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Posts Tagged ‘cèdre’

NUIT OBSCURE (Jean de la Croix)

Posted by arbrealettres sur 15 mai 2023




    
NUIT OBSCURE

CHANSONS DE L’ÂME
qui se réjouit d’avoir atteint
le haut état de perfection,
qui est l’union avec Dieu,
par le chemin de la négation spirituelle

Dans une nuit obscure
par un désir d’amour tout embrasée
oh joyeuse aventure
dehors me suis glissée
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans l’obscur et très sûre
par la secrète échelle déguisée
oh joyeuse aventure
dans l’obscur et cachée
quand ma maison fut enfin apaisée

Dans cette nuit de joie
secrètement car nul ne me voyait
ni mes yeux rien qui soit
sans lumière j’allais
autre que celle en mon coeur qui brûlait

Et elle me guidait
plus sûr que la lumière de midi
au lieu où m’attendait
moi je savais bien qui
en un pays où nul ne paraissait

Oh nuit qui as conduit
nuit plus aimable que l’aube levée
oh nuit qui as uni
l’ami avec l’aimée
l’aimée en l’ami même transformée

Contre mon sein fleuri
qui tout entier pour lui seul se gardait
il resta endormi
moi je le caressais
de l’éventail des cèdres l’air venait

Du haut du créneau l’air
quand sous mes doigts ses cheveux s’écartaient
avec sa main légère
à mon cou me blessait
et chacun de mes sens me ravissait

En paix je m’oubliai
j’inclinai le visage sur l’ami
tout cessa je cédai
délaissant mon souci
entre les fleurs des lis parmi l’oubli

***

NOCHE OSCURA

CANCIONES DEL ALMA
que se goza de haber llegado
al alto estado de la perfección,
que es la unión con Dios,
por el camino de la negación espiritual

En una noche oscura
con ansias en amores inflamada
oh dichosa ventura
salí sin ser notada
estando ya mi casa sosegada

A oscuras y segura
por la secreta escala disfrazada
oh dichosa ventura
a oscuras y en celada
estando ya mi casa sosegada

En la noche dichosa
en secreto que nadie me veía
ni yo miraba cosa
sin otra luz y guía
sino la que en el corazón ardía

Aquesta me guiaba
mds cierto que la luz del mediodía
adonde me esperaba
quien yo bien me sabía
en parte donde nadie parecía

O noche que guiaste
O noche amable más que el alborada
O noche que juntaste
amado con amada
amada en el amado transformada

En mi pecho florido
que entero para él solo se guardaba
allí quedó dormido
y yo le regalaba
y el ventalle de cedros aire daba

El aire de la almena
cuando yo sus cabellos esparcía
con su mano serena
en mi cuello hería
y todos mis sentidos suspendía

Quedéme y olvidéme
el rostro recliné sobre el amado
cesó todo y dejéme
dejando mi cuidado
entre las azucenas olvidado

(Jean de la Croix)

Recueil: Nuit obscure Cantique spirituel
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Gallimard

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Les frontières sont là (Inger Christensen)

Posted by arbrealettres sur 25 novembre 2022



    

les frontières sont là, les rues, l’oubli

et l’herbe et les concombres, et les chèvres et le genêt,
l’enthousiasme est là, oui les frontières sont là;

les branches sont là, le vent qui les agite
est là, et l’unique signe des branches

de cet arbre qu’on appelle précisément le chêne est là,
de cet arbre qu’on appelle précisément le frêne, le bouleau
le cèdre est là, et le signe répété

est là, sur le gravillon de l’allée; elles sont là
aussi les larmes, l’armoise et le laurier sont là,
les otages, l’oie cendrée, et les petits de l’oie cendrée;

et les fusils sont là, un jardin d’énigmes,
sec et sauvage, orné des seules groseilles,
les fusils sont là; au milieu du ghetto
éclairé et chimique ils sont là les fusils oui,
avec leur précision ancienne et paisible ils sont là

les fusils, et les pleureuses sont là, rassasiées
comme hiboux inassouvis, le lieu du crime est là;
le lieu du crime oui, insouciant, naturel, abstrait,
baigné d’une lumière de chaux, pitoyable,
ce poème tout blanc, vénéneux, qui s’effrite

***

grænserne findes, gaderne, glemslen

og græs og agurker og geder og gyvel,
begejstringen findes, graenserne findes;

grenene findes, vinden der løfter dem
findes, og grenenes eneste tegning

af netop det træ der kaldes egetræet findes,
af netop det træ der kaldes asketræet, birketræet,
cedertrœet findes, og tegningen gentaget

findes, i havegangens grus; findes
også gråden, og gederams og gråbynke findes,
gidslerne, grågåsen, grågåsens unger;

og geværerne findes, en gådefuld baghave,
tilgroet, gold og kun smykket med ribs,
geværerne findes; midt i den oplyste
kemiske ghetto findes geværerne,
med deres gammeldags, fredelige præcision findes

geværerne, og grædekonerne findes, mætte
som grådige ugler, gerningsstedet findes;
gerningsstedet, døsigt, normalt og abstrakt,
badet i et hvidkalket, gudsforladt lys,
dette giftige, hvide, forvitrende digt

(Inger Christensen)

Traduction de Zéno Bianu,
avec la collaboration de Karl Ejby Poulsen

 

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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Partant de Paumanok (Walt Whitman)

Posted by arbrealettres sur 23 novembre 2022




    
Partant de Paumanok

Partant de Paumanok à forme de poisson, où je suis né
Même bien né, élevé par les soins d’une mère parfaite,
Après avoir couru de nombreuses cités en amoureux des pavés populaires,
En habitant de ma cité de Manhattan, des savanes du sud,

Ou en soldat de campement, porteur d’un sac à dos et d’un fusil, ou en mineur californien,
Ou en homme rude dans ma maison des bois du Dakota, régime carné et eau de source,
Ou retiré pour musarder ou méditer dans quelque endroit secret,
Loin du cliquettement des foules passant par intervalles, ravies, heureuses,

Ayant la connaissance du frais, du libre bienfaiteur qu’est le fleuve Missouri, du puissant Niagara,
Des troupeaux de bisons paissant les plaines, du taureau au poitrail imposant et velu,
De la terre, des rochers, des fleurs du cinquième mois, des étoiles, de la pluie, de la neige, mon émerveillement,

M’étant instruit des notes de l’oiseau qui se moque et du vol du faucon des montagnes,
Puis ayant entendu l’incomparable à l’aube, la grive ermite des cèdres du marais,
Solitaire, chantant dans l’Ouest, j’affronte un Nouveau Monde

***

Starting from Paumanok

Starting from fish-shape Paumanok where I was born,
Well-begotten, and rais’d by a perfect mother,
After roaming many lands, lover of populous pavements,
Dweller in Mannahatta my city, or on southern savannas,

Or a soldier camp’d or carrying my knapsack and gun, or a miner in California,
Or rude in my home in Dakota’s woods, my diet meat, my drink from the spring,
Or withdrawn to muse and meditate in some deep recess,
Far from the clank of crowds intervals passing rapt and happy,

Aware of the fresh free giver the flowing Missouri, aware of mighty Niagara,
Aware of the buffalo herds grazing the plains, the hirsute and strong-breasted bull,
Of earth, rocks, Fifth-month flowers experienced, stars, rain, snow, my amaze,

Having studied the mocking-bird’s tones and the flight of the mountain-hawk,
And heard at dawn the unrivall’d one, the hermit thrush from the swamp-cedars,
Solitary, singing in the West, I strike up for a New World.

(Walt Whitman)

Traduction de Marie Etienne

Recueil: Poésies du Monde
Traduction:
Editions: Seghers

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MATIN AU SOLEIL (Franz Hellens)

Posted by arbrealettres sur 15 mai 2022



MATIN AU SOLEIL

Le matin s’est levé de l’or dans la bouche
Au noir du cèdre filtre l’eau des rayons
La montagne est de marbre et la vigne louche
Du côté du chemin qui mène à la maison.

Tout au loin je te vois dans les fleurs, petite,
Et blanche ouvrant un parasol
Comme une autre fleur blanche au-dessus de ta tête;
Ainsi montant grandit ta silhouette
Jusqu’à fleurir immense dans le ciel.

(Franz Hellens)

Illustration: Claude Monet

 

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Le phénix (Jean-Pierre Claris de Florian)

Posted by arbrealettres sur 23 décembre 2020



    

Le phénix

Le phénix, venant d’Arabie,
Dans nos bois parut un beau jour :
Grand bruit chez les oiseaux ; leur troupe réunie
Vole pour lui faire sa cour.
Chacun l’observe, l’examine ;
Son plumage, sa voix, son chant mélodieux,
Tout est beauté, grâce divine,
Tout charme l’oreille et les yeux.
Pour la première fois on vit céder l’envie
Au besoin de louer et d’aimer son vainqueur.
Le rossignol disait : jamais tant de douceur
N’enchanta mon âme ravie.
Jamais, disait le paon, de plus belles couleurs
N’ont eu cet éclat que j’admire ;
Il éblouit mes yeux et toujours les attire.
Les autres répétaient ces éloges flatteurs,
Vantaient le privilège unique
De ce roi des oiseaux, de cet enfant du ciel,
Qui, vieux, sur un bûcher de cèdre aromatique,
Se consume lui-même, et renaît immortel.
Pendant tous ces discours la seule tourterelle
Sans rien dire fit un soupir.
Son époux, la poussant de l’aile,
Lui demande d’où peut venir
Sa rêverie et sa tristesse :
De cet heureux oiseau désires-tu le sort ?
– Moi ! Mon ami, je le plains fort ;
Il est le seul de son espèce.

(Jean-Pierre Claris de Florian)

 

Recueil: Fables
Traduction:
Editions:

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NOTRE-DAME-DES-ILES (Xavier Grall)

Posted by arbrealettres sur 24 juin 2020



église [800x600]

NOTRE-DAME-DES-ILES

Bretagne, ma demeure
il faut que survive
le kyrie dans ton âme de sel
idem il faut jeter au ciel
la drisse
des piétés et des miséricordes
idem il faut poursuivre les troménies
dans la croyance des bocages
idem relire les portulans
il le faut

idem faire son évangile
de la pensée du soleil
il le faut.
Et cependant, mère, aber
dans le suaire des grèves
roulent
des monceaux de chiens et d’enfants.

J’ai vu dans tes abysses
errer les cerveaux et les poulpes
Ah quand ressusciteront les ossuaires pourrissants
dans le soleil des baies ?
Ah quand reviendront mes amis morts
ah quand reviendront mes chevreuils massacrés
mes chevaliers mes disparus mes trépassés ?
Ah quand dans les monts d’Arrée
surgiront les cèdres du Liban
les jasmins, les cyprès ?

Ah quand donc reviendront les poulains en fleurs
dans la féerie des colzas
et le bagad de Pâque à Tronoën et à Lanmeur ?

(Xavier Grall)

Illustration

 

 

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CHEMIN DES RONCES (Jean Sénac)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2019



    
CHEMIN DES RONCES

I
Mon amour mon amour
je t’appelle sans répit
je te donne des noms inutiles
des noms sans magie
des noms qui n’éclatent pas
comme un mauvais fruit

Mon amour si mal appris
mon détour ma belle eau sale
mon corsage de l’été
déserté par le désir

Tout est toujours à renoncer
à partir d’une larme
le cri de l’oiseau
l’honneur du pain bis
le fruit qui séduit
le pli de la nappe

Et toi mon amour
mon oeillet de soufre
ma nuit qu’il faudrait refaire
pour donner une chance au soleil.

II
Cette larme si terrible
que j’ai serrée dans un mot
maintenant elle déclenche
tous les jeux de l’océan

Dieu connaît le sang des choses
il séduit le naufragé
avant que j’aie dérobé
cette mémoire frivole
il avait planté un cèdre
dans mon coeur pour le nouer

Regarde ce puits confident
cette larme si terrible
ce voile de Véronique
où j’ai préservé ton nom.

III
Poète des chaos
des amours fous des épines
d’un royaume sans pitié
d’un visage sans appel

Par le sacre de la mort
je retrouve l’innocence
je justifie la parole
j’en fais une eau amicale.

(Jean Sénac)

 

Recueil: Oeuvres poétiques
Traduction:
Editions: Actes Sud

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J’habite le Possible (Emily Dickinson)

Posted by arbrealettres sur 22 décembre 2018



J’habite le Possible —
Maison plus belle que la Prose —
Aux Croisées plus nombreuses —
Aux Portes — plus hautes —

Des Salles comme les Cèdres —
Imprenables pour l’OEil —
Et pour Toit impérissable
Les Combles du Ciel —

Pour Visiteurs — les plus beaux —
Mon Occupation — Ceci —
Déplier tout grands mes Doigts étroits
Pour cueillir le Paradis —

***

I dwell in Possibility —
A fairer House than Prose —
More numerous of Windows —
Superior — for Doors —

Of Chambers as the Cedars —
Impregnable of eye —
And for an everlasting Roof
The Gambrels of the Sky —

Of Visitors — the fairest —
For Occupation — This —
The spreading wide my narrow Hands
To gather Paradise —

(Emily Dickinson)


Illustration: Sylvie Lemelin

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Ма belle, belle colombe (James Joyce)

Posted by arbrealettres sur 30 juin 2018




    
Ма belle, belle colombe,
Lève, lève-toi !
La rosée de la nuit recouvre
Mes lèvres et mes yeux.

Les vents parfumés tissent
Une mélodie de soupirs :
Lève, lève-toi,
Ма belle, belle colombe!

J’attends près du cèdre,
Ma soeur, mon amour.
Sein blanc de colombe,
Mon sein sera ton lit.

La pâle rosée recouvre
Comme un voile ma tête.
Ма blonde, blonde colombe,
Lève, lève-toi!

***

My dove, my beautiful one,
Arise, arise!
The night-dew lies
Upon my lips and eyes.

The odorous winds are weaving
A music of sighs:
Arise, arise,
Mу dove, my beautiful one!

I wait by the cedar tree,
Mу sister, my love.
White breast of the dove,
My breast shall be your bed.

The pale dew lies
Like a veil on my head.
My fair one, my fair dove,
Arise, arise!

(James Joyce)

 

Recueil: Musique de chambre et autres poèmes Pomes Penyeach Ecce Puer
Traduction: Philippe Blanchon
Editions: La Nerthe

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Céder (Béatrice Douvre)

Posted by arbrealettres sur 23 avril 2018




    
Céder
Aux migrations de sel
– Quand le vent s’ouvre
Aux oiseaux finissant à des portes de cèdre
Aux jardins couchés des collines

Tes mains portaient l’eau douce sur les roses
Posaient dans l’herbe une peur d’enfant

Elles semblaient venir
De la jeune ombre des nuages
Sans marquer la terre des lampes.

(Béatrice Douvre)

 

Recueil: Oeuvre poétique
Traduction:
Editions: Voix d’Encre

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