Mon amour, si je meurs et si tu ne meurs pas
Mon amour, si tu meurs et si je ne meurs pas
N’accordons pas à la douleur plus grand domaine
Nulle étendue ne passe celle de nos vies.
Poussière sur le blé, et sable sur les sables
L’eau errante et le temps, et le vent vagabond
Nous emportaient tous deux comme graine embarquée
Nous pouvions dans ce temps ne pas nous rencontrer.
Et dans cette prairie où nous nous rencontrâmes
Mon petit infini, nous voici à nouveau
Mais cet amour, amour, est un amour sans fin,
Et de même qu’il n’a pas connu de naissance il
ignore la mort, il est comme un long fleuve, Il
Change seulement de lèvres et de terre.
(Pablo Neruda)
Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction: J. marcenac et A. Bonhomme
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi
A en grincer des dents ce spectacle
de gros pourceaux sur les terrasses
et sur les golfs des palaces
remontés à coups d’engrais et de vols,
des chouchous du bon dieu.
Plus dur
à supporter, toi qui n’es personne,
foreur au ciré bon marché,
petit-bourgeois, huissier, assesseur, coursier,
plus triste ton visage jauni.
Foutu
toi qui t’abandonnes à qui te mène
par le bout du nez, dé de vent modéré,
forgeron de tes menottes,
accoucheur de ta mort,
épicier du poison
qui te sera administré.
Sans doute
ils sont nombreux à te promettre
l’abolition du meurtre.
Les meurtriers t’invitent
à partir en guerre contre lui.
Ce n’est pas le crime qui perdra
la partie, mais toi : le crime
ne fait que changer de visage.
Le sang des victimes, lui, reste noir.
(Hans Magnus Enzensberger)
Recueil: Mausolée
Traduction: Maurice Regnaut et Roger Pillaudin
Editions: Gallimard
Une petite fille bien sage
l’a apporté dans un panier
avec le pain et le fromage;
il n’est ni trop froid ni trop chaud
il est tout juste comme il faut.
Les hommes et les femmes sont assis en rond,
chacun sa tasse à la main; ils parlent
du temps qu’il fait, de la moisson
qui va venir, et des ouvrages
qui changent selon les saisons,
mais sont toujours aussi pressants,
si bien qu’on n’a jamais le temps…
Le temps de quoi?… on se demande.
Un oiseau bouge dans les branches, les
sauterelles craquent dans le foin…
Oui, le temps de quoi?… Et on se regarde.
Mais, dès qu’on a vidé sa tasse, dès
qu’on a mangé à sa faim: «Est-ce
qu’on y va?… » Vous voyez bien: on
n’a jamais le temps de rien.
(Charles-Ferdinand Ramuz)
Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite
Quelquefois, le soir, quand on est assis
et qu’il commence à faire nuit,
la vieille Lise
se met à parler du temps passé.
Elle dit:
« On était plus heureux qu’aujourd’hui,
pour sûr, on ne sait pas pourquoi;
on travaillait peut-être davantage,
mais on savait mieux s’amuser;
ça vient des temps qui sont changés,
ce qui est passé est passé. »
Elle reste un moment sans parler,
tout le monde fait silence.
« Quand la moisson était finie,
tard vers la nuit tombante on rentrait;
les filles étaient perchées au fin haut du char,
les hommes suivaient,
on chantait
toutes les chansons qu’on savait.
On avait fait un vrai repas de noces;
il y avait du rôti, du poulet,
les gens étaient assis jusque sur le pas de la porte.
Et encore que le vin n’était pas ménagé
et pour rire, on sait rire, et, quand on a mangé,
ah! ces histoires qu’on se raconte !
Les vieux d’autrefois aimaient à parler.
La jeunesse dans la cour
brûlait la dernière gerbe.
On faisait un grand feu et on dansait autour.
Même qu’une fois pour rire
ils m’ont pris mon chapeau,
ils l’ont mis dans le feu.
C’était un chapeau tout neuf,
tout garni de grands rubans roses.
Et, comme j’avais l’air fâchée:
« Ne vous fâchez pas, ça porte bonheur. »
Et la ronde était commencée,
et 1a ronde tournait plus fort
pendant que mon chapeau brûlait. »
(Charles-Ferdinand Ramuz)
Recueil: Le Petit Village
Traduction:
Editions: Héros-Limite
1. Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
A des choses sans importance pour vous
Un soir d´été, le vol d´une hirondelle
Un sourire d´enfant, en rendez-vous
Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
A des riens qui pour moi font un tout
Un vieux toutou, une boite d´aquarelle
Le port de La Nouvelle au mois d´août.
2. Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
A des lieux et des amis très doux :
Un drôle d´Albert et sa sœur en dentelles
Un castillet tout neuf, un Canigou.
Une rue de Béziers, une tante Emilie
Une maman partant pour Budapest
Ma vieille maison avec sa tonnellerie
Et près de la gendarmerie, les express.
3. Fidèle, fidèle je suis resté fidèle
Au souvenir d´un soir à Montauban
Candides ardeurs, nos cœurs je me rappelle
S´étaient donnés si jeunes sur un vieux banc
J´étais parti dans la nuit des vacances
Plus léger qu´un elfe au petit jour
Mais à présent à présent quand j´y pense
Je pleure toujours mon premier amour.
4. Fidèle, fidèle pourquoi rester fidèle
Quand tout change et s´en va sans regrets
Quand on est seul debout sur la passerelle
Devant tel ou tel monde qui disparaît
Quand on regarde tous les bateaux qui sombrent
Emportant les choses qu´on espérait
Quand on sait bien que l´on n´est plus qu´une ombre
Fidèle à d´autres ombres à jamais.
{Refrain:}
C´est la vie qui va toujours
Vive la vie
Vive l´amour
La vie qui nous appelle
Comme l´amour elle a des ailes
Oui c´est elle qui fait chanter la joie
Quand tout vit c´est que tout va
Quand tout va la vie est belle
Pour vous et pour moi
Je sais bien que demain tout peut changer
Je sais bien que le bonheur est passager
Mais après les nuages
Mais après l´orage
On voit se lever joyeux
L´arc-en-ciel dans vos yeux
Tout est beau comme un mirage
Quand la vie va mieux.
Vous qui rêvez d´un désir fou
Vous qui chantez la jeunesse
Vous qui pleurez d´un air très doux
Le cœur empli de tendresse
Stop! Arrêtez-vous un instant
Écoutez la marche du temps…
Voici la vie
{au Refrain}
La vie va mieux
La vie va mieux
Pour vous et pour moi
C´est la vie qui va!
Chérie, comme il fait doux. Le vent s’est endormi.
Déjà, la brume vient danser après la pluie.
Une hirondelle bleue écrit des mots d’amour
Dans le ciel et je pense aux beaux jours…
Jardin du mois de mai, où êtes-vous ce soir ?
Jardin fleuri, nos cœurs se sont aimés
Par une nuit de tendre espoir.
Jardin du souvenir, mon premier rendez-vous.
Désir charmant et soudain désir fou.
Tout tourne autour de nous.
Depuis, j’ai voyagé là-haut souvent dans de beaux nuages,
Changeant d’amour comme l’oiseau change de paysage…
Mais rien n’a pu changer au jardin de mon cœur.
Mon seul amour y dort vivant et nu comme une belle fleur…
Je vous écris de loin, d’un pays merveilleux
Où les choses vous parlent quand on ferme les yeux.
La chambre que j’habite est chambre de voleur
Car j’abrite la vie, le temps, les heures…
Jardin du mois de mai, vous êtes là ce soir,
Jardin fleuri où nos cœurs vont s’aimer
Dans l’ombre ardente du ciel noir.
Tes bras qui vont s’ouvrir, je les caresse encor.
Comme autrefois ta bouche est près de moi.
Je sens vibrer ton corps.
Depuis j’ai voyagé là-haut souvent dans de beaux nuages,
Changeant d’amour comme l’oiseau change de paysage…
Mais rien n’a pu changer au jardin de mon cœur.
Mon seul amour y dort vivant et nu comme une belle fleur…