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Nous, les exilés (Maram al-Masri)

Posted by arbrealettres sur 31 mai 2023



    

Nous, les exilés
qui vivons à coups de calmants.
Notre patrie est devenue Facebook
cela nous ouvre le ciel
fermé devant nos visages aux frontières.

Nous, les exilés,
nous dormons en serrant contre nous
notre téléphone mobile.
Sous les lumières
des écrans de nos ordinateurs
nous nous assoupissons pleins de tristesse
et nous réveillons pleins d’espoir.

Nous, les exilés,
rôdons autour de nos maisons lointaines
comme les amoureuses rôdent
autour des prisons,
espérant apercevoir l’ombre
de leurs amants.

Nous, les exilés, nous sommes malades
d’une maladie incurable

Aimer une patrie
mise à mort.

(Maram al-Masri)

Recueil: Elle va nue la liberté
Editions: Bruno Doucey

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PRIÈRE DU POÈTE (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2023



Illustration: Neila Ben Ayed
    
PRIÈRE DU POÈTE

Mon Dieu qui donnes l’eau tous les jours à la source,
Et la source coule, et la source fuit ;
Des espaces au vent pour qu’il prenne sa course,
Et le vent galope à travers la nuit ;

Donne de quoi rêver à moi dont l’esprit erre
Du songe de l’aube au songe du soir
Et qui sans fin écoute en moi parler la terre
Avec le ciel rose, avec le ciel noir.

Donne de quoi chanter à moi pauvre poète
Pour les gens pressés qui vont, viennent, vont
Et qui n’ont pas le temps d’entendre dans leur tête
Les airs que la vie et la mort y font.

L’herbe qui croît, le son inquiet de la route,
L’oiseau, le vent m’apprennent mon métier,
Mais en vain je les suis, en vain je les écoute,
Je ne le sais pas encor tout entier.

J’ai vu quelqu’un passer, un fantôme, homme ou femme…
Mon cœur appelait sur la fin du jour…
Les rossignols des bois sont entrés dans mon âme.
Et j’ai su chanter des chansons d’amour.

J’ai vu quelqu’un passer, s’approcher, disparaître ;
Et les chiens plaintifs qui rôdent le soir
Ont hurlé dans mon cœur à la mort de leur maître.
J’ai su depuis chanter le désespoir.

J’ai vu les morts passer et s’en aller en terre,
Leur glas au cou, lamentable troupeau,
Et leurs yeux dans mes yeux ont fixé leur mystère.
J’ai su depuis la chanson du tombeau…

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Mais si tu veux mon Dieu que pour d’autres je dise
La chanson du bonheur, la plus belle chanson,
Comment ferai-je moi qui ne l’ai pas apprise ?
Je n’en inventerai que la contrefaçon.

Donne-moi du bonheur, s’il faut que je le chante,
De quoi juste entrevoir ce que chacun en sait,
Juste de quoi rendre ma voix assez touchante,
Rien qu’un peu, presque rien, pour savoir ce que c’est.

Un peu — si peu — ce qui demeure d’or en poudre
Ou de fleur de farine au bout du petit doigt,
Rien, pas même de quoi remplir mon dé à coudre…
Pourtant de quoi remplir le monde par surcroît.

Car pour moi qui n’en ai jamais eu l’habitude,

[…]

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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CHANSON (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2023



Illustration: Alexis Becard
    
CHANSON

Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Dès le matin parmi les fleurs écloses.
Pour le trouver il effeuillait les roses
Couleur du soir, de l’aurore et du jour.
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.

Je l’attendais, pâle et grise lavande,
Et tout mon cœur embaumait son chemin.
Il a passé… j’ai parfumé sa main,
Mais il n’a pas vu mes yeux pleins d’offrande.

Mon bien-aimé s’en fut chercher l’amour
Au verger mûr quand midi l’ensoleille.
Pour le trouver il goûtait la groseille,
La pomme d’or, la pêche, tour à tour…
Mon bien-aimé n’a pas trouvé l’amour.

Je l’attendais, fraise humble à ses pieds toute,
Et mon sang mûr embaumait son chemin.
Hélas ! mon sang n’a pas taché sa main.
Il a marché sur moi, suivant sa route.

Vent du ciel ! vent du ciel ! éparpille mon cœur !
Je n’en ai plus besoin. O brise familière, Perds-le !
Dessèche en moi ma source, éteins ma fleur,
O vent, et dans la mer va jeter ma poussière !

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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Île (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023




    
Île

Solitude au vent, ô sans pays, mon Île,
Que les barques de loin entourent d’élans
Et d’appels, sous l’essor gris des goélands,
Mon Île, mon lieu sans port, ni quai, ni ville,

Mon Île où s’élance en secret la montagne
La plus haute que Dieu heurte du talon
Et repousse… Ô Seule entre les aquilons
Qui n’a que la mer farouche pour compagne.

Temps où se plaint l’air en éternels préludes,
Mon Île où l’Amour me héla sur le bord
D’un chemin de cieux qui descendait à mort,
Espace où les vols se brisent, Solitude.

Solitude, Aire en émoi de Cœur immense
Qui sans cesse jette au large ses oiseaux,
Sans cesse au-dessus d’infranchissables eaux,
Sans cesse les perd, sans cesse recommence.

Désolation royale, terre folle
Que berce l’abîme entre ses bras massifs,
Mon Île, tu tiens un Silence captif
Qu’interroge en vain la houle des paroles.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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Une fois, presque à la fin de la journée (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2023



    

Une fois, presque à la fin de la journée,
elle (ma nourrice) m’a conduite très loin,
au bord du monde, dans un champ mystérieux
où nous avons coupé avec la faucille
de grandes fougères.

Je n’ai jamais retrouvé ce champ.
Il n’avait pas d’entrée.
Mais un bonheur était dedans,
sur le bord du soleil qui allait partir.

Comment étions-nous venues là
toutes les deux,
sans route ni sentier?

*

Quand viendra le soir, au bout des années
Où, l’épaule basse et les yeux rougis,
Je ne serai plus, traînante et fanée,
Qu’une vieille en trop qui vague au logis.

Alors, quand le jour hésite et décline,
Comme une étrangère à jamais qui part,
A jamais… alors, comme une orpheline
Dont le cri n’a plus d’abri nulle part,

Je m’en irai seule avec mon pauvre âge
Qui n’a plus ni chant, ni charme, ni fleur,
Je m’en irai seule à la mort sauvage,
Sans faire alentour ni bruit ni malheur.

J’irai retrouver le pré seul au monde
0ù je traversai, petite, un bonheur
Que nul autre pré ne sut à la ronde,
Le champ oublié de tous les faneurs;

Le champ égaré depuis mon enfance
Que les bois au fond de leur secret noir
Ont si loin serré dans un grand silence
Que nul sentier clair n’a su le revoir.

Là se tient la fleur qui n’est pas sortie
Pour d’autres que moi dans mon prime temps.
Peut-être en ce champ, derrière l’ortie,
Que l’oiseau de l’aube à mi-ciel m’attend?

J’entrerai dedans sans bouquet ni gerbe,
La fleur et l’oiseau perdus y seront.
Je m’enfermerai dans ma chambre d’herbe…
Ce que j’y viens faire, eux seuls le sauront.

…….

Pas à pas le temps faible qui persiste
A battre en mon coeur sans savoir pourquoi
Sortira du monde… Et les feuilles tristes
Qui meurent le soir tomberont sur moi.

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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Toujours dans le poème (Amina Saïd)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023



Illustration 
    
toujours dans le poème
j’entendrai le silence
avant le mot
m’abreuverai à sa bouche même

alors naissent les choses
les mots le monde

je dis : toujours dans le poème
j’entendrai le silence avant les mots

et tu réponds : s’il existe un dieu
c’est là qu’il habite

je découvre l’exact versant
de l’ombre et de la lumière
où il finit où il commence

et le silence palpite telle la mer
en son ventre de sel
palpite comme l’aile d’un oiseau
apprivoisant lentement le ciel
comme le vent la terre la vie

et s’il existe un dieu oui
c’est là qu’il habite

(Amina Saïd)

Recueil: La douleur des seuils
Editions: De la Différence

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JE SUIS VERTICALE (Sylvia Plath)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023




    
JE SUIS VERTICALE

Mais je voudrais être horizontale.
Je ne suis pas un arbre dont les racines en terre
Absorbent les minéraux et l’amour maternel
Pour qu’à chaque mars je brille de toutes mes feuilles,
Je ne suis pas non plus la beauté d’un massif
Suscitant des Oh et des Ah et grimée de couleurs vives,
Ignorant que bientôt je perdrai mes pétales.
Comparés à moi, un arbre est immortel
Et une fleur assez petite, mais plus saisissante,
Et il me manque la longévité de l’un, l’audace de l’autre.

Ce soir, dans la lumière infinitésimale des étoiles,
Les arbres et les fleurs ont répandu leur fraîche odeur.
Je marche parmi eux, mais aucun d’eux n’y prête attention.
Parfois je pense que lorsque je suis endormie
Je dois leur ressembler à la perfection —
Pensées devenues vagues..
Ce sera plus naturel pour moi, de reposer.

Alors le ciel et moi converseront à coeur ouvert,
Et je serai utile quand je reposerai définitivement:
Alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher,
et les fleurs m’accorder du temps.

(Sylvia Plath)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Françoise Morvan et Valérie Rouzeau
Editions: Gallimard

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Bataille (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023




    
Bataille

La douleur a fondu sur ma chair. La douleur
A passé renversant mon cerveau d’un coup d’aile.
Et je me suis battu seul à seule avec elle
Toute la nuit, sans voir, comme avec un voleur.

Et me voilà gisant mais je ne suis pas mort
Prends garde à toi, douleur, à peine est-ce une trêve
Prends garde à toi, douleur, déjà je me relève
Prends garde à toi, demain, je serai le plus fort.

La douleur m’a jeté garrotté dans sa forge
Elle m’a retourné les deux yeux à l’envers
Pour m’empêcher d’y voir elle a tordu mes nerfs
Pour m’étrangler comme des cordes à ma gorge.

Prends garde à toi ! Je t’empoignerai par les ailes,
Je te les casserai comme un bout de bois sec
Et les petits enfants s’amuseront avec
Je te les briserai ces deux poignets rebelles

Et partout où j’irai tu iras me suivant
Aussi loin qu’à mon gré je voudrai t’y contraindre
et les maisons la nuit t’écouteront te plaindre
Comme un aigle blessé qui lutte avec le vent.

Je brûlerai tes yeux pour éclairer mon livre
Je marcherai sur toi comme sur un chemin
Ton sang j’en ferai boire à tout le genre humain.
Je le lui servirai jusqu’à ce qu’il soit ivre.

Pour m’élever au ciel j’ouvrirai pas à pas
Dans ta chair les degrés d’une échelle vivante,
Je te commanderai, tu seras ma servante
Et quand je te crierai : « Chante ! » tu chanteras. »

(Marie Noël)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Editions: Gallimard

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Attente (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023



Illustration: Fanny Verne
    
Attente

J’ai vécu sans le savoir,
Comme l’herbe pousse…
Le matin, le jour, le soir
Tournaient sur la mousse.

Les ans ont fui sous mes yeux
Comme, à tire-d’ailes,
D’un bout à l’autre des cieux
Fuient les hirondelles…

Mais voici que j’ai soudain
Une fleur éclose.
J’ai peur des doigts qui demain
Cueilleront ma rose,

Demain, demain, quand l’Amour
Au brusque visage
S’abattra comme un vautour
Sur mon cœur sauvage.

Dans l’Amour si grand, si grand,
Je me perdrai toute,
Comme un agnelet errant
Dans un bois sans route.

Dans l’Amour, comme un cheveu
Dans la flamme active,
Comme une noix dans le feu,
Je brûlerai vive.
Dans l’Amour, courant amer,
Las ! comme une goutte,
Une larme dans la mer,
Je me noierai toute.

Mon cœur libre, ô mon seul bien,
Au fond de ce gouffre,
Que serai-je ? Un petit rien
Qui souffre, qui souffre !

Quand deux êtres, mal ou bien,
S’y fondront ensemble,
Que serai-je ? Une petit rien
Qui tremble, qui tremble !

J’ai peur de demain, j’ai peur
Du vent qui me ploie,
Mais j’ai plus peur du bonheur,
Plus peur de la joie

Qui surprend à pas de loup,
Si douce, si forte
Qu’à la sentir tout d’un coup
Je tomberai morte,

Demain, demain, quand l’Amour
Au brusque visage
S’abattra comme un vautour
Sur mon cœur sauvage…

………………

Quand mes veines l’entendront
Sur la route gaie,
Je me cacherai le front
Derrière une haie.

Quand mes cheveux sentiront
Accourir sa fièvre,
Je fuirai d’un saut plus prompt
Que le bond d’un lièvre.

Quand ses prunelles, ô dieux !
Fixeront mon âme,
Je fuirai, fermant les yeux,
Sans voir feu ni flamme.

Quand me suivront ses aveux
Comme des abeilles,
Je fuirai, de mes cheveux
Cachant mes oreilles.

Quand m’atteindra son baiser
Plus qu’à demi-morte,
J’irai sans me reposer
N’importe où, n’importe

Où s’ouvriront des chemins
Béants au passage,
Eperdue et de mes mains
Couvrant mon visage.

Et, quand d’un geste vainqueur,
Toute il m’aura prise,
Me débattant sur son cœur,
Farouche, insoumise,

Je ferai, dans mon effroi
D’une heure nouvelle,
D’un obscur je ne sais quoi,
Je ferai, rebelle,

Quand il croira me tenir
A lui tout entière,
Pour retarder l’avenir,
Vingt pas en arrière !…

S’il allait ne pas venir !…

(Marie Noël)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Traduction: Lauraine Jungelson
Editions: Gallimard

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DES PAS… (Paule Bordesselle)

Posted by arbrealettres sur 21 mai 2023




    
DES PAS…

Sur une plage
Des pas sur le sable
Effacés par le vent
La mer… et puis le temps.

Sous un ciel étoilé
Des rires envolés.
Sur un chemin désert
Un rêve qui se perd…

Un parfum retrouvé
Après bien des années.
Un sourire qui se glisse
Dans un regard complice

Ultimes traces…
C’est une vie qui passe…

(Paule Bordesselle)

Recueil: Anthologie poétique 2019 volume 2
Editions: Flammes Vives

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