Les ronces pousseront dans le métro désert,
Les sangliers boiront sous le pont de l’Alma
Et dans le parc Monceau grignoté par la mer,
Quelques cerfs improbables brameront leur effroi.
On aura de folles herbes jusqu’aux marchés d’Auteuil,
Les vipères siffleront près du Trocadéro,
Les tigres dormiront dans les rues d’Argenteuil
Et un troupeau de buffles y cherchera de l’eau.
Ce temps sera le temps des fourmis de retour,
Des araignées géantes et des scorpions fébriles,
Des taureaux assoupis à l’ombre de la Tour,
Des vendanges en Mai, des moissons en Avril.
Trois soleils brûleront la vieille capitale,
Ce temps sera celui d’un espoir chaviré,
La forêt mangera le forum des Halles,
Et les loups se battront sur les Champs Elysées.
Mais où t’es-tu caché
me laissant gémissante mon ami
toute tu m’as blessée
tel le cerf qui bondit
criant je suis sortie tu avais fui
Pâtres qui monterez
là-haut sur les collines aux bergeries
si par chance voyez
qui j’aime dites-lui
que je languis je souffre et meurs pour lui
Mes amours poursuivrai
à travers les montagnes les rivières
les fleurs ne cueillerai
ne craindrai lions panthères
et passerai les forts et les frontières
[…]
***
Esposa
Adónde te escondiste
amado y me dejaste con gemido ?
como el ciervo huiste habiéndome herido
salí tras ti clamando, y eras ido.
Pastores los que fuerdes
allá por las majadas al otero
si por ventura vierdes
aquel que yo más quiero
decidle que adolezco, peno, y muero
Buscando mis amores
iré por esos montes y riberas
ni cogeré las flores
ni temeré las fieras
y pasaré los fuertes y fronteras.
[…]
(Jean de la Croix)
Recueil: Nuit obscure Cantique spirituel
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Gallimard
Tout est mensonge et tout illusion,
La vérité reste indéfinissable,
Et j’ai, pourtant, la nette vision
De la montagne au loin reconnaissable.
Rose, corbeau, le cerf dans la forêt,
L’azur des mers et les couleurs du monde,
Concentre-toi, tout cela disparaît,
N’a plus forme ni nom qui lui réponde.
Rentre en toi-même ; ainsi te concentrant,
Apprends à lire, à voir, à reconnaître,
Concentre-toi — tout n’est plus qu’apparent.
Concentre-toi — l’apparent devient l’Être.
***
JUNGER NOVIZE IM ZEN-KLOSTER (II)
Ist auch alles Trug und Wahn
Und die Wahrheit stets unnennbar,
Dennoch blickt der Berg mich an
Zackig und genau erkennbar.
Hirsch und Rabe, rote Rose,
Meeresblau und bunte Welt :
Sammle dich — und sie zerfällt
Ins Gestalt- und Namenlose.
Sammle dich und kehre ein,
Lerne schauen, lerne lesen !
Sammle dich — und Welt wird Schein,
Sammle dich — und Schein wird Wesen.
(Hermann Hesse)
Recueil: Poèmes choisis
Traduction: Jean Malaplate
Editions: José Corti
Au clair de lune, à travers la forêt,
J’ai vu tantôt les elfes chevaucher;
J’ai entendu aussi leurs cors résonner,
J’ai entendu aussi leurs clochettes tinter.
Leurs blanches montures portaient
Des bois de cerfs dorés et filaient,
Comme un vol de cygnes sauvages
Leur cortège traversait les airs.
Souriant, la reine me fit un signe,
Souriant, en passant près de moi.
Était-ce un signe pour mon nouvel amour,
Ou voulait-elle me parler de mort?
(Heinrich Heine)
Recueil: Nouveaux poèmes
Traduction: Anne-Sophie et Jean Guégan
Editions: Gallimard
Voici que là-haut,
sur la colline d’en face,
un cerf se tient solitaire.
L’hiver commençant,
il se tient sous la pluie froide,
tout ruisselant, solitaire.
***
(Ryôkan)
Recueil: Ô pruniers en fleur
Traduction: Alain-Louis Colas
Editions: Folio
La montagne est déserte,
je ne vois personne.
A peine me parvient
l’écho de voix lointaines.
Un dernier trait de soleil
perce la profondeur de la forêt :
sur la mousse verte,
luit un éclat de lumière.
(Wang Wei)
***
Recueil: Neige sur la montagne du lotus Chants et vers de la Chine ancienne
Traduction: Ferdinand Stočes
Editions: Picquier poche