Ils quittent un à un le pays
Pour s’en aller gagner leur vie
Loin de la terre où ils sont nés
Depuis longtemps ils en rêvaient
De la ville et de ses secrets
Du formica et du ciné
Les vieux ça n’était pas original
Quand ils s’essuyaient machinal
D’un revers de manche les lèvres
Mais ils savaient tous à propos
Tuer la caille ou le perdreau
Et manger la tomme de chèvre
Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?
Avec leurs mains dessus leurs têtes
Ils avaient monté des murettes
Jusqu’au sommet de la colline
Qu’importent les jours les années
Ils avaient tous l’âme bien née
Noueuse comme un pied de vigne
Les vignes elles courent dans la forêt
Le vin ne sera plus tiré
C’était une horrible piquette
Mais il faisait des centenaires
A ne plus que savoir en faire
S’il ne vous tournait pas la tête
Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?
Deux chèvres et puis quelques moutons
Une année bonne et l’autre non
Et sans vacances et sans sorties
Les filles veulent aller au bal
Il n’y a rien de plus normal
Que de vouloir vivre sa vie
Leur vie ils seront flics ou fonctionnaires
De quoi attendre sans s’en faire
Que l’heure de la retraite sonne
Il faut savoir ce que l’on aime
Et rentrer dans son H.L.M.
Manger du poulet aux hormones
Pourtant que la montagne est belle
Comment peut-on s’imaginer
En voyant un vol d’hirondelles
Que l’automne vient d’arriver ?
depuis toujours, et cette odeur de pourriture
à laquelle nous tenons si fort :
la moisissure et les oeufs centenaires,
l’amour et la venaison des corps.
Mais le pied parfumé du dieu
qu’on lave de son vivant. Le pied nu
de la femme qu’on caresse en s’endormant.
(Gérard Macé)
Recueil: Filles de la mémoire
Traduction:
Editions: Gallimard
Elles élèvent leurs voix contre les dévoreurs de forêt
et demandent grâce pour leurs pères
Si l’on trouve encore de grands arbres centenaires
c’est qu’une nymphe à voix de sirène habite en eux
(Marie Huot)
Recueil: Récits librement inspirés de ma vie d’oiseau
Traduction:
Editions: Le temps qu’il fait
Voici la plus belle heure, les arbres
Sont roses dans le jour qui se lève.
Les parfums n’ont encore épuisé leurs timides
Secrets, dans le lacis des herbes, parmi les fleurs.
Alors le soleil blanc et rond quitte son écurie
Perdue dans la douceur du ciel au-dessus de la crête
Des arbres centenaires. Le lourd charroi qu’il tire
De la chaleur d’été d’où tombe le foin rouge,
S’engage sur l’ornière de la Loire jusqu’au soir des collines,
Que des merles, des hirondelles, veillent de leurs cris.
(Philippe Delaveau)
Recueil: Le Veilleur amoureux précédé d’Eucharis
Traduction:
Editions: Gallimard
A défaut de miroir
je me regarde
dans une planche de merisier,
dans le crépi d’un mur,
et mes yeux
à la longue m’apparaissent
à bonne hauteur,
à fidèle couleur.
L’imperfection du bois
ou les nervures du plâtre
les déforment seuls,
les faisant ressembler
tantôt à une flamme en veilleuse,
tantôt à deux poissons bleus.
Cette tête
ne me contient pas,
ces mains
ne sont pas les gants de ma tendresse,
cette voix
n’est pas celle qui me raconte.
Je vis à côté de mon corps
comme auprès d’une maison
un noyer centenaire.