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Posts Tagged ‘communier’

Le lamantin (Zéno Bianu)

Posted by arbrealettres sur 8 août 2017




    
Le lamantin est un être de première main.
Il n’adhère à aucun credo.
Il ne vise aucun au-delà.
Se moque du lendemain.
Peines ou récompenses, paradis ou enfer
— tout cela l’ennuie, insondablement.
Il ne cherche pas à être respectable —
il croît en profondeur.
Il ouvre au silence.
Le lamantin s’exprime —
dans l’insoumission de son discret vertige.

Le lamantin célèbre la lenteur,
la haute justesse des ralentis internes.
Il ne croit pas
au salut par procuration.
Il parie sur
la sagesse
de son propre frémissement.
Il sait s’abandonner;
se laisse inspirer,
renonce à tout point de vue.
La conscience totale est sa seule méthode.
Le lamantin est toujours hors sujet.

Le lamantin n’a aucun principe —
sinon l’absence de tout fondement.
Il porte en lui le grand mystère.
Flotte dans l’inconcevable.
Il ne cherche pas la compétition,
mais l’accomplissement.
Il sort du temps à volonté.
C’est un saint doué d’humour.
Il n’a nul souci d’avoir raison.
N’a que faire
de la mauvaise conscience chronique.
Il préfère l’ouverture à l’amertume.
Le lamantin ne communique pas —
il communie en permanence.

Le lamantin se tient à l’embouchure,
comme un prisme de la création.
Il a le temps,
il fait la planche entre deux eaux.
Il devine
qu’il est une image possible de Dieu —
mais ne s’en soucie guère.
Un bijou facétieux
que n’épuise pas le poids du savoir.
Il sait être grave, mais avec élégance.
Il est pur accueil —
jusqu’à se faire balafrer
par les hélices des hors-bord.
Le lamantin est un Grand Commençant.

(Zéno Bianu)

 

Recueil: Satori Express
Editions: Le Castor Astral

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Une seule chose parfois peut suffire (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 24 Mai 2017



Ce n’est pas
En t’accrochant
A plus en plus de choses.
En les parcourant,
En les écoutant toutes
Que tu t’éprouveras.

Une seule chose parfois
Peut suffire
Si tu lui donnes
Assez de temps
Pour communier.

(Guillevic)

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Quelle chose étonnante que la lecture (Blaise Cendrars)

Posted by arbrealettres sur 8 février 2017



Quelle chose étonnante que la lecture
qui abolit le temps, transvase l’espace vertigineux
sans pour cela suspendre le souffle,
ni ravir la vie au lecteur!

On est emporté sur un tapis volant.
Le bonnet enchanté de Fortunatus vous coiffe la tête.
On se croit invisible, absent,
bien qu’étant partout présent, même là, fébrile,
ce livre à la main, que l’on dévore, que l’on mange des yeux,
comme dans une opération de magie blanche,
pour se nourrir l’esprit.

Et la lecture est en effet une opération magique de la conscience
qui révèle une des facultés les plus méconnues de l’homme
et qui lui confère un grand pouvoir:
la faculté de la bilocation et le pouvoir de s’isoler,
de s’abstraire, de sortir de sa propre vie sans perdre contact avec la vie,
bref, de communier avec tout, même quand on ne croit plus à rien.

(Blaise Cendrars)

 

 

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Notre centre de gravité (Jeanne Guesné)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2017



Notre centre de gravité habituel se trouve dans notre intellect,
donc dans un concept de la réalité,
non dans la réalité qui par nature est intraduisible.
Le concept n’est pas plus le réel que le mot pain n’est le pain réel.

Saisir la réalité de la Vie dans l’intervalle de silence entre deux pensées!
Entrer dans ce trou …
Transformer l’écoulement familier des pensées,
strié parfois par la fulguration d’un silence,
en l’écoulement tranquille d’un silence strié par l’apparition de pensées.
En un mot, inverser le système.
L’évidence m’est révélé dans « l’instant ».
Une citadelle dans laquelle je m’étais enfermée s’écroule;
les briques et les moellons inextricablement confondus
étaient mes jugements, mes opinions, mes croyances,
ma vision sclérosée des êtres et des choses.

A « l’instant, je Vois »,
je ne pense pas, et voir ainsi,
c’est communier avec ce qui EST.

« Sentir » dans un éclair
que je suis un « moment » de la Conscience Universelle.
Elle vit en tous les hommes simultanément,
et c’est en moi-même,
profondément enfouie sous forme humaine qu’elle a créé et qu’elle anime,
que je peux la découvrir et la « Reconnaître »

(Jeanne Guesné)

 

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Cet arbuste inconnu (Jean Mambrino)

Posted by arbrealettres sur 14 novembre 2016



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Cet arbuste inconnu

Cet arbuste inconnu
aux longues fleurs rouges
parmi les feuilles dentelées
danse dans le vent
avec les nuages et la lumière

que sait-il

il communie au souffle
il répond et résonne

il est plein d’un sens
que je ne puis traduire

il efface chaque signe
qu’il me fait
la révélation qu’il me fait
de lui-même

pur signal éclatant
pour personne.

(Jean Mambrino)

Illustration

 

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Je communie (Jean Mambrino)

Posted by arbrealettres sur 13 novembre 2016



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Je communie

Je communie
au partage
au passage du secret
l’alouette
le passe aux collines
les meules au grand cyprès
comme l’odeur du foin est profonde !
le papillon au museau du chien
posé sur la pierre
le ciel aux fleurs
dans ce vase bleu
ébréché
il passe repasse
sans bouger
de l’un à l’autre d’une frontière
à l’autre
du présent
effaçant toute frontière
mieux que la brise
ou la pensée

le secret toujours offert
toujours ouvert

mais la branche l’insecte le rocher
ont l’ordre de se taire
pour un empire ils ne voudraient
le dire
ils le passent le repassent
sans bouger

partage partage
taisent les pierres
communie au partage
indivisé.

(Jean Mambrino)

Illustration

 

 

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Dans mon royaume (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 24 janvier 2016



Dans mon royaume
Une feuille d’arbre
Est une feuille.

Je n’opte jamais
Pour l’immensité –

Je suis moi-même petit.

Et pourtant il me semble
Que tout le souffle qui cherche
A faire vivre le monde
Je le retrouve ici

Où toute chose
Avec moi communie.

(Guillevic)

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L’Aubépine (Remy de Gourmont)

Posted by arbrealettres sur 12 décembre 2015



L’Aubépine

Simone, tes mains douces ont des égratignures,
Tu pleures, et moi je veux rire de l’aventure.

L’Aubépine défend son cœur et ses épaules,
Elle a promis sa chair à des baisers plus beaux.

Elle a mis son grand voile de songe et de prière,
Car elle communie avec toute la terre ;

Elle communie avec le soleil du matin,
Quand la ruche réveillée rêve de trèfle et de thym,

Avec les oiseaux bleus, les abeilles et les mouches,
Avec les gros bourdons qui sont tout en velours,

Avec les scarabées, les guêpes, les frelons blonds,
Avec les libellules, avec les papillons,

Et tout ce qui a des ailes, avec les pollens
Qui dansent comme des pensées dans l’air et se promènent ;

Elle communie avec le soleil de midi,
Avec les nues, avec le vent, avec la pluie

Et tout ce qui passe, avec le soleil du soir
Rouge comme une rose et clair comme un miroir,

Avec la lune qui rit et avec la rosée,
Avec le Cygne, avec la Lyre, avec la Voie lactée ;

Elle a le front si blanc et son âme est si pure
Qu’elle s’adore elle-même en toute la nature.

(Remy de Gourmont)

Illustration

 

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