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Poésie

Posts Tagged ‘connaître’

D’où me vient la tendresse ? (Marina Tsvétaïéva)

Posted by arbrealettres sur 23 mai 2023



Illustration: Tamara Lunginovic
    
D’où me vient la tendresse ?
J’ai caressé d’autres boucles
Et j’ai connu des lèvres
Plus sombres que les tiennes.

Les étoiles s’allumaient et mouraient
(D’où me vient la tendresse ?)
Et les yeux s’allumaient et mouraient
Plongés dans mon regard.

J’ai entendu d’autres chants
Dans la nuit sombre et noire
(D’où me vient la tendresse ?)
— La tête sur le coeur du chanteur.

D’où me vient la tendresse ?
Et que puis-je en faire, adolescent
Malicieux, chanteur vagabond,
Aux cils plus longs que longs ?

(Marina Tsvétaïéva)

Recueil: Quelqu’un plus tard se souviendra de nous
Editions: Gallimard

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LA FIN DU VOYAGE (Philippe Pauthonier)

Posted by arbrealettres sur 22 mai 2023



ADDS IDENTIFICATION OF CHILD Paramilitary police officers investigate the scene before carrying the lifeless body of Aylan Kurdi, 3, after a number of migrants died and a smaller number were reported missing after boats carrying them to the Greek island of Kos capsized, near the Turkish resort of Bodrum early Wednesday, Sept. 2, 2015. The family — Abdullah, his wife Rehan and their two boys, 3-year-old Aylan and 5-year-old Galip — embarked on the perilous boat journey only after their bid to move to Canada was rejected. The tides also washed up the bodies of Rehan and Galip on Turkey’s Bodrum peninsula Wednesday, Abdullah survived the tragedy. AP

    

LA FIN DU VOYAGE
À la mémoire du petit Alan Kurdi

Petit corps étendu sur cette plage,
Les vagues caressent son visage
Mais le garçonnet ne frémit pas,
Il vient de passer de vie à trépas.
Il ne connaîtra pas la fin du voyage,
Il est parti rejoindre les nuages.
Il n’entendra plus les bombes,
Seulement le silence de sa tombe.
Par une nuit d’encre, emporté par les flots,
Il pleurait avec dans sa voix des sanglots.
Il a cherché en vain une main salutaire,
Mais, comme ses frères, il périt en mer.
Il rêvait que l’Europe l’accueille,
À sa porte l’attendait son linceul.
Petit Alan, tu dors la tête dans le sable.
Oh, comme notre société est coupable !
Ton exil est maintenant parmi les anges,
Et, là-haut, personne, tu ne déranges.

(Philippe Pauthonier)

Recueil: Anthologie poétique 2019 volume 2
Editions: Flammes Vives

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Plonger dans le regard (Jean Paul Guibbert)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023




    
Plonger dans le regard
(toujours la profondeur des yeux m’étonne)
Déjà tu sais cette petite lèvre qui me brûle.

Une infante posée dans sa forme parfaite, nue, droite
Jouant, blessant les oiseaux et les fleurs;
Une buée de rose est sa parole.

Je vieillirai sans vous connaître dans mon silence dévasté.

(Jean Paul Guibbert)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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LE POSTE DÉSERT (Jean Mambrino)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023



Illustration: Joseph Galante    
    
LE POSTE DÉSERT

Une route attire les yeux au point de mire.
Toute route ! Mais celle-là qui part du coeur
et se perd dans les brumes proches, à venir,
aspirée par le grondement muet du gouffre,
le souffle au coeur, l’énorme souffle sans odeur,
je la connais avec ses arbres à contre jour,
et les cris des oiseaux venus d’un autre monde.

Quels cris?
On n’entend crisser que les corps qui souffrent
(baignés d’un soleil noir qui monte à contre-jour).
Un seul poste désert, quand la route est coupée.
La voix du fond répond : le creux en toi te sonde.
Maintenant, dans ton coeur, où le temps s’est vidé.

(Jean Mambrino)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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Et la vie c’est cela (Anne Perrier)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023




    
Et la vie c’est cela
Une ombre qui s’allonge sur le seuil
Une cour abritée de hauts tilleuls
Le miel en fleur et les abeilles mortes
Une main qui frappe à la porte
Et les visages changent de couleurs
Rien n’a bougé que le ciel sans racines
Et la saison penchée au bord de la ravine
Les regards sont plus fixes et les gestes raidis
Est-ce l’aube ou midi
L’attente est si pareille
A l’attente et tout ce qu’on connaît
Tout ce qu’on tient n’est que le rêve tourmentant
une réalité profonde et dérobée

(Anne Perrier)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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RETOUCHE À LA RUE ÉTROITE (Daniel Boulanger)

Posted by arbrealettres sur 10 mai 2023




    
RETOUCHE À LA RUE ÉTROITE

Le bruit bourgeonne
roulé par des voitures à fines roues.
Un homme vit dans le grenier sans
connaître le reste de la maison
gardé par des chats et des cuivres.
La poussière le recouvre des longs
voyages au long des murs où de
temps en temps
paraissent des femmes
lentes et sans vêtement.

(Daniel Boulanger)

Recueil: Anthologie de la poésie française du XXè siècle
Editions: Gallimard

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Sur l’oreiller (Juliette)

Posted by arbrealettres sur 9 mai 2023




    

Sur l’oreiller

J’aurai beaucoup trop chaud peut-être
Il fera sombre, que m’importe
Je n’ouvrirai pas la fenêtre
Et laisserai fermée ma porte
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Votre parfum Sur L’oreiller
Laissez-moi deviner
Ces subtiles odeurs
Et promener mon nez
Parfait inquisiteur
Il y a des fleurs en vous
Que je ne connais pas
Et que gardent jaloux
Les replis de mes draps
Oh, la si fragile prison!
Il suffirait d’un peu de vent
Pour que les chères émanations
Quittent ma vie et mon divan
Tenez, voici, j’ai découvert
Dissimulées sous l’évidence
De votre Chanel ordinaire
De plus secrètes fulgurances
Il me faudrait les retenir
Pour donner corps à l’éphémère
Recomposer votre élixir
Pour en habiller mes chimères
Sans doute il y eut des rois
Pour vous fêter enfant
En vous disant « Reçois
Et la myrrhe et l’encens »
Les fées de la légende
Penchées sur le berceau
Ont fleuri de lavande
Vos yeux et votre peau
J’ai deviné tous vos effets
Ici l’empreinte du jasmin
Par là la trace de l’oeillet
Et là le soupçon de benjoin
Je pourrais dire ton enfance
Elle est dans l’essence des choses
Je sais le parfum des vacances
Dans les jardins couverts de roses
Une grand-mère aux confitures
Un bon goûter dans la besace
Piquantes ronces, douces mûres
L’enfance est un parfum tenace
Tout ce sucre c’est vous
Tout ce sucre et ce miel
Le doux du roudoudou
L’amande au caramel
Les filles à la vanille
Les garçons au citron
L’été sous la charmille
Et l’hiver aux marrons
Je reprendrais bien volontiers
Des mignardises que tu recèles
Pour retrouver dans mon soulier
Ma mandarine de Noël

Voici qu’au milieu des bouquets
De douces fleurs et de bonbons
S’offre à mon nez soudain inquiet
Une troublante exhalaison
C’est l’odeur animale
De l’humaine condition
De la sueur et du sale
Et du mauvais coton
Et voici qu’ils affleurent
L’effluve du trépas
L’odeur d’un corps qui meurt
Entre ses derniers draps

Avant que le Temps souverain
Et sa cruelle taquinerie
N’emportent votre amour ou le mien
Vers d’autres cieux ou d’autres lits
Je veux garder pour en mourir
Ce que vous avez oublié
Sur les décombres de nos désirs
Toute votre âme Sur L’oreiller

(Juliette)

Recueil: Des chansons pour le dire Une anthologie de la chanson qui trouble et qui dérange (Baptiste Vignol)
Editions: La Mascara TOURNON

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Ma vie, ma vie (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2023




    
Ma vie, ma vie, ma très ancienne
Mon premier voeu mal refermé
Mon premier amour infirmé
Il a fallu que tu reviennes

Il a fallu que je connaisse
Ce que la vie a de. meilleur,
Quand deux corps jouent de leur bonheur
Et sans fin s’unissent et renaissent.

Entré en dépendance entière
Je sais le tremblement de l’être
L’hésitation à disparaître
Le soleil qui frappe en lisière

Et l’amour, où tout est facile,
Où tout est donné dans l’instant
Il existe, au milieu du temps,
La possibilité d’une île.

(Michel Houellebecq)

Recueil: Non réconcilié
Editions: Gallimard

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Vivre sans point d’appui (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 21 avril 2023



Illustration: Georges Rey
    
Vivre sans point d’appui, entouré par le vide,
Comme un oiseau de proie sur une mesa blanche ;
Mais l’oiseau a ses ailes, sa proie et sa revanche ;
Je n’ai rien de tout ça. L’horizon reste fluide,

J’ai connu de ces nuits qui me rendaient au monde,
Où je me réveillais plein d’une vie nouvelle ;
Mes artères battaient, je sentais les secondes
S’égrener puissamment, si douces et si réelles ;

C’est fini. Maintenant, je préfère le soir,
Je sens chaque matin monter la lassitude,
J’entre dans la région des grandes solitudes,
Je ne désire plus qu’une paix sans victoire.

Vivre sans point d’appui, entouré par le vide,
La nuit descend sur moi comme une couverture
Mon désir se dissout dans ce contact obscur ;
Je traverse la nuit, attentif et lucide.

(Michel Houellebecq)

Recueil: Non réconcilié
Editions: Gallimard

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J’ai écrit sur la solitude (Doina Ioanid)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2023



    

J’ai écrit sur la solitude,
des poèmes sur la solitude.
Mais je ne la connaissais pas vraiment.

La solitude qui te cisaille les tripes
et te balance contre les murs,
la solitude d’un ghetto bucarestois, avec ses tsiganes
qui te crient des conteneurs de ne pas t’approcher.

La solitude avec son odeur rance et croupie,
avec son indifférence crasse.
La solitude, qui te vide le corps de tous ses organes,
jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’une carcasse
errant la nuit dans les rues.

Et voici que la solitude,
avec sa bave de bouledogue,
écrit ses poèmes,
ses propres poèmes,
à même mon corps.

(Doina Ioanid)

Recueil: Rythmes pour apprivoiser la hérissonne
Traduction: du roumain par Jan H. Mysjkin
Editions: l’Arbre à paroles

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