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Poésie

Posts Tagged ‘condamner’

LA VUE, LE TOUCHER (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2023




LA VUE, LE TOUCHER

La lumière soutient – impondérables, réels –
la colline blanche et les rouvres noirs,
le sentier qui avance,
l’arbre qui ne bouge;

la lumière naissante cherche son chemin,
fleuve titubant qui dessine
ses doutes et les mue en certitudes,
fleuve de l’aube sur des paupières closes;

la lumière sculpte le vent sur le rideau,
fait de chaque heure un corps vivant,
entre dans la chambre et glisse lentement,
pieds nus, sur le fil du couteau;

la lumière naît femme dans un miroir,
nue sous des feuillages diaphanes :
un regard l’enchaîne,
un cillement la dissipe;

la lumière palpe les fruits, palpe l’invisible,
jarre où les yeux boivent des clartés,
flamme coupée en fleur, flamme qui ne sommeille
où le papillon brûle ses ailes noires;

la lumière ouvre les plis du drap,
les replis de la pubescence,
flambe dans la cheminée, ses flammes sont des ombres,
grimpent au mur, lierre du désir;

la lumière n’absout pas, ne condamne pas,
elle ignore justice et injustice,
la lumière dresse de ses mains invisibles
les édifices de la symétrie;

la lumière s’échappe dans un couloir de reflets
et retourne à elle-même :
c’est une main qui s’invente,
un oeil qui se surprend à inventer.

La lumière est temps qui se pense.

(Octavio Paz)

Illustration: Giovanni Bellini

 

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Dans mon souvenir fleurissent (Heinrich Heine)

Posted by arbrealettres sur 15 mars 2023




    
Dans mon souvenir fleurissent
Les images usées depuis longtemps
— Qu’y a-t-il donc dans ta voix
Qui me bouleverse aussi profondément?

Non, ne dis pas que tu m’aimes !
Je le sais : ce qu’il y a de plus beau sur terre,
Le printemps aussi bien que l’amour,
Sont condamnés à prendre fin.

Non, ne dis pas que tu m’aimes !
Embrasse-moi seulement et tais-toi,
Et souris lorsque demain matin
Je te montrerai les roses fanées.

(Heinrich Heine)

errer,

Recueil: Nouveaux poèmes
Traduction: Anne-Sophie et Jean Guégan
Editions: Gallimard

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L’intensité l’inattendu (Mireille Fargier-Caruso)

Posted by arbrealettres sur 17 février 2023



Illustration: Edward Hopper
    
L’intensité l’inattendu
force fragile du désir
un éclair du dedans
que l’on croit sans limites

comme Ulysse dépasser le Chaos
trouver dans l’univers sa place
dans les déchirements de l’Histoire
condamnés à choisir

il nous faut vivre avec ces failles
chercher dans nos voyages des indices
pour avoir raison d’espérer

en coulisse des songes plus vifs que nous
tenus à l’impossible

même si le partage étranglé
même si tu te sais périssable

dis-toi que maintenant est là devant toi

ouvre-le

(Mireille Fargier-Caruso)

Recueil: Comme une promesse abandonnée
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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Certains êtres sont comme le lilas (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2022



Certains êtres sont comme le lilas
qui sature de son parfum, jour et nuit,
l’air dans lequel il trempe,
condamnant ceux qui entrent
dans son cercle embaumé
à éprouver aussitôt une ivresse intime
qui fait s’entrechoquer,
comme des verres de cristal de Bohême,
les atomes de leurs âmes.

(Christian Bobin)

 

 

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Ils étaient huit jeunes hommes (Charles Camproux)

Posted by arbrealettres sur 26 juin 2022




    
Ils étaient huit jeunes hommes

Ils étaient huit jeunes hommes, nus, nus et qui tremblaient
ils étaient descendus, gelés, enchaînés,
l’un derrière l’autre, nus, les mains dans le dos
et ils savaient pour sûr, ils se savaient condamnés:
le grand camion, au fond, le long de la grande allée,
l’allée des longs cyprès, longs, hauts, est venu s’arrêter,
et les huit jeunes hommes nus, blancs, sans mot sont descendus
entre des hommes verts, vert clair, qui les font se tenir:
se tenir, blancs, nus, devant la grande tombe,
devant le grand trou, long, profond, tout juste creusé,
là tout le long, là, le long de l’allée,
derrière les tombeaux, tout le long, comme une longue tranchée:
par la mitraillette, d’un coup, ils ont tous plongé
dans la longue tranchée, blancs, nus, avec un peu de sang
sur leurs torses blancs, blancs, nus, aux premières aurores:
ils étaient huit jeunes hommes, nus, dépouillés de lendemains.

(Charles Camproux)

Recueil: Guerre à la guerre
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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LORSQUE TU ME TOURNAS LE DOS (T. Carmi)

Posted by arbrealettres sur 29 mai 2022




    
LORSQUE TU ME TOURNAS LE DOS

Lorsque tu me tournas le dos tu
as pris mes mains

des enfants le sentirent
et des fleurs

je me suis pris femme ensuite et
je n’avais pas de mains

saurais-tu ce qu’est une femme
sans mains à sa rencontre

à présent tu m’as rendu la voix et
je manque de mots

saurais-tu ce qu’est une femme
sans paroles à son seuil

les nuits condamnent mon mutisme la
journée est trop pesante

à présent que tu m’as rendu les mains et la
voix je touche avec le bout de tes doigts et
respire avec le souffle de tes narines.

(T. Carmi)

Recueil: 35 siècles de poésie amoureuse
Traduction: Nicolas LAZAR
Editions: Saint-Germain-des-Prés Le Cherche-Midi

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Invention de Mars (José Saramago)

Posted by arbrealettres sur 18 mai 2022



Illustration
    
Invention de Mars

Aubes d’argent sur des champs
D’herbes jamais vues, où le vent
Passe au large et doucement, dans un silence
D’émeraudes éternelles. Mouvement
De ballet ou de lumière purifiée,
Lents canaux de Mars que j’invente
Dans mon humain langage condamné.

***

Invenção de Marte

Madrugadas de prata sobre campos
De nunca vistas ervas, onde o vento
Passa de largo e manso, num silêncio
De esmeraldas eternas. Movimento
De bailado ou de luz purificada,
Lentos canais de Marte que eu invento
Na minha humana fala condenada.

(José Saramago)

Recueil: Les poèmes possibles
Traduction: Nicole Siganos
Editions: Jacques Brémond

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Chats de partout (Henri Monnier)

Posted by arbrealettres sur 1 avril 2022




Illustration: ArbreaPhotos
    

Chats de partout

Je suis le chat de cimetière,
De terrain vague et de gouttière,
De haute-Egypte et du ruisseau
Je suis venu de saut en saut.

Je suis le chat qui se prélasse
A l’instant où le soleil passe,
Dans vos jardins et dans vos cours
Sans avoir patte de velours.

Je suis le chat de l’infortune,
Le trublion du clair de lune
Qui vous réveille dans la nuit
Au beau milieu de vos ennuis.

Je suis le chat des maléfices
Condamné par le Saint-Office;
J’évoque la superstition
Qui cause vos malédictions.

Je suis le chat qui déambule
Dans vos couloirs de vestibules,
Et qui fait ses petits besoins
Sous la porte cochère du coin.

Je suis le félin bas de gamme,
La bonne action des vieilles dames
Qui me prodiguent le ron-ron
Sans souci du qu’en dira-t-on.

Epargnez moi par vos prières
Le châtiment de la fourrière
Où finissent vos émigrés
Sans demeure et sans pedigree.

(Henri Monnier)

Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus

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PRINTEMPS DE GUERRE (Charles Vildrac)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2022




    

PRINTEMPS DE GUERRE

J’étais boueux et las
Et le soir dans les bois
M’étreignait la poitrine.
Je m’étais étendu
Sur un sombre tapis
D’herbes froides et lisses.
Un papillon d’argent
Errait dans l’air inerte
Avant d’aller mourir.
Des troncs d’arbres gisaient,
Sciés depuis l’hiver ;
Mais il surgissait d’eux
Des pousses condamnées,
De tendres pousses vertes
Qui regardaient le ciel
Et croyaient au bonheur.
Pour le cœur, nul repos ;
Pour l’âme, nul sourire
Que celui de la mort !
Je me suis relevé,
J’ai regardé, stupide,
L’herbe longue brisée par le poids de mon corps.
Je me suis mis en marche.

(Charles Vildrac)

 

Recueil: Chants du désespéré (1914-1920) –
Traduction:
Editions: Gallimard

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Recouvrez le miroir (Paul Gilson)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2021



 

Recouvrez le miroir
condamnez enfin cette porte
Je ne veux plus voir au fond du couloir

(Paul Gilson)

Illustration

 

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