 11 janvier 2021
Le virus à maman
Avez-vous passé le virus à maman?
Voilà, voilà, comment on s’y prend
La toute première fois on n’pense pas à mal
Aujourd’hui l’virus ça semble banal
On va à l’EHPAD faire des embrassades
À sa pauv’ maman que le dentier fout le camp
En plus d’être cardiaque elle s’paye un cancer
Heureusement pour elle qu’elle a un Alzheimer
Virus passé, pour commencer
T’as des tuyaux plein les trous d’nez
S’il prolifère, là c’est plus moche
T’as plus qu’à faire sonner les cloches
Pour passer l’année sans choper le virus
Voilà, voilà, il faut de l’astuce
Avant qu’il n’attaque faut changer ton masque
Puis te faire tester toutes les cavités
Fais bien le contraire de c’qu’y disent de faire
Car on sait maintenant qu’ils se gourent tout l’temps
Après l’confinement, si y’a moins d’macchabés
Après l’couvre-feu y’a trois fois plus d’bébés
Leur confinement, leur couvre-feu
C’est blanc-bonnet mais pas blanc-bleu
La faute aux jeunes, la faute aux vieux
Faut un coupable, c’est jamais eux
Chez l’grand vizir et ses marquis
T’as l’remonte-pente mais pas les skis
Chez l’jupiter quoiqu’il goupille
On a l’bordel mais pas les filles
À l’Elysée la famille Tuche
Ils nous ont pris pour des nunuches
Vérantanplan et l’Salomon
Ils nous ont pris pour des couillons
(Pierre Perret)
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Posted in poésie | Tagué: (Pierre Perret), Alzheimer, année, astuce, attaquer, aujourd'hui, banal, bébé, blanc, bleu, bonner, bordel, cancer, cardiaque, cavité, changer, choper, cloche, commencer, comment, confinement, contraire, couillon, coupable, couvre-feu, dentier, dire, EHPAD, Elysée, embrassade, faute, fille, goupiller, heureusement, jeune, Jupiter, macchabée, mal, maman, marquis, masque, moche, nez, nunuche, passer, pauvre, penser, premier, proliférer, remonte-pente, se gourer, ski, sonner, tester, trou, tuyau, vieux, virus, vizir, voilà | 2 Comments »