La géographie et l’histoire de chaque être
Lui sont particulières selon qu’il va naître
Dans tel ou tel pays, de tels ou tels parents,
Sous quelle conjoncture et quels événements.
Son bagage essentiel est sa petite enfance :
L’amour reçu ou, au contraire, la souffrance
Paveront son chemin, seront déterminants,
Et son regard d’adulte en sera différent.
Il n’y a jamais dans une même brassée
Deux fleurs identiques malgré les apparences.
La chaîne et la trame que la vie a tissées
Font notre unicité et notre différence.
Nous ne savons jamais de quoi demain est fait,
De quels accidents ou de quelles rencontres,
Mais, quand nous grandissons, l’expérience nous montre
Qu’il est bon de savoir jouir de chaque bienfait.
Nous sommes tour à tour, selon les circonstances,
Pleins d’ombre ou de lumière, tristes ou joyeux,
Et, si le soleil brille, il faut saisir sa chance
Et vivre le présent comme un cadeau des Cieux.
Chaque mort qui part
Laisse aux vivants ses douleurs.
Les uns
En font des habits de deuil,
D’autres de tristes sourires.
Certains les changent
En paroles de circonstance,
D’autres les adoptent
Parmi leurs propres douleurs
Et les laissent grandir.
Quelques-uns les trempent dans le vin
Et n’en font qu’une bouchée,
D’autres les mâchent avec le pain
Et boivent du vin par dessus.
Peu à peu les douleurs du mort
Sont des douleurs d’un autre,
On oublie même celui que les souffrit.
Et le mort reste pauvre,
Il reste comme un serf,
Attaché à la terre.
l’amour a suspendu sa phrase ;
une seule fois
le fleuve a débordé sur la berge ;
une seule fois
les astres se sont éteints ;
une seule fois
j’ai entendu le silence des vents.
Le hasard
ne conjugue pas les coïncidences :
il les résout
dans un échange de regards que les amants avaient cru
éternel
Et je descends cette page
jusqu’au bout de la rue
– en vain.
Le bureau de tabac
A fermé ce soir,
Seulement une fois
– la dernière fois.
Le principe est celui de l’hospitalité
La poésie est l’hôte (du poème) de la circonstance
Quelle est la circonstance?
Mais voici l’essence de l’hôte:
On ne sait pas QUI c’est
Putain d’amour qui nous délaisse après nous avoir tant aimé
Putain d’amour qui fusille après avoir bien ensorcelé
Putain d’amour coulée de lave sur l’obscène des illusions
Putain d’amour comme une épave
Putain d’amour
Putain d’amour qui lacère après avoir tant caressé
Qui mord qui griffe qui marque aux fers
Putain d’amour défiguré
Putain d’amour qui parlemente
Voudrait bien trouver les mots
Les circonstances atténuantes
Putain d’amour, procurez-moi une arme blanche
Que j’étripe ce sale dimanche
Où l’amour qui transformait tout
Est devenu celui qui rend fou…
Putain d’amour qui se lamente
Se prosterne et supplie
Pour qu’on le laisse encore en vie
Mais c’est déjà fini…
Putain d’amour
Putain d’amour
Putain d’amour