Peut-être une fois de plus me rendra fou
votre sourire
et sur le bord de mon lit viendront s’asseoir
mère Douleur, l’amie Amour,
comme toujours toutes les deux à la fois.
Peut-être une fois de plus me rendra fou
le son du clairon
et quand j’irai comme si j’étais tombé de la lune
mes cheveux auront l’odeur de la poudre à canon.
Peut-être une fois de plus me rendra fou un baiser :
comme la flamme d’une lanterne, hésitant dans sa cage,
je tremblerai
lorsqu’il viendra se poser sur mon visage.
Je n’aurai, pourtant, que le vent sur les lèvres
et c’est bien en vain que, cette fois,
dans la main j’essaierai de prendre
sa robe sans poids.
(Jaroslav Seifert)
Recueil: Les danseuses passaient près d’ici
Traduction: Petr Kral et Jan Rubes
Editions: Actes Sud
Madam’Veto avait promis
Madam’Veto avait promis
De faire égorger tout Paris
De faire égorger tout Paris
Mais son coup a manqué
Grâce à nos canonniers
Refrain
Dansons la carmagnole
Vive le son, vive le son
Dansons la carmagnole
Vive le son du canon!
Monsieur Veto avais promis
Monsieur Veto avais promis
D’être fidèle à son pays
D’être fidèle à son pays
Mais il y a manqué
Ne faisons plus quartier
Amis restons toujours unis
Amis restons toujours unis
Ne craignons pas nos ennemis
Ne craignons pas nos ennemis
S’ils viennent nous attaquer
Nous les ferons sauter.
Antoinette avait résolu
Antoinette avait résolu
De nous faire tomber sur le cul
De nous faire tomber sur le cul
Mais son coup a manqué
Elle a le nez cassé
Son mari se croyant vainqueur
Son mari se croyant vainqueur
Connaissait peu notre valeur
Connaissait peu notre valeur
Va, Louis, gros paour
Du temple dans la tour
Les Suisses avaient promis
Les Suisses avaient promis
Qu’ils feraient feu sur nos amis
Qu’ils feraient feu sur nos amis
Mais comme ils ont sauté
Comme ils ont tous dansé !
Quand Antoinette vit la tour
Quand Antoinette vit la tour
Elle voulut faire demi-tour
Elle voulut faire demi-tour
Elle avait mal au coeur
De se voir sans honneur.
Lorsque Louis vit fossoyer
Lorsque Louis vit fossoyer
A ceux qu’il voyait travailler
A ceux qu’il voyait travailler
Il disait que pour peu
Il était dans ce lieu.
Le patriote a pour amis
Le patriote a pour amis
Tout les bonnes gens du pays
Tout les bonnes gens du pays
Mais ils se soutiendront
Tous au son du canon.
L’aristocrate a pour amis
L’aristocrate a pour amis
Tous les royalistes de Paris
Tous les royalistes de Paris
Ils vous le soutiendront
Tout comme de vrais poltrons!
La gendarmerie avait promis
La gendarmerie avait promis
Qu’elle soutiendrait la patrie.
Qu’elle soutiendrait la patrie.
Mais ils n’ont pas manqué
Au son du canonnier
Oui je suis sans-culotte, moi
Oui je suis sans-culotte, moi
En dépit des amis du roi
En dépit des amis du roi
Vivent les Marseillois
Les bretons et nos lois !
Oui nous nous souviendrons toujours
Oui nous nous souviendrons toujours
Des sans-culottes des faubourgs
Des sans-culottes des faubourgs
A leur santé buvons
Vive ces francs lurons!
(Anonyme)
Recueil: Les plus belles chansons du temps passé
Traduction:
Editions: Hachette
Ils marchaient en chantant
vers Berlin
via la gare de l’Est
fleur au fusil
La belle guerre en poésie
sous les vivats
de ceux qui ne la feraient pas!
La nuit, dans un wagon de marchandises
les fleurs se desséchaient
à la bouche d’acier muette
des canons noirs glacés
les corps fanés mêlaient leurs rouges pantalons
avant d’être couchés ailleurs
mêlant d’autres rougeurs
balle au fusil
Ici les amandiers sont en fleurs
un enchantement pour l’œil
qui aime la beauté
bientôt les orangers aussi
répandront leur parfum envoûtant
mais autre part la guerre fait rage
et le regard ne perçoit que ravage
et souffrance humaine
là ne fleurit aucun bourgeon
étouffés qu’ils sont dans la fumée
d’une violence barbare.
*
DESPOTE
La nuit a assailli l’aurore
et détourné de la paix
la précieuse lumière.
Le silence se tait
couvert par les détonations, le fracas des canons
et le hurlement des sirènes.
Impassible face à la douleur
─ même celle de son propre peuple
le despote russe.
*
COLOMBE DE LA PAIX
Il pleut.
il pleut de la tristesse
pour les victimes innocentes
pour la destruction d’un pays
pour l’ampleur de la violence meurtrière
affamée la tourterelle quitte
la protection de son arbre
un lacet semblable
à l’anneau noir autour de son cou.
Joseph a dix-huit ans
Sur le quai d’une gare
Et la vie devant lui
Ça ne va pas durer
Le temps d’un défilé
En bleu, en blanc et puis en rouge
Trois petits tours et puis s’en vont
Baïonnette au canon
Joseph a dix-neuf ans
Englué dans la boue
Avant d’aller au feu
Il sort un carnet
Écrit une suite de mots
Destinés à un ange
Joseph a vingt ans
De l’encre sur les doigts
Et les pattes des rats
En maudites ratures
Joseph a vingt ans
Joseph avait vingt ans
(Franck Bouysse)
Recueil: Fenêtre sur Terre
Traduction:
Editions: Phébus
C’est possible !
Qui sait ?
Quelque chose va se passer d’un jour à l’autre
Je le saurai tout de suite,
Dès que ça arrivera.
Cela pourrait arriver comme un boulet de canon tombé du ciel,
Une lueur dans l’œil,
Éclatant comme une rose !
Qui sait ?
C’est peut-être tout près,
Dans le quartier, sur la plage,
Sous un arbre.
J’ai le sentiment qu’un miracle,
Va arriver
Se révéler !
Serait-ce possible ? Oui c’est possible.
Quelque chose va se passer, quelque chose de bien,
Si je ne suis pas impatient !
Quelque chose va se passer, je ne sais pas quoi,
Mais ce
Sera splendide !
En un clic, en un choc,
Un téléphone sonnera, on tapera à la porte,
Laisse le verrou ouvert !
Quelque chose va se passer, je ne sais pas quand, mais ce sera bientôt ;
Décrocher la lune,
Avec une seule main !
Au coin de la rue,
Cela arrivera-t-il ? Oui, cela va arriver.
Peut-être même sans rien faire,
C’est bientôt l’heure !
Viens, petit quelque chose, viens, ne sois pas timide,
Va voir un mec,
Tire une chaise !
Il y a une mélodie dans l’air,
Et quelque chose de grand arrive !
Qui sait ?
C’est peut-être tout près,
Dans le quartier, sur la plage,
C’est peut-être pour ce soir…
***
WEST SIDE STORY – SOMETHING’S COMING
Could be!
Who knows?
There’s something due any day;
I will know right away,
Soon as it shows.
It may come cannonballing down through the sky,
Gleam in its eye,
Bright as a rose!
Who knows?
It’s only just out of reach,
Down the block, on a beach,
Under a tree.
I got a feeling there’s a miracle due,
Gonna come true,
Coming to me!
Could it be? Yes, it could.
Something’s coming, something good,
If I can wait!
Something’s coming, I don’t know what it is,
But it is
Gonna be great!
With a click, with a shock,
Phone’ll jingle, door’ll knock,
Open the latch!
Something’s coming, don’t know when, but it’s soon;
Catch the moon,
One-handed catch!
Around the corner,
Or whistling down the river,
Come on, deliver
To me!
Will it be? Yes, it will.
Maybe just by holding still,
It’ll be there!
Come on, something, come on in, don’t be shy,
Meet a guy,
Pull up a chair!
The air is humming,
And something great is coming!
Who knows?
It’s only just out of reach,
Down the block, on a beach,
Maybe tonight . . .
Voici le Soleil
Qui fait tendre la poitrine des vierges
Qui fait sourire sur les bancs verts les vieillards
Qui réveillerait les morts sous une terre maternelle.
J’entends le bruit des canons — est-ce d’Irun?
On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu.
Vous mes frères obscurs, personne ne vous nomme.
On promet cinq cent mille de vos enfants à la gloire des
futurs morts, on les remercie d’avance futurs morts
obscurs
Die Schwarze schande !
Écoutez-moi, Tirailleurs sénégalais, dans la solitude de la terre noire et de la mort
Dans votre solitude sans yeux sans oreilles, plus que dans ma peau sombre au fond de la Province
Sans même la chaleur de vos camarades couchés tout contre vous, comme jadis dans la tranchée jadis dans les palabres du village
Écoutez-moi, Tirailleurs à la peau noire, bien que sans oreilles et sans yeux dans votre triple enceinte de nuit.
Nous n’avons pas loué de pleureuses, pas même les larmes de vos femmes anciennes
— Elles ne se rappellent que vos grands coups de colère, préférant l’ardeur des vivants.
Les plaintes des pleureuses trop claires
Trop vite asséchées les joues de vos femmes, comme en saison sèche les torrents du Fouta
Les larmes les plus chaudes trop claires et trop vite bues au coin des lèvres oublieuses.
Nous vous apportons, écoutez-nous, nous qui épelions vos noms dans les mois que vous mouriez
Nous, dans ces jours de peur sans mémoire, vous apportons l’amitié de vos camarades d’âge.
Ah ! puissé-je un jour d’une voix couleur de braise, puissé-je chanter
L’amitié des camarades fervente comme des entrailles et délicate, forte comme des tendons.
Écoutez-nous, Morts étendus dans l’eau au profond des plaines du Nord et de l’Est.
Recevez ce sol rouge, sous le soleil d’été ce sol rougi du sang des blanches hosties
Recevez le salut de vos camarades noirs, Tirailleurs sénégalais
MORTS POUR LA RÉPUBLIQUE !
Tours, 1938.
(Léopold Sédar Senghor)
Recueil: Anthologie Poésie africaine six poètes d Afrique francophone
Traduction:
Editions: Points