Ô Fontaine Bellerie,
Belle fontaine chérie
De nos Nymphes, quand ton eau
Les cache au creux de ta source,
Fuyantes le Satyreau,
Qui les pourchasse à la course
Jusqu’au bord de ton ruisseau,
Tu es la Nymphe éternelle
De ma terre paternelle :
Pource en ce pré verdelet
Vois ton Poète qui t’orne
D’un petit chevreau de lait,
A qui l’une et l’autre corne
Sortent du front nouvelet.
L’Été je dors ou repose
Sur ton herbe, où je compose,
Caché sous tes saules verts,
Je ne sais quoi, qui ta gloire
Enverra par l’univers,
Commandant à la Mémoire
Que tu vives par mes vers.
L’ardeur de la Canicule
Ton vert rivage ne brûle,
Tellement qu’en toutes parts
Ton ombre est épaisse et drue
Aux pasteurs venant des parcs,
Aux boeufs las de la charrue,
Et au bestial épars.
Io ! tu seras sans cesse
Des fontaines la princesse,
Moi célébrant le conduit
Du rocher percé, qui darde
Avec un enroué bruit
L’eau de ta source jasarde
Qui trépillante se suit.
…Ce bruit charmant des talons qui
résonnent sur le parquet : clic ! clac ! est
le plus joli thème pour un rondeau.
GŒTHE, Wilhelm Meister.
I.
Moitié chevreau, moitié satin,
Quand elles courent par la chambre,
Clic ! clac !
Il faut voir de quel air mutin
Leur fine semelle se cambre.
Clic ! Clac !
Sous de minces boucles d’argent,
Toujours trottant, jamais oisives,
Clic ! clac !
Elles ont l’air intelligent
De deux petites souris vives.
Clic ! clac !
Elles ont le marcher d’un roi,
Les élégances d’un Clitandre,
Clic ! clac !
Par là-dessus, je ne sais quoi
De fou, de railleur et de tendre.
Clic ! clac !
II.
En hiver au coin d’un bon feu,
Quand le sarment pétille et flambe,
Clic ! clac !
Elles aiment à rire un peu,
En laissant voir un bout de jambe.
Clic ! clac !
Mais quoique assez lestes, – au fond,
Elles ne sont pas libertines,
Clic ! clac !
Et ne feraient pas ce que font
La plupart des autres bottines.
Clic ! clac !
Jamais on ne nous trouvera,
Dansant des polkas buissonnières,
Clic ! clac !
Au bal masqué de l’Opéra,
Ou dans le casino d’Asnières.
Clic ! clac !
C’est tout au plus si nous allons,
Deux fois par mois, avec décence,
Clic ! clac !
Nous trémousser dans les salons
Des bottines de connaissance.
Clic ! clac !
Puis quand nous avons bien trotté,
Le soir nous faisons nos prières,
Clic ! clac !
Avec toute la gravité
De deux petites sœurs tourières.
Clic ! clac !
III.
Maintenant, dire où j’ai connu
Ces merveilles de miniature,
Clic ! clac !
Le premier chroniqueur venu
Vous en contera l’aventure.
Clic ! clac !
Je vous avouerai cependant
Que souventes fois il m’arrive,
Clic ! clac !
De verser, en les regardant,
Une grosse larme furtive.
Clic ! clac !
Je songe que tout doit finir,
Même un poème d’humoriste,
Clic ! clac !
Et qu’un jour prochain peut venir
Où je serai bien seul, bien triste,
Clic ! clac !
Lorsque, – pour une fois,
Mes oiseaux prenant leur volée,
Clic ! clac !
De loin, sur l’escalier de bois,
J’entendrai, l’âme désolée :
Clic ! clac !
Clarté de l’aube chaste aux ailes des colombes,
Givre laiteux, fardez les bois; tremblez rayons
Sur les lys entrouverts à la pierre des tombes,
Des lilas bleuissants parez les noirs sillons.
Clarté de l’aube rose au cou des tourterelles,
Brouillard vermeil, coulez à l’écume des eaux,
Frémissante rosée ensanglant les prêles
Qui nimbez d’incarnat la fuite des bouleaux.
Splendeurs du jour nouveau, en roses triomphales
Fleurissez les jardins merveilleux de la nuit
Et mêlez à la brise aux joyeuses rafales,
Le sang des calices larges épanouis.
L’Amour s’éveille et tend sa lèvre inassouvie
A l’humide parfum des jeunes voluptés
Et verse à son désir, roses, votre ambroisie,
meurtrissant vos langueurs de baisers indomptés.
Les chevreaux piétinent l’argent frais des fontaines,
Boivent le jour naissant épars en leurs reflets,
Et le berger frileux sous sa cape de laine
Dessine au milieu d’eux son profil violet,
Et sa flûte répand, pour charmer l’aube rousse,
Son murmure, pendant qu’à son fruste amoureux
Elle sourit debout et les pieds dans la mousse,
Tordant à son front l’or mouillé de ses cheveux.