Le malheur est pressant, les cloches sonnent,
Et voici, hélas ! que j’ai perdu la tête !
Le printemps et deux beaux yeux
Contre mon coeur se sont conjurés.
Le printemps et deux beaux yeux
Attirent mon coeur sous un nouvel envoûtement !
Je crois que roses et rossignols
Sont grands complices de cette conjuration.
(Heinrich Heine)
Recueil: Nouveaux poèmes
Traduction: Anne-Sophie et Jean Guégan
Editions: Gallimard
Je sais qu’c’est pas vrai mais j’ai dix ans
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans
Ça fait bientôt quinze ans que j’ai dix ans
Ça paraît bizarre mais
… Si tu m’crois pas, hé
Tar’ ta gueule à la récré
… J’ai dix ans
Je vais a l’école et j’entends
De belles paroles doucement
Moi je rigole, cerf-volant
Je rêve, je vole
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Le mercredi je m’balade
Une paille dans ma limonade
Je vais embêter les quilles à la vanille
Et les gars en chocolat
… J’ai dix ans
Je vis dans des sphères où les grands
N’ont rien à faire, j’vois souvent
Dans des montgolfières, des géants
Et des petits hommes verts
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… J’ai dix ans
Des billes plein les poches, j’ai dix ans
Les filles c’est des cloches, j’ai dix ans
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Bien caché dans ma cabane
Je suis l’roi d’la sarbacane
J’envoie des chewing-gums mâchés à tous les vents
J’ai des prix chez le marchand
… J’ai dix ans
Je sais que c’est pas vrai mais j’ai dix ans
Laissez-moi rêver que j’ai dix ans
Ça fait bientôt quinze ans que j’ai dix ans
Ça paraît bizarre mais
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Si tu m’crois pas, hé
T’ar ta gueule à la récré
… Si tu m’crois pas
T’ar ta gueule
À la récré
T’ar ta gueule
J’ai regardé la nuit,
J’ai écouté la pluie.
Scène de tempête :
Tonnerre, éclairs,
Une multitude de spectres parmi les arbres,
L’obscurité, le froid et l’agitation,
Un hibou hurlait, des chauves-souris,
Beaucoup de voix étranges.
Quelqu’un pleurait, un enfant peut-être,
Une femme sur la route glissante,
Des cloches, au loin,
Deux hommes, plusieurs hommes,
Un long trait de lumière volant vers moi,
Puis une corde de silence autour de ma gorge
Quand je me suis réveillé il faisait déjà jour.
J’ai refait la même chose :
Regarder et écouter la nuit.
(Nissim Ezekiel) (1924-2004)
Recueil: Un feu au coeur du vent Trésor de la poésie indienne Des Védas au XXIème siècle
Traduction:
Editions: Gallimard
Les carillons de Noël
Dans le vent nocturne…
Qui sait où sont aujourd’hui
Les cloches
Et les sons de jadis ?
Les sons vivants
Des ans écoulés
Avec leur beauté enfantine
Et leurs cheveux parfumés
Leurs cheveux parfumés de l’odeur de résine
Avec des lèvres et des boucles
Alourdies par les rêves ?
Et d’où viennent les cloches
D’aujourd’hui
Les vagabondes cloches d’aujourd’hui ?
Les jours présents
Glissent dans un souffle.
Qui écoute seulement si c’est une plainte
Ou le rieur mois de Mai
Le rougissant fleurissant mois de Mai ?
Cependant un son de cloche dans l’après-midi brûlant
rappelait que l’on était en chrétienté.
La torpeur estivale immobilisait la petite herbe jaunissant des carrefours isolés
sur laquelle ne tombait nul regard lourd et qui résistait à l’arrachement
et que personne d’ailleurs ne pensait à vouloir arracher.
Dans une cour battait un instant un balancier de pompe.
O cette même gloire du soleil au pied des calvaires,
cette même couleur chrétienne, cette même force d’exigence,
ce morceau d’histoire du monde auquel nous avons participé,
enfants vêtus de sarraus noirs!
Comme l’histoire au monde
par moments apparaît triste
le dîner lourd refroidit
le tribun ne revient pas
sa maîtresse suit ses rêves
plus tard
c’est l’arrachement
la fusillade étouffée
les cloches d’un grand congrès
sur lequel la nuit tombe
alors que dans les champs
de son enfance éternelle
le poète se promène
qui ne veut rien oublier.