Dans nos nuits parfois rôde un renard
qui sur la terre dormante
cherche un vivre hasardeux
frôlant la feuille sucrée
et d’un long rêve de rapines
d’enfance et de honte
empli pourtant des mystères du pain chaud
et du feu ardent des chaumières
l’on s’éveille la gorge altérée.
La fenêtre cligne sous le chaume
Enfoncé comme un chapeau
Sur le regard pieux des carreaux
Dans la cheminée
La crémaillère montre ses dents
Le feu lutine sur les fagots
Et fait grimacer les armoires
Sur le sol de terre battue
La table de chêne massif
Attend religieusement
De muets soupeurs
Sur le buffet sans cesse ciré
Des « porcelaines » conservent
Le bruit de la mer toute proche
Mais qu’on n’a pas le temps d’aller voir
A part le dimanche
Et l’horloge balance ses rames
Sur l’émail bleu des heures
Le soir la chaumière
Se referme sur ses mystères
Et ses bonheurs secrets
Alors que le vent du large
Eparpille des étoiles
Tout autour de son toit.
Les jours de repassage,
Dans la maison qui dort,
La bonne n´est pas sage
Mais on la garde encore.
On l´a trouvée hier soir,
Derrière la porte de bois,
Avec une passoire, se donnant de la joie.
La barbe de grand-père
A tout remis en ordre
Mais la bonne en colère a bien failli le mordre.
Il pleut sur les ardoises,
Il pleut sur la basse-cour,
Il pleut sur les framboises,
Il pleut sur mon amour.
Je me cache sous la table.
Le chat me griffe un peu.
Ce tigre est indomptable
Et joue avec le feu.
Les pantoufles de grand-mère
Sont mortes avant la nuit.
Dormons dans ma chaumière.
Dormez, dormons sans bruit.
Berceau berçant des violes,
Un ange s´est caché
Dans le placard aux fioles
Où l´on me tient couché.
Remède pour le rhume,
Remède pour le cœur,
Remède pour la brume,
Remède pour le malheur.
La revanche des orages
A fait de la maison
Un tendre paysage
Pour les petits garçons
Qui brûlent d´impatience
Deux jours avant Noël
Et, sans aucune méfiance,
Acceptent tout, pêle-mêle :
La vie, la mort, les squares
Et les trains électriques,
Les larmes dans les gares,
Guignol et les coups de triques,
Les becs d´acétylène
Aux enfants assistés
Et le sourire d´Hélène
Par un beau soir d´été.
Donnez-moi quatre planches
Pour me faire un cercueil.
Il est tombé de la branche,
Le gentil écureuil.
Je n´ai pas aimé ma mère.
Je n´ai pas aimé mon sort.
Je n´ai pas aimé la guerre.
Je n´ai pas aimé la mort.
Je n´ai jamais su dire
Pourquoi j´étais distrait.
Je n´ai pas su sourire
A tel ou tel attrait.
J´étais seul sur les routes
Sans dire ni oui ni non.
Mon âme s´est dissoute.
Poussière était mon nom.
Le soleil plonge à l’ouest
derrière les monts de Yan. Je cherche l’ermite
près de sa chaumière. Parmi toutes ces feuilles
qui chutent
où se trouve-t-il ?
La sente se perd dans les volutes de la brume.
Seul au crépuscule
il frappe le gong de pierre.
J’écoute, immobile,
appuyé sur mon bâton de rotin.
Un grain de poussière peut résumer le monde entier.
A quoi bon l’amour à quoi bon la haine ?
(Li Shangyin)
Recueil: Neige sur la montagne du lotus Chants et vers de la Chine ancienne
Traduction: Ferdinand Stočes
Editions: Picquier poche
Belle étrangère
tu m’apparais
en rêve
dans mon sommeil
et mes lèvres
cherchent les tiennes
mais au réveil
la tristesse m’oppresse
car tu me laisses
solitaire sur la terre
de mes ancêtres
dans cette chaumière
perdue au milieu
des fougères et des bruyères
d’un lieu mystérieux.
Par-delà les monts, peut-être nous attendent encore
Un vallon, une cascade, d’anonymes chaumières.
Nous comptions y aller, nous ne l’avons pas fait ;
Peut-être vaut-il mieux que perdure le rêve.
(François Cheng)
Recueil: Enfin le royaume
Traduction:
Editions: Gallimard
Je perçois les reflets
De souvenirs vivants
Un sourire dans un halo
Un regard dans un miroir
Dont les yeux brillaient de rire
Sous un ciel diaphane
Alors que le sol exhalait du froid
Dans la tige de l’herbe
J’éprouve de nouveau les anciennes soifs
Et revois la fleur dans le taillis
Alors que dans le jardin surchargé d’oiseaux
Le cerisier en fruits s’affaissait sur la pelouse
Je me confonds avec l’ombre de ton corps
Au bord de la vague de nuit
Et me souviens d’avoir vécu
Dans le cœur sec de la ville
Avant de retrouver l’âme du village
Dans une chaumière tendue de ténèbres
Que ton sourire irradiait
Pour en faire une demeure chaleureuse.
Pousse la porte. Personne. Voici les vers luisants
du petit feu dans l’âtre, le banc-coffre verni, la huche,
les lits-clos et, dans le silence enfumé qui sent le pain
bis et le lait, le solennel et doux tic-tac de la grande horloge noire
où la Mort se tient cachée.