Guêtres de cuir noir aux jambes fines
de ce garçon
ragoût amer
que laissèrent brûler, ô femme, vos mains blanches
et qu’il mange
avec une fourchette d’étain
au milieu des lueurs éternelles
et l’on voit remuer ses longs cils
l’on voit ses boutons blancs
lutter contre la nuit
puis l’on entend sa toux songeuse
qui se mêle aux abois
de grands chiens aux poils violacés
leurs gueules vers les étoiles.
C’est alors que dragon du convoi
il se lève et va vers les autres
assis sur les puits
et seul il entonne la romance qui monte
et fait sous le large ciel vert
trembler les rats dans leur royaume.
Je te ferai ce soir un poème d’amour
Où l’on verra ton ombre apparaître à la rime
Mes désirs rouleront ainsi que des tambours
Dans l’odeur du sommeil et des algues marines
Viens. Tu seras pour moi l’orbe éclatant du monde,
D’étendards déployés claquant dans tes regards
Sur tes cheveux au vent, noirs escadrons de l’ombre
La neige des baisers légère comme un cil
Tu es mon Amérique immense et familière,
Mon ciel extravasé. J’adore mon vautour
Grande femme bruissant de soies et de lumières
Je suis parti vers toi sans espoir de retour
Parmi l’adoration des fleurs et des abeilles,
Sur les étés stridents, sur l’automne incertain
Je te retrouve en moi plus vivante, et pareille
A ce que j’ai toujours espéré du destin
Ô mon pain quotidien, ma sereine merveille.
Derrière les yeux, le mystère
D’où infiniment advient la beauté
D’où coule la source du songe
Bruissant entre rochers et feuillages
Chantant en cascade
les saisons renouvelées
Chantant les instants
de la vraie vie offerte
Matin du martinet disparu
Midi de la mésange retrouvée
Longues heures à traverser le jour
Un seul battement de cils et mille papillons
prêts à s’enfouir parmi les pétales
prêts à durer tant que dure la brise
Jusqu’à la passion du couchant
où les âmes clameront alliance
Jusqu’à l’immémorial étang
où rayon de lune et onde d’automne
Referont un
(François Cheng)
Le long d’un amour, 2003.
Recueil: La Beauté Éphéméride poétique pour chanter la vie
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Les cils et les ongles
ne reprennent jamais leur place
après l’amour
D’autres doigts s’accrochent aux choses
d’autres yeux habitent les yeux
Le corps émigre
migrer est le propre d’aimer
De l’un se détache
tous ceux qui veulent naître
Je te narine je te chevelure
je te hanche
tu me hantes
je te poitrine je buste ta poitrine puis te visage
je te corsage
tu m’odeur tu me vertige
tu glisses
je te cuisse je te caresse
je te frissonne tu m’enjambes
tu m’insupportable
je t’amazone
je te gorge je te ventre
je te jupe
je te jarretelle je te bas je te Bach
oui je te Bach pour clavecin sein et flûte
je te tremblante
tu me séduis tu m’absorbes
je te dispute
je te risque je te grimpe
tu me frôles
je te nage
mais toi tu me tourbillonnes
tu m’effleures tu me cernes
tu me chair cuir peau et morsure
tu me slip noir
tu me ballerines rouges
et quand tu ne haut-talon pas mes sens
tu les crocodiles
tu les phoques tu les fascines
tu me couvres
je te découvre je t’invente
parfois tu te livres
tu me lèvres humides
je te délivre je te délire
tu me délires et passionnes
je t’épaule je te vertèbre je te cheville
je te cils et pupilles
et si je n’omoplate pas avant mes poumons
même à distance tu m’aisselles
je te respire
jour et nuit je te respire
je te bouche
je te palais je te dents je te griffe
je te vulve je te paupières
je te haleine je t’aine
je te sang je te cou
je te mollets je te certitude
je te joues et te veines
je te mains
je te sueur
je te langue
je te nuque
je te navigue
je t’ombre je te corps et te fantôme
je te rétine dans mon souffle
tu t’iris