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Poésie

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Terre morte sous un suaire de neige (Jean-Baptiste Besnard)

Posted by arbrealettres sur 3 juillet 2022




Terre morte sous un suaire de neige
Ciel plombé
Où règne un silence religieux
Que trouble à peine une procession de corbeaux
Le givre coagule les branches et vitrifie les herbes
Les arbres tendent leurs moignons
Vers le ciel pour mendier l’aumône
D’un regard voilé de brume
Où ne brille qu’un soleil qui vacille

(Jean-Baptiste Besnard)

 

 

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« Si je n’ai une autre voix… » (José Saramago)

Posted by arbrealettres sur 13 mars 2022



Illustration: Chantal Dufour
    
« Si je n’ai une autre voix… »

Si je n’ai une autre voix qui me dédouble Ce
silence en échos d’autres sons,
C’est parler, parler encore, jusqu’à dévoiler La
parole cachée de ce que je pense.

C’est, brisé, la dire entre des détours
De flèche qui elle-même s’envenime,
Ou mer haute coagulée de navires Où
le bras noyé nous fait signe.

C’est forcer vers le fond une racine Quand
la pierre rigoureuse coupe le chemin, C’est
lancer vers le haut tout ce qu’on dit Car
plus arbre est le tronc le plus seul.

Elle dira, parole découverte,
Les dits de l’habitude de vivre :
Cette heure qui serre et desserre,
Le non voir, le non avoir, le presque être.

***

«Se nao tenho outra voz…»

Se não tenho outra voz que me desdobre Em
ecos doutros sons este silêncio,
É falar, ir falando, até que sobre A
palavra escondida do que penso.

É dizê-la, quebrado, entre desvios De
flecha que a si mesura se envenena,
Ou mar alto coalhado de navios Onde
o braço afogado nos acena.

É forçar para o fundo urna raiz
Quando a pedra cabal corta caminho,
É lançar para cima quanto diz
Que mais árvore é o tronco mais sozinho.

Ela dirá, palavra descoberta, Os
ditos do costume de viver: Esta
hora que aperta e desaperta,
É não ver, o não ter, o quase ser.

(José Saramago)

 

Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond

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Je suis juive avec eux (Anise Koltz)

Posted by arbrealettres sur 3 octobre 2021



Illustration
    
Je suis juive avec eux

Leurs souffrances
s’inscrivent dans mon sang
et coagulent

Sur le bord de ma fenêtre
leurs cendres se posent
aujourd’hui encore

Chaque nuit j’étouffe sous les tonnes
de leurs cheveux rasés

(Anise Koltz)

 

Recueil: Somnambule du jour
Traduction:
Editions: Gallimard

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MIROIR (Nuno Jùdice)

Posted by arbrealettres sur 2 février 2021



Illustration: Christiane Rabasse
    
MIROIR

L’évidence du blanc est aussi obscène
que l’été littoral de l’adolescence.
La chaux coagulée dans les bassins attire
les mouches que le soir n’effraie pas.
Avec un manche à balai, je les repousse
vers le fond, encore vivantes, et je les vois
disparaître dans la matière immaculée. Parfois,
lors de ces fins de journée, le vent se lève,
agite les branches des amandiers où
les fruits commencent à sécher; ici et là, les
feuilles voltigent. L’eau de la chaux acquiert
une transparence inattendue, et
un visage surgit dans son miroir : toi,
que le temps a emportée il y a longtemps, tu me regardes,
de nouveau, comme si tu n’avais jamais
cessé de le faire.

(Nuno Jùdice)

 

Recueil: Un chant dans l’épaisseur du temps suivi de méditation sur des ruines
Traduction: Michel Chandeigne
Editions: Gallimard

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Stérilités (Jules Laforgue)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2019



Stérilités

Cautérise et coagule
En virgules
Ses lagunes des cerises
Des félines Ophélies
Orphelines en folie.

Tarentules de feintises
La remise
Sans rancune des ovules
Aux félines Ophélies
Orphelines en folie.

Sourd aux brises des scrupules,
Vers la bulle
De la lune, adieu, nolise
Ces félines Ophélies
Orphelines en folie!…

(Jules Laforgue)


Illustration: John William Waterhouse

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POÈME À MON PAPIER (Alejandra Pizarnik)

Posted by arbrealettres sur 17 novembre 2018



Illustration: Arno Rafael Minkkinen 
    
POÈME À MON PAPIER

lisant mes propres poèmes
peines imprimées hauts-faits quotidiens
sourires orgueilleux équivoque pardonnée
c’est à moi c’est à moi c’est à moi!
lisant un écriture cursive
pulsation intérieure et joyeuse
sentir que le bonheur se coagule
ou bien ou mal ou bien
étrangeté de sensations innées
calice harmonieux et autonome
limite sur gros doigt de pied fatigué et
cheveux lavés sur tête toute bouclée
peu importe :
c’est à moi c’est à moi c’est à moi!!

(Alejandra Pizarnik)

 

Recueil: La terre la plus étrangère
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Ypfilon

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Une rumeur à peine audible (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 25 juillet 2018



Illustration: Gao Xingjian
    
une rumeur
à peine audible
mêlée à une poussée
un appel

elle hausse le ton
se précise

des mots étouffés
vite perdus

je me sonde
les cherche
tâtonne
au sein du silence
qui les a repris

ce qui voudrait
éclore
ne cesse de coaguler
se défaire
se recomposer

ne cesse de s’absenter
et de réapparaître

des mots plus vaillants
luttent s’imposent se nouent
donnent consistance
à ce qu’il leur faut
engendrer

la main entre en action
transcrit le poème
qui lui est dicté

que dit-il

(Charles Juliet)

 

Recueil: une joie secrète
Traduction:
Editions: Voix d’encre

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Une rumeur à peine audible (Charles Juliet)

Posted by arbrealettres sur 7 juillet 2018




    
Une rumeur
à peine audible
mêlée à une poussée
un appel

elle hausse le ton
se précise

des mots étouffés
vite perdus

je me sonde
les cherche
tâtonne
au sein du silence
qui les a repris

ce qui voudrait
éclore
ne cesse de coaguler
se défaire
se recomposer

ne cesse de s’absenter
et de réapparaître

(Charles Juliet)

 

Recueil: L’Opulence de la nuit
Traduction:
Editions: P.O.L.

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CLOCHES DU DIMANCHE (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 28 novembre 2016




CLOCHES DU DIMANCHE

I
Dimanche : un pâle ennui d’âme, un désoeuvrement
De doigts inoccupés tapotant sourdement
Les vitres, comme pour savoir leur peine occulte;
— Ah ! ce gémissement du verre qu’on ausculte ! —
Dimanche : l’air à soi-même dans la maison
D’un veuf qui ne veut pas aider sa guérison
Quand les bruits du dehors se ouatent de silence
Dimanche : impression d’être en exil ce jour,
Long jour que le chagrin des cloches influence,
Et sans cesse ce long dimanche est de retour !
Ah ! le triste bouquet des heures du dimanche;
C’est un triste bouquet de fleurs qui lentement
Meurt dans un verre d’eau sur une nappe blanche…
M’en sauver, le pourrai-je? Et l’éviter, comment?
Ce jour de demi-deuil aux couleurs trop calmées
Où mon coeur otieux s’en va dans les fumées.
J’en ai l’obsession, j’en ai peur, j’en ai froid
Du spleen hebdomadaire où ce jour me ramène :
Tandis que je me leurre au long de la semaine,
Flux et reflux de jours qui s’accroît, et décroît
Dont l’écume est un peu de vanité qui chante,
Voici que le repos dominical me hante
Et déjà m’apparaît comme un repos amer,
Repos nu d’une grève au départ de la mer,
Grève morte du long dimanche infinissable
Qui coagule au loin ses silences de sable…

II
Le dimanche est toujours tel que dans notre enfance :
Un jour vide, un jour triste, un jour pâle, un jour nu;
Un jour long comme un jour de jeûne et d’abstinence
Où l’on s’ennuie; où l’on se semble revenu
D’un beau voyage en un pays de gaîté verte,
Encore dérouté dans sa maison rouverte
Et se cherchant de chambre en chambre tout le jour…
Or le dimanche est ce premier jour de retour !

Un jour où le silence, en neige immense, tombe;
Un jour comme anémique, un jour comme orphelin,
Ayant l’air d’une plaine avec un seul moulin
Géométriquement en croix comme une tombe.
Il se remontre à moi tel qu’il s’étiolait
Naguère, ô jour pensif qui pour mes yeux d’enfance
Apparaissait sous la forme d’une nuance :
Je le voyais d’un pâle et triste violet,
Le violet du demi-deuil et des évêques,
Le violet des chasubles du temps pascal.
Dimanches d’autrefois ! Ennui dominical
Où les cloches, tintant comme pour des obsèques,
Propageaient dans notre âme une peur de mourir.

Or toujours le dimanche est comme aux jours d’enfance:
Un étang sans limite, où l’on voit dépérir
Des nuages parmi des moires de silence;
Dimanche : une tristesse, un émoi sans raison…
Impression d’un blanc bouquet mélancolique
Qui meurt; impression tristement angélique
D’une petite soeur malade en la maison…

[…]

(Georges Rodenbach)

Illustration: Salvador Dali

 

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