Illustration: Daniel Duhamel Arrapel
Ils osèrent enfin annoncer au tyran
qu’il était mort depuis deux jours.
(Claude Roy)
Traduction:
Editions: Rue du Monde
Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2022
Illustration: Daniel Duhamel Arrapel
Ils osèrent enfin annoncer au tyran
qu’il était mort depuis deux jours.
(Claude Roy)
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Posted by arbrealettres sur 29 juin 2022
Rivière
Dans le calme de la lumière
un léger murmure d’eau
entre la menthe et les roseaux
Flèche de toutes les couleurs
le martin-pêcheur un poisson au bec
son plumage luisant d’eau
Les lisses paroles de l’eau
l’odeur de roseaux et de menthe
et la vive clarté de juin
Marchant pieds nus passe le temps
(Claude Roy)
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Posted by arbrealettres sur 23 mai 2022
Illustration: Andrzej Malinowski
BELLE A COUPER LE SOUFFLE
Belle à couper le souffle à prendre par la main
belle à faire mûrir les grappes avant mai belle
à faire minuit s’éveiller le matin
Claire odeur des foins quand on vient de faner
parfum des feux d’automne au fin fond des
jardins Claire douce et lisse comme un fil de la
Vierge Claire comme la joue des collines de
thym Claire comme le clair qui de la mer émerge
Claire mon île aux vents cascades aux cheveux
noirs Claire toi qui tutoies la neige et le soleil
Claire ma chaude plage frange du ciel au soir
plus brûlante aux miroirs que le feu qui s’éveille
plus fraîche aux pas du vent que le sable mouillé
plus douce aux yeux patients que fumée sur la
mer plus droite aux yeux éblouis que lampes
allumées Claire mon amandier Claire mon arbre
vert Claire cigale été mica sable vent flots bleu
du vent bleu du sang bleu du blanc bleu du ciel des
cheveux des chevaux et des eaux bleu des
gouttes de pluie sur l’ardoise glissant Claire mon
coeur battant pigeon noir pigeon bleu écoute mon
souci mon mal mon vain aveu
Tout le jour tout le soir et lorsque l’aube vient
entendre mille pas qui ne sont pas le tien.
(Claude Roy)
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Posted by arbrealettres sur 5 avril 2022
Illustration: ArbreaPhotos
Réflexion calme
Assise en position de réflexion calme
(la posture que le yoga des chats nomme
Pétale-Creux-du-Lotus-Noir-Recueillant-la-Rosée-du-Temps),
la chatte au pied de mon lit
considère l’espace vide et blanc du mur
elle voit quelque chose que je ne vois pas.
(Claude Roy)
Posted in poésie | Tagué: (Claude Roy), assis, blanc, calme, chat, considérer, creux, espace, lit, lotus, mur, noir, nommer, pétale, pied, position, posture, quelque chose, réflexion, recueillir, rosée, temps, vide, voir, yoga | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 5 avril 2022
À la chatte grise qui sans rien dire à personne
s’est trouvée un jour pleine, la très douce outre duveteuse
puis après soixante jours a mis bas en ronronnant
deux tigrés et deux noir et blanc
qui se collent à ses tétines roses
et boivent en fermant les yeux et pétrissant ses poils
la source de toute vie qui nourrit toutes les bouches
je demande protection…
(Claude Roy)
Posted in poésie | Tagué: (Claude Roy), blanc, boire, bouche, chat, demander, dire, doux, duveteux, fermer, gris, noir, nourrir, outre, pétrir, personne, plein, poil, protection, ronronner, rose, se coller, se trouver, source, tétine, tigre, vie, yeux | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 29 juin 2020
LE POSEUR DE QUESTIONS
Très loin, dans le dedans de mon écorce chaude,
dans le noir embrouillé des veines et du sang,
le poseur de questions tourne en rond, tourne et rôde
il veut savoir pourquoi tous ces gens ces passants ?
Le mort que je serai s’étonne d’être en vie,
du chat sur ses genoux qui ronronne pour rien,
du grand ciel sans raison, du gros vent malappris
qui bouscule l’ormeau et se calme pour rien.
Un cheval roux pourquoi ? Pourquoi un sapin vert ?
Et pourquoi ce monsieur qui fait une addition,
qui compte : un soleil, deux chiens, trois piverts,
qui compte sur ses doigts pleins de suppositions ?
Il compte sur ses doigts, mais perd dans ses calculs
sa raison de compter, sa raison de rêver,
sa raison d’être là, tout pesant de scrupules,
et d’être homme vivant sans qu’on l’ait invité.
(Claude Roy)
Posted in poésie | Tagué: (Claude Roy), addition, écorce, bousculer, calcul, chat, chaud, cheval, chien, ciel, compter, dedans, doigt, embrouiller, genou, gens, grand, gros, homme, inviter, loin, malappris, monsieur, mort, noir, ormeau, passant, pivert, poseur, pourquoi, question, raison, rêver, rôder, rien, rond, ronronner, roux, s'étonner, sang, sapin, savoir, scrupules, se calmer, se perdre, soleil, supposition, tourner, veine, vent, vert, vie, vivant | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 juin 2020
LIEDER DU VENT À DECORNER LES BŒUFS
Le vent court à brise abattue
il court il court à perdre haleine
Pauvre vent perdu et jamais au but
où cours-tu si vite à travers la plaine
Où je cours si vite où je cours si vite
Le vent en bégaye d’émotion et d’indignation
Se donner tant de mal et de gymnastique
et qu’on vous pose après de pareilles questions
À quoi bon souffler si fort et si bête
et puis s’en aller sans rien emporter
Quelle vie de chien qui toujours halète
qui tire sa langue de chien fatigué
Jusqu’au bout du monde il faut que tu ailles
poussant ton charroi de vent qui rabâche
Vente vent têtu de sac et de paille
Gémir pleurer prier est également lâche
Déjà autre part j’ai entendu ça
Je ne veux plus être vent dit le vent qui boude
Je change de peau je change de pas
Je me fais flûtiau route ou pierre qui roule
Mais il dit tout ça sans conviction aucune
Il sait qu’il faut bien en passer par là
venter quand on est vent luner quand on est lune
et quand on n’est qu’un homme nommer ce qui est là
Le vent la pluie le froid le chaud la solitude
la belle vie qui prend de mauvaises habitudes.
(Claude Roy)
Posted in poésie | Tagué: (Claude Roy), abattre, aller, émotion, bégayer, bête, beau, boeuf, bouder, brise, changer, charroi, chaud, chien, courir, décorner, entendre, fatigue, flûtiau, froid, gémir, gymnastique, habitude, haleine, homme, importer, indignation, laché, langue, lieder, lune, luner, mal, nommer, paille, pauvre, peau, perdre, pierre, pleurer, pluie, poser, pousser, prier, pur, question, rouler, route, s'en aller, sac, solitude, souffler, têtu, tirer, vent, venter, vie | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 juin 2020
Illustration: Frédéric Martin
COMPLAINTE DE LA PETITE MORT DANS L’ÂME
La petite mort dans l’âme, à force de tourner elle
s’était perdue.
Peut-être l’avez-vous rencontrée à l’Armée du Salut
ou au coin de la rue ?
La petite mort dans l’âme si fatiguée, si sale et si
grelottante,
le faux sommeil de trois heures du matin dans les salles
d’attente.
Son tablier percé, ses mains gercées, ses lèvres crevassées,
ses souliers très usés, ses bras très reprisés, ses épaules très
méprisées.
Maintenant je suis sûr de l’avoir déjà aperçue en mil neuf cent
quarante.
au Mesnil les Trois Chemins, sous une pluie battante.
La petite mort dans l’âme ce jour-là était devenue folle.
On lui avait tué son mari, il était si gentil, un si bon homme,
et il s’appelait Paul.
Elle était restée toute seule dans le village.
L’église ouverte en deux, les saints de Saint-Sulpice pleuraient
leur plâtre peint sous l’orage.
Mais la petite mort dans l’âme a bien fini par reprendre la
route.
Je l’ai revue dans les Ardennes, sa charrette arrêtée, elle cassait
la croûte.
Elle avait emporté un matelas, un édredon, les douze
casseroles de cuivre,
le panier à salade, l’horloge de grand’mère, la cage de l’oiseau
et le chien Pataud à pied pour la suivre.
La petite mort dans l’âme marchait tout le temps et ne dis
rien :
il faudra bien que ça finisse, tout a une fin, il faudra bien.
La petite mort dans l’âme, on lui a fait voir du pays
Amsterdam, Varsovie, Coventry, Cologne, Oradour,
Hiroshima, Paris.
Les voyages forment la jeunesse, et la petite mort dans l’âme
à force d’aller partout et d’en voir de toutes les couleurs
devint une vraie dame.
La petite mort dans l’âme en mil neuf cent quarante-trois
s’était mariée en Pologne au coin d’un bois l’hiver, il faisait
très grand froid.
Elle avait épousé le nommé Juif Errant Isaac Laaquedem,
mais il est mort en déportation pauvre petite, et elle n’était
pas au bout de ses peines.
(Elle n’a pas pu toucher sa pension : les papiers n’étaient pas
en ordre.
Et la petite mort dans l’âme a dû chercher du travail, ah ! ce
n’est pas commode).
Dans les ruines d’Aix-la-Chapelle que les Allemands
nomment Aachen,
la petite mort dans l’âme m’a parlé en allemand Ich nicht
spricht deutsch, nichtfertig, alors à quoi bon ta rengaine ?
La petite mort dans l’âme a été voir sa grand’mère Mort Dans
l’Âme pour lui porter, acheté au marché noir, un quart de beurre.
Mais sa grand’mère était morte de froid rue Mouffetard, et
c’est bien du malheur.
(Elle habitait au huitième dans une chambre sous les toits.
Les employés des Pompes funèbres ont eu du mal avec leur
caisse, l’escalier est étroit).
J’ai rencontré la petite mort dans l’âme, ses yeux bleus pleins
de larmes, et comme elle était belle !
parmi ce qui reste d’une maison blitzée, dans une rue triste de Whitechapel !
Mais plus tard, c’était encore elle, je ne m’y suis pas trompé,
qui disait cigarette, cigarette, à Oslo,
aux matelots anglais sur le port avec son odeur de goudron et
d’eau.
Elle avait perdu son bébé quand elle avait treize ans, il était
mort en couches,
à cause des privations, du temps des Allemands, avec qui il
avait bien fallu qu’à la fin elle couche.
La petite mort dans l’âme a été putain à Naples et à Rome,
marchande de croissants au métro Réaumur, et de piles
électriques entre Villiers et Rome.
On lui a tondu les cheveux en août 1944 et c’était une erreur,
elle n’aurait jamais cru qu’elle avait de quoi tant pleurer dans
le coeur.
Elle est toujours ici, parmi nous, au noir de notre coeur,
Et quand tu te crois seul, d’Athènes, de Madrid, de France, de
Chine ou d’Amérique,
de tous les coins de ce monde bête et triste,
voilà qu’elle est en toi, la petite mort dans l’âme, à
l’improviste.
(Claude Roy)
Posted in poésie | Tagué: (Claude Roy), allemand, attente, à l'improviste, âme, édredon, église, bébé, bête, beau, cage, casserole, charrette, chercher, cheveux, chien, coeur, coin, commode, complainte, coucher, couleur, crevasse, croissant, dame, déportation, dire, emporter, en ordre, escalier, fatigue, faux, finir, fou, froid, gentil, gercé, grelotter, habiter, horloge, larme, lèvres, main, malheur, marchand, marche, marcher, mari, matelas, mépriser, monde, mort, oiseau, orage, panier, papier, pays, peine, petit, plâtre, pleurer, pluie, privation, putain, rencontrer, route, rue, saint, sale, salle, se marier, se perdre, se tromper, seul, sommeil, soulier, tablier, tondre, tourner, travail, triste, tuer, user, village, voyage | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 23 juin 2020
Illustration: Markus Raetz
L’ OMBRE
L’ombre essaie de ressembler
à celui qu’elle accompagne,
mais c’est toujours à refaire,
toujours à recommencer.
Métier d’ombre, métier d’ombre,
c’est un vrai métier de chien,
on s’échine, se déchire,
se fatigue, se détruit.
Métier d’ombre, route d’ombre,
la vie est dure à gagner.
Si contente était mon ombre
de marcher au bord de mer.
Mais quand je plonge dans l’eau
elle est perdue aussitôt,
elle se débat et pleure
comme un enfant égaré.
Reviens, reviens sur le sable,
me crie mon ombre fidèle,
reviens vite à mes côtés,
ne me laisse jamais seule.
Elle est plus faible que moi,
elle se perd en chemin,
elle s’accroche aux buissons
perdant ses flocons de laine,
et s’écorche les genoux,
et se noie dans les ruisseaux
grelottant le soir venu,
redoutant les nuages gris.
Métier d’ombre, chemin d’ombre,
mon ombre est bien fatiguée.
(Claude Roy)
Posted in poésie | Tagué: (Claude Roy), accompagner, égaré, bord, buisson, chemin, chien, content, crier, dur, enfant, essayer, faible, fatiguer, fidèle, flocon, gagner, genoux, grelotter, gris, laine, marcher, métier, mer, nuage, ombre, perdre, plonger, recommencer, redouter, refaire, revenir, ruisseau, s'accrocher, s'échiner, s'écorcher, sable, se déchirer, se détruire, se fatiguer, se noyer, se perdre, seul, vie | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 23 juin 2020
Illustration: Gilbert Garcin
LE TEMPS
Bête comme un moteur, bête comme un alexandrin,
le temps piétine et bouge et marche tout le temps.
Il ne peut pas rester en place, et son chemin
déroule son tricot de vers à soie bavant.
Le temps n’a pas le temps de perdre ses minutes,
ni de trouver jolies les choses ni les gens.
Il a toujours à faire, et s’il trébuche et bute
il repart tout de suite et rattrape le temps.
Mon échelle à monter aux grand’places d’aurore,
ma douce, ma songeuse, et mon seul passe-temps,
dans le chaud mélangé de notre double corps
nous n’entendons plus les gros sabots du temps.
Il n’est pourtant pas loin, bête comme un ruisseau,
il fait bouger le sang et le tic-tac du coeur,
les onze ou douze pieds de mes vers pas très beaux,
bête comme une rime qu’on saurait par coeur.
(Claude Roy)
Posted in poésie | Tagué: (Claude Roy), alexandrin, aurore, échelle, baver, bête, beau, bouger, buter, chaud, chemin, coeur, corps, dérouler, double, doux, entendre, faire, gens, joli, loin, marcher, mélanger, minute, monter, moteur, passe-temps, perdre, piétiner, pied, place, rattraper, repartir, rime, ruisseau, sabot, sang, savoir, songeur, temps, tic-tac, toujours, tricot, trouver, ver, ver à soie | 1 Comment »