Le ruisseau s’éloigne en bouillonnant, le vent crie sa violence à travers les pins ;
Les rats gris s’enfuient à mon approche et vont se cacher sous les vieilles tuiles.
Aujourd’hui sait-on quel prince éleva jadis ce palais ?
Sait-on qui nous légua ces ruines, au pied d’une montagne abrupte ?
Sous forme de flammes bleuâtres, se montrent des esprits dans les profondeurs sombre
Et, sur la route défoncée, on entend des bruits qui ressemblent à des gémissement
Ces dix mille voix de la nature ont un ensemble plein d’accords,
Et le spectacle de l’automne s’harmonise aussi avec ce triste tableau.
Le prince avait de belles jeunes filles ; elles ne sont plus que de la terre jaune,
Inerte comme l’éclat de leur teint, qui déjà n’était que mensonge ;
Il avait des satellites pour accompagner son char doré,
Et, de tant de splendeurs passées, ce cheval de pierre est tout ce qui reste.
La tristesse m’étreint ; je m’assieds sur l’herbe épaisse,
Je commence des chants où ma douleur s’épanche ;
Les larmes me gagnent et coulent abondamment.
Hélas ! Dans ce chemin de la vie, que chacun parcourt à son tour,
Qui donc pourrait marcher longtemps !
(Du Fu)
(712-770)
Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel
À l’ombre du cheval, la vacuité retrouve sa plénitude.
Le plaisir de regarder la liberté du champ
où chaque arbre et chaque ombre disent
la tranquillité d’être à l’ombre du cheval.
La tranquillité du soleil, la terre égale à la terre,
et la lumière qui affermit les volumes et les couleurs.
Tout resurgit en force,
dans la pureté d’être en paix sous le cheval.
À l’ombre du cheval, la vacuité apprend à être
cela même qui est, une existence de lumière,
une raison d’être sans se savoir rien d’autre
que la raison des pierres, la vision des arbres.
L’ombre du cheval englobe tout le reste.
(António Ramos Rosa)
Recueil: Le cycle du cheval
Traduction: du portugais par Michel Chandeigne
Editions: Gallimard
Il était une fois tu étais si bien habillée,
De ta superbe tu jetais un sou aux mendiants, n’est ce pas ?
Les gens prévenaient « Gaffe poupée, tu vas tomber »
Tu pensais qu’ils te faisaient tous marcher
Tu avais l’habitude de te moquer
De tous ceux qui traînaient alentour
Maintenant tu ne parles plus si fort
Maintenant tu ne sembles plus si fière
D’avoir à quémander ton prochain repas.
Comment se sent-on ?
Comment se sent-on ?
Quand on est sans maison
Comme une parfaite inconnue
Comme une pierre qui roule ?
Tu viens de la meilleure école, très bien, Miss Solitaire
Mais tu sais tu n’as fait que t’y soûler
Et personne ne t’a jamais enseigné comment vivre dans la rue
Et maintenant tu découvres que tu vas devoir t’y habituer
Tu disais que tu ne te compromettrais jamais
Avec le vagabond mystérieux, mais maintenant tu te rends compte
Qu’il ne vend pas d’excuses
Quand tu plonges dans le vide de ses yeux
Et tu lui demandes s’il veut bien faire un deal.
Comment se sent-on ?
Comment se sent-on ?
Quand on est tout seul
Quand on est sans maison
Comme une parfaite inconnue
Comme une pierre qui roule ?
Jamais tu ne retournais sur les regards noirs envers les jongleurs et les clowns
Quand ils venaient tous faire leurs tours pour toi
Tu ne voulais pas comprendre que ce n’était pas bien
De laisser d’autres gens prendre leur pied pour toi
Toi qui montais ce cheval d’acier avec ton diplomate
Qui portait sur son épaule un chat siamois
Ce fut très dur, non, lorsque tu découvris
Qu’il n’était pas si branché que ça
Une fois qu’il t’eut pris tout ce qu’il pouvait voler.
Comment se sent-on ?
Comment se sent-on ?
Quand on est tout seul
Quand on est sans maison
Comme une parfaite inconnue
Comme une pierre qui roule ?
Princesse sur ton clocher et tout ce joli monde
Qui boit et pense son avenir assuré
Echangeant toutes sortes de choses et dons précieux
Mais tu ferais mieux d’enlever ton diamant, tu ferais mieux de le gager, chou
Tu avais l’habitude de rire
De Napoléon en haillons et du langage qu’il parlait
Va le voir maintenant, il t’appelle, tu ne peux plus refuser
Quand on a rien, on n’a rien à perdre
Tu es invisible maintenant, tu n’as plus de secrets à dissimuler.
Comment se sent-on ?
Comment se sent-on ?
Quand on est tout seul
Quand on est sans maison
Comme une parfaite inconnue
Comme une pierre qui roule ?
***
Like A Rolling Stone
Once upon a time you dressed so fine
You threw the bums a dime in your prime, didn’t you?
People’d call, say, « Beware doll, you’re bound to fall »
You thought they were all kiddin’ you
You used to laugh about
Everybody that was hangin’ out
Now you don’t talk so loud
Now you don’t seem so proud
About having to be scrounging for your next meal.
How does it feel
How does it feel
To be without a home
Like a complete unknown
Like a rolling stone?
You’ve gone to the finest school all right, Miss Lonely
But you know you only used to get juiced in it
And nobody has ever taught you how to live on the street
And now you find out you’re gonna have to get used to it
You said you’d never compromise
With the mystery tramp, but now you realize
He’s not selling any alibis
As you stare into the vacuum of his eyes
And ask him do you want to make a deal?
How does it feel
How does it feel
To be on your own
With no direction home
Like a complete unknown
Like a rolling stone?
You never turned around to see the frowns on the jugglers and the clowns
When they all come down and did tricks for you
You never understood that it ain’t no good
You shouldn’t let other people get your kicks for you
You used to ride on the chrome horse with your diplomat
Who carried on his shoulder a Siamese cat
Ain’t it hard when you discover that
He really wasn’t where it’s at
After he took from you everything he could steal.
How does it feel
How does it feel
To be on your own
With no direction home
Like a complete unknown
Like a rolling stone?
Princess on the steeple and all the pretty people
They’re drinkin’, thinkin’ that they got it made
Exchanging all kinds of precious gifts and things
But you’d better lift your diamond ring, you’d better pawn it babe
You used to be so amused
At Napoleon in rags and the language that he used
Go to him now, he calls you, you can’t refuse
When you got nothing, you got nothing to lose
You’re invisible now, you got no secrets to conceal.
How does it feel
How does it feel
To be on your own
With no direction home
Like a complete unknown
Like a rolling stone?
À l’ombre du cheval, la vacuité retrouve sa plénitude.
Le plaisir de regarder la liberté du champ
où chaque arbre et chaque ombre disent
la tranquillité d’être à l’ombre du cheval.
La tranquillité du soleil, la terre égale à la terre,
et la lumière qui affermit les volumes et les couleurs.
Tout resurgit en force,
dans la pureté d’être en paix sous le cheval.
À l’ombre du cheval, la vacuité apprend à être
cela même qui est, une existence de lumière,
une raison d’être sans se savoir rien d’autre
que la raison des pierres, la vision des arbres.
L’ombre du cheval englobe tout le reste.