A midi la chaleur est si forte sous le beau ciel de Séville,
que marchands, soldats, nobles, prêtres, chanoines,
archevêques, religieuses, abbesses, même le grand inquisiteur,
tout le monde fait la sieste.
Seules deux jeunes filles du couvent des Capucines
ne se livraient pas au sommeil.
Assises sous une charmille au fond du jardin du cloître,
elles causaient à voix basse.
Mais de quoi, je vous le demande, peuvent causer deux capucines
quand tout le monde dort, quand il fait si chaud?
De ce qui tient les jeunes coeurs éveillés,
de ce qui leur fait oublier la chaleur, la froidure, le vent et le soleil,
de fêtes, de plaisirs, de promenades en plein air, de danses, de liberté.
Il se pourrait bien aussi qu’elles parlassent d’autre chose,
mais nous n’en sommes pas assez sûrs pour l’affirmer.
—Je fais des rêves affreux.
—Il me semble que j’entends, [la nuit] le bruit d’une guitare sous la fenêtre de ma cellule,
et une voix qui m’appelle Inès!
—Si en effet un homme venait sous nos fenêtres?
—Si c’était le diable?
On dit qu’il rôde toujours autour des couvents.
Et les deux soeurs furent s’agenouiller dévotement
au pied d’une croix placée au milieu du jardin.
Pour peu qu’on connaisse la botanique,
on sait que les capucines sont des fleurs à passions ardentes.
Éclatantes le jour, on les voit la nuit s’entourer d’une auréole d’étincelles phosphorescentes.
Quelle idée leur avait fait choisir de préférence la vie claustrale?
C’est ce qu’on ne peut deviner,
à moins qu’elles n’aient été entrainées par une similitude de noms.
Elle portait une bague de cornaline
Et son amant la traitait d’inhumaine
Baisant ses doigts à travers la mitaine.
On la voyait en mantelet de mousseline
Et sous ses cheveux plats lissés de bandoline,
Offrir à ses colombes de la graine
Sur ses lèvres, et, d’une grâce pleine
De mièvrerie, arroser les capucines
A son balcon. Au soir sentimental,
Elle chantait de vieux airs en cristal,
S’accompagnant du luth qu’on enrubanne
Et que mouillaient ses pleurs. Il s’agissait d’hymen,
De guerriers, de flambeaux, d’esclave, de harem:
“Jeune Grecque à l’oeil noir entre dans ma tartane.”
Voici le liseron, la capucine, le volubilis,
frais échappés d’un déjeuner de soleil,
de beaux cuirs usés, des fourrures animées, des étoffes à reflets,
le miroir et le paysage en forme de carte à jouer.
Trois noisettes dans le bois
Tout au bout d’une brindille
Dansaient la capucine vivement au vent
En virant ainsi que filles De roi.
Un escargot vint à passer :
« Mon beau monsieur, emmenez-moi
Dans votre carrosse,
Je serai votre fiancée »
Disaient-elles toutes trois.
Mais le vieux sire sourd et fatigué,
Le sire aux quatre cornes sous les feuilles
Ne s’est point arrêté,
Et, c’est l’ogre de la forêt, je crois,
C’est le jeune ogre rouge, gourmand et fûté,
Monseigneur l’écureuil,
Qui les a croquées
Ta tête au premier plan
Est fort bien accueillie par la nuit qui s’écroule
Ta tête émerveillée émue
Extrême frémissant
Se compare sans coquetterie
A la foudre globulaire
Pas une goutte de pluie
Les condiments en puissance d’orage
Font que le ciel difforme retourne à ses boissons gelées
Ta tête violemment tendre
Telle une capucine lumineuse
Laisse la terre à ses secrets
Ta tête délicate et faible
Cette grande déshéritée
Où fait-on ce silence qui la persuade
Que sa naissance a prévalu
Pour toujours sur sa vie
Mais tes yeux
Tes yeux ont contredit les puits lunaires
Les échafaudages solaires
Tous les systèmes d’apparitions intermittentes.
Simone, le jardin du mois d’août
Est parfumé, riche et doux :
Il a des radis et des raves,
Des aubergines et des betteraves
Et, parmi les pâles salades,
Des bourraches pour les malades ;
Plus loin, c’est le peuple des choux,
Notre jardin est riche et doux.
Les pois grimpent le long des rames ;
Les rames ressemblent à des jeunes femmes
En robes vertes fleuries de rouge.
Voici les fèves, voici les courges
Qui reviennent de Jérusalem.
L’ognon a poussé tout d’un coup
Et s’est orné d’un diadème,
Notre jardin est riche et doux.
Les asperges tout en dentelles
Mûrissent leurs graines de corail ;
Les capucines, vierges fidèles,
Ont fait de leur treille un vitrail,
Et, nonchalantes, les citrouilles
Au bon soleil gonflent leurs joues ;
On sent le thym et le fenouil,
Notre jardin est riche et doux.