Je viens depuis dedans, je viens
depuis que les choses sont.
Je porte mon enfance
dans ma poche :
amulettes,
billes,
anneaux,
un morceau de ficelle
pour attacher ma toupie
un cerf-volant dans la main.
Ma tête de chiffon surgit
en continu et se renouvelle.
Ma tête de chiffon en feu
me suit,
me poursuit
par-derrière les arbres.
Elle me guette depuis les vitres
peintes dans les collines;
dans les maïs,
avec les chevaux somnambules.
Le soir, je rencontre ma tête
dans le fond obscur des citernes.
Je suis moi, se mirant dans l’eau
la première tristesse au visage.
Je suis moi, la nuit douce et terrible
Sous les paupières.
Ce que je suis, étais,
depuis bien longtemps.
Je viens de dedans, je viens
depuis que les choses sont.
***
CONJUGANDO EL VERBO SER
Lo que soy, era,
desde hace mucho,
Vengo desde adentro, vengo
desde que las cosas son.
Traígo mi infancia
en mi bolsillo ;
amuletos,
globos,
anillos,
un pedazo de pita
para amarrar mi trompo,
un corneta de papel en la mano.
Mi cabeza de trapo surge
continuamente y se renueva.
Mi cabeza de trapo ardiendo me sigue,
me persigue
por detrás de los árboles.
Me aguaita desde los vidrios
pintado en las colinas ;
en los maizales,
junto a caballos sonámbulos.
Al anochecer encuentro mi cabeza
en el fondo oscuro de las cisternas.
Ese soy yo, mirándose en el agua,
con la primera tristeza en el restro.
Ese soy yo, con la dulce y terrible
noche bajo los párpados.
Lo que soy, era,
desde hace mucho.
Vendo desde adentro, vengo
desde que las cosas son.
Recueil: La peau du temps
Traduction: Anne-Marie Vindras
Editions: des Crépuscules
Je sais qu’c’est pas vrai mais j’ai dix ans
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans
Ça fait bientôt quinze ans que j’ai dix ans
Ça paraît bizarre mais
… Si tu m’crois pas, hé
Tar’ ta gueule à la récré
… J’ai dix ans
Je vais a l’école et j’entends
De belles paroles doucement
Moi je rigole, cerf-volant
Je rêve, je vole
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Le mercredi je m’balade
Une paille dans ma limonade
Je vais embêter les quilles à la vanille
Et les gars en chocolat
… J’ai dix ans
Je vis dans des sphères où les grands
N’ont rien à faire, j’vois souvent
Dans des montgolfières, des géants
Et des petits hommes verts
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… J’ai dix ans
Des billes plein les poches, j’ai dix ans
Les filles c’est des cloches, j’ai dix ans
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Bien caché dans ma cabane
Je suis l’roi d’la sarbacane
J’envoie des chewing-gums mâchés à tous les vents
J’ai des prix chez le marchand
… J’ai dix ans
Je sais que c’est pas vrai mais j’ai dix ans
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans
Ça fait bientôt quinze ans que j’ai dix ans
Ça paraît bizarre mais
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Si tu m’crois pas
T’ar ta gueule
À la récré
T’ar ta gueule
Je pense à toi
sur mon chemin
pour trouver la maison
pour voyager tranquille
vers le soir
et arriver indemne
au matin
en passant
la longue file des jours
aux cous inclinés tels des
portraits de Modigliani
je traverse midi
où la désolation
est un olivier luisant
chaque fois que je ferme
mes yeux sur ton odeur
je vois la petite main
de la rose
mes pensées bleuissent
deviennent cerfs-volants
mon coeur divague
plus qu’une fenêtre
j’ouvre la porte
j’entre doucement
pour que ton sommeil se promène
à la manière d’un ange
***
(Salih Diyab)
Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral
Il était un petit homme
tout habillé de gris
qui s’appelait l’automne
et revenait sans bruit
dans la nuit
semant devant lui
des feuilles jaunies
et des chansons de pluie …
J’aime l’automne j’aime l’automne
et ses souvenirs de jadis
L’odeur des tabliers
de la rentrée des classes
parfum du tissu neuf
et des cartables bruns
et des plumiers de cuir
et des marrons qu’on casse
Odeur de l’encre fraîche
sur les premiers bons points.
Visages inconnus
des nouveaux camarades
Mystère des cahiers
que l’on ouvre en tremblant
Et les jeudis d’octobre
aux courtes promenades
La nuit tombe trop tôt
pour les petis enfants…
Mais si on retrouve au fond d’une poche
un peu de sable de l’été
c’est bien que ce jour-là quand on est un gosse
que l’on apprend à regretter
Il était un petit homme
tout habillé de blanc
qui courait sur la plage
derrière un cerf-volant
palpitant
courait sous le ciel courait follement
après son âme d’enfant
qui s’envolait qui s’envolait
qui s’envolait
dans le vent…
Ton sourire ouvre la porte du monde
ton geste doux parle d’un pays
d’arbres et de sources
de chants ensoleillés
de tambours qui battent dans la nuit
de légendes au coeur gros
du blé qui pousse si haut dans la montagne
et du vent au goût de résine
Ton sourire ouvre la porte du monde
il est comme un cerf-volant dans l’azur
il va et vient et ne veut jamais s’arrêter
(Michel Cosem)
Recueil: La cour couleurs Anthologie de poèmes contre le racisme
Traduction:
Editions: Rue du monde