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Posts Tagged ‘conjonction’

Il n’y a pas de théorème du désir (Jean-Pierre Siméon)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2022



Illlustration: Pascal Renoux
    
Il n’y a pas de théorème du désir
Pas plus qu’il n’y a de théorème de la saveur d’une eau de montagne
pans la bouche de l’exténué
Il boit sa vie

Il n’y a qu’une vérité à mille chemins
Devant le corps aimé
Il est une aube plénière
Dont la lumière appelle la pensée-mésange de l’amant :
S’il y a une vérité dans le désir
Seule l’atteint cette pensée à mille chemins

Le coeur aussi se donne comme un paysage
Seul donc le désir de s’y perdre le mérite
Car ici l’ignorance nous accroît

C’est très simple l’immense pour qui s’est intérieurement dévêtu
Une paupière une hanche un souffle sur la joue
Cela d’un coup efface le monde
La fureur l’excès leur langage

C’est toujours à partir de ce vide
Que nous aimons
En lui que nous buvons notre vie

Est-ce de l’ordre de l’explosion ?
Explosion silencieuse et immobile
À la jonction de deux corps
Qui est la conjonction de deux limites
Ainsi détruites ?

Serait-ce l’apparition d’un espace neuf
Contraire mais lié
À l’espace ordinaire des besognes de l’existence ?

La porte d’or
Par où l’on revient dans sa vie
Déshabitué éclairé
Retour d’exil :
Gestes enfin habités
Regards tenus
Expansion d’une prairie intérieure
Avec affleurement de sources
Celles que l’amant entend
Quand il pose son oreille sur le sommeil de l’aimée

Beau chahut l’amour dans la maison des hommes
Table renversée écrous levés

Est-ce bien de l’ordre de l’explosion ?
Mais lente mais douce
Et sa rumeur qui dort dans la main du coeur

(Jean-Pierre Siméon)

Recueil: Le désir en nous comme un défi au monde 84 Poètes d’aujourd’hui
Traduction:
Editions: Le Castor Astral

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La minute suivante (Carlos Drummond de Andrade)

Posted by arbrealettres sur 8 mai 2020



La minute suivante

Nudité, dernier voile de l’âme
qui cependant demeure celée.
Le langage fertile du corps
ne la détecte ni la déchiffre.
Mais au-delà de la peau, des muscles,
et des nerfs, et du sang, et des os,
elle esquive l’intime contact,
le mariage floral, l’étreinte
divinisante de la matière
grisée et enivrée pour toujours
par cette sublime conjonction.
Pauvres de nous, mendiants affamés:
Nous ne pressentons que les reliefs
de ce banquet au-delà des nues
si contingentes de notre chair.
C’est pourquoi triste est la volupté
dans la minute suivant l’extase.

(Carlos Drummond de Andrade)


Illustration: Egon Schiele

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L’éternelle couche nuptiale (César Vallejo)

Posted by arbrealettres sur 14 septembre 2019



Illustration: Lucie Llong   
    
L’éternelle couche nuptiale

Ce n’est qu’en cessant d’être que l’Amour est fort!
Et la tombe est sans doute une grande pupille,
au fond de laquelle survit et pleure
l’angoisse de l’amour, comme dans un calice
de douce éternité et de noire aurore.

Et les lèvres se dressent pour le baiser,
comme quelque chose de plein déborde et meurt ;
et, en une crispante conjonction,
chaque bouche abdique pour l’autre
une vie de vie agonisante.

Et quand je pense ainsi, douce est la tombe
où tous enfin se pénètrent
dans un même vacarme ;
douce est l’ombre, où tous s’unissent
dans une universelle rencontre d’amour.

(César Vallejo)

 

Recueil: Poésie complète 1919-1937
Traduction: Nicole Réda-Euvremer
Editions: Flammarion

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Les mains n’ont pas une place (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 18 mars 2019



Illustration
    
Les mains n’ont pas une place.
Le corps n’en a pas non plus
et même la pensée en est peut-être privée.

Mais les mains s’avancent
et cherchent à trouver la pensée
afin d’installer ensemble
l’espace d’une nouvelle conjonction.

Les mains alors cessent
de remuer le monde
et trouvent le lieu de l’attente.

Chaque chose ne peut attendre
que d’un unique lieu.

***

Las manon no tienen un lugar.
Tampoco lo tien el cuerpo
y quizá ni el pensamiento lo tien.

Pero las manos se adelantan
y van a buscar al pensamiento
para instalar juntos
el espacio de una nueva conjunción.

Las manon dejan entonces
de revolver el mundo
y hallan el sitio de la espera.

Cada cosa sólo puede esperar
desde un único sitio.

(Roberto Juarroz)

 

Recueil: Quatorzième poésie verticale
Traduction: Sivia Baron Supervielle
Editions: José Corti

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Tu conjugues la veille à l’éternelle absence (Lionel Ray)

Posted by arbrealettres sur 9 janvier 2019



Illustration: Francine Van Hove
    
Tu conjugues la veille
à l’éternelle absence,
conjonction des figures et des pauses,
ce qui tombe et se relève avec le soir.

Des oiseaux bleus quelquefois
traversent ton regard. Tu retournes
à la table peinte, à tes plumes,
tes ciseaux, tes phrases, tes silences.

Tant de choses inexplicables passent
par le détail des mois et des années.
Tu reviens de partout

Si pâle du sommeil refusé,
cherchant le lieu et la limite
ou la coïncidence.

(Lionel Ray)

 

Recueil: Syllabes de sable Poèmes
Traduction:
Editions: Gallimard

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DES batailles se livrent (Álvarez Ortega)

Posted by arbrealettres sur 12 octobre 2018




    
DES batailles se livrent à chaque rencontre,
des solitudes qui auparavant, dans l’isolement initial,
supportaient l’oeuvre commune.

Dans l’espace révélé, après chaque conjonction,
seule demeure la terreur,
le mystère qui à l’âme ne suffit pas.

En alerte, cependant,
une absence rôde, rôdera toujours,
autour des humides dépouilles du lit.

(Álvarez Ortega)

 

Recueil: Genèse suivi de Domaine de l’ombre
Traduction: Jacques Ancet
Editions: Le Taillis Pré

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CHERCHE — TERRE (Marie-Claire Bancquart)

Posted by arbrealettres sur 6 novembre 2016



 

Rafal Olbinski  lb7 [1280x768]

CHERCHE — TERRE

En tout amour
se meurt
une vitesse qui ne dit son nom

Ce serait une chambre meublée à la verticale
Avec la porte en orbite pour lune
Et des lits à aimer debout
Dans la douceur des couvertures

Une conjonction si éclatante
Que l’amour libéré vaudrait une énergie dans les planètes
Millénaires en avance

On vivrait préhistoriens de l’avenir
Assis dans la chambre
Ou debout pour aimer et voir
Les cathédrales de fumée tirant Dieu vers les astres

A la perpendiculaire d’océans
Le miroir de poissons réfléchirait l’image de nos villes.

(Marie-Claire Bancquart)

Illustration: Rafal Olbinski

 

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Les poèmes inachevés (Roberto Juarroz)

Posted by arbrealettres sur 14 octobre 2015



Les poèmes inachevés,
les poèmes qu’on abandonne comme une défaite,
laissent leurs images en quelque coin perdu
où peu à peu va se formant, solitaire, un autre poème.

Ainsi naissent les formes dans la nuit,
comme des créatures apparemment rejetées.
Et nul matin ne se lève
pour qu’elles viennent à la lumière.

Les lignes de la germination et de l’attente
dessinent d’intraduisibles hiéroglyphes
sur la peau qui partout sépare
le silence de la parole.

Jusqu’à ce que vienne la conjonction réparatrice
qui couvre de cette peau le nouveau corps
et recueille les anciennes images,
parce que aucune image ne se perd.

(Roberto Juarroz)

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