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Arabesques (Béatrice Bastiani-Helbig)

Posted by arbrealettres sur 20 août 2022



    
Arabesques

« Arabesques » : depuis toujours ce mot me plaît.
En peinture, sculpture, musique ou ballet,
Il évoque pour moi de gracieux mouvements
Et il me parle à l’oreille si doucement.

Selon que je me trouve au bord d’un lac en Chine
Ou bien au bord de la mer Méditerranée,
Moi, sur des cucurbitacées je les dessine
Ou sur des galets, et ce depuis des années.

Je laisse aller ma main, mon esprit rêvasser.
Dans un beau voyage intérieur à chaque fois
Il m’emmène très loin, au plus profond de moi,
Enfin pacifiée, unifiée, réconciliée.

Il arrive que certains viennent bavarder.
Mes dessins leur rappellent des contrées lointaines.
Mes amis pékinois m’ont souvent demandé
Si j’avais séjourné en terre tibétaine.

« Arabesque » : exotique et pourtant familier…
Car ce mot me ramène au temps de mon enfance.
Papa passait du Chopin et me disait : « Danse ! »
Et moi, bien sûr, je ne me faisais pas prier.

D’arabesques en sauts de biche, je rêvais
D’entrer à l’Opéra, d’y consacrer ma vie.
J’étais faite pour danser, et ne concevais
Aucun autre avenir, n’avais pas d’autre envie.

Le destin fut tout autre mais je danse encore.
J’aime la poésie, les beaux-arts, la musique
Et les langues, et le théâtre. Oui, je dévore
La vie, que, bien souvent, je trouve magnifique.

(Béatrice Bastiani-Helbig)

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Il est des moments dans la vie (Michel Houellebecq)

Posted by arbrealettres sur 21 juillet 2022



 

Il est des moments dans la vie où l’on a presque l’impression d’entendre
l’ironique froufrou du temps qui se dévide,
Et la mort marque des points sur nous.
On s’ennuie un peu, et on accepte de se détourner provisoirement de l’essentiel
pour consacrer quelques minutes à l’accomplissement d’une besogne ennuyeuse et sans joie
mais que l’on croyait rapide,
Et puis on se retourne, et l’on s’aperçoit avec écoeurement
que deux heures de plus ont glissé dans le vide,

Le temps n’a pas pitié de nous.

À la fin de certaines journées on a l’impression d’avoir vécu un quart d’heure
et naturellement on se met à penser à son âge,
Alors on essaie d’imaginer une ruse une sorte de coup de poker
qui nous ferait gagner six mois et le meilleur moyen est encore de noircir une page,
Car sauf à certains moments historiques précis
et pour certains individus dont les noms sont écrits dans nos livres,
Le meilleur moyen de gagner la partie contre le temps
est encore de renoncer dans une certaine mesure à y vivre.

Le lieu où nos gestes se déroulent et s’inscrivent harmonieusement dans l’espace
et suscitent leur propre chronologie,
Le lieu où tous nos êtres dispersés marchent de front et où tout décalage est aboli,
Le lieu magique de l’absolu et de la transcendance
Où la parole est chant, où la démarche est danse
N’existe pas sur Terre,

Mais nous marchons vers lui.

(Michel Houellebecq)

Illustration: Edward Hopper

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Même pur le désert s’adoucit (Ernest Delève)

Posted by arbrealettres sur 18 juillet 2022



 

Goyo Dominguez _500

Même pur le désert s’adoucit tu te mires
Dans l’eau qui lui sourit à la bouche désir
De t’offrir le secret de sa meilleure source
C’est ton heure et pour toi les mirages se couchent

Je te vois et le beau temps de la journée
Où j’ai vécu sans y voir clair
Enfin prend corps pour m’éclairer
Sur les baumes qui ont fleuri
En ton absence à notre insu
Tu en es toute imprégnée

Toi la trouvaille tu viens parée
D’un fin collier d’instants perdus
Qui ont perlé de mes pensées
D’où mon amour était exclu

Ton art parfait entre les lignes
Chasse le blanc confus de n’être
Que la fumée autour des signes
Où les flammes n’ont pas pu naître

Quand la mémoire en secret rêve
Profond contre l’oubli forcé
Tu sors réelle de l’absence
Naturelle de ta légende
Suggérée insinuante
Innocente de tes tours

Tu vis heureuse entre les ombres
Ouvrant mon livre à deux battants
Et consacrant cette fenêtre
A la lumière du satin
Au filigrane de tes veines
Au grain le plus fin du destin
A la nacre ayant la peau chaude
Au miroir que tu mets que tu ôtes

Mon livre comme un lit ouvert
Où je te trouve et je te perds

(Ernest Delève)

Illustration: Goyo Dominguez

 

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Aventures (Henri Thomas)

Posted by arbrealettres sur 4 avril 2022




Illustration: ArbreaPhotos
    

Aventures

Le chat lutte avec une abeille
autour de sa fourrure,
je vois l’azur et ses merveilles,
un arbre, une mâture,

la mer apporte à mon oreille
le bruit des aventures
que nous vivrons si tu t’éveilles,
témérité future.

Je me consacre aux vertes îles,
favorables au sage
qui sait trouver un dieu tranquille

entre palme et rivage.
Le chat s’en va, brillant et beau,
pour guetter les oiseaux.

(Henri Thomas)

Recueil: le chat en cent poèmes
Traduction:
Editions: Omnibus

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Le jour je chantais avec toi (Rûmî)

Posted by arbrealettres sur 28 septembre 2020



Illustration: Josephine Wall
    
Le jour je chantais avec toi
et la nuit nous dormions dans le même lit.
J’oubliais ce qui était jour ou nuit.
Je pensais savoir qui j’étais
mais j’étais toi.

*

Ne t’attarde pas près d’un ami chagrin.
Si tu visites un jardin,
regardes-tu les épines ou les fleurs ?
Consacre plus de temps aux roses et au jasmin.

***

Durante el día estuve cantando contigo.
De noche dormímos en la misma cama.
No consciente ni del día ni de la noche.
Creí saber quién era,
pero yo era tú.

*

No te quedes mucho tiempo con un amigo triste.
Cuando vas a un jardín,
¿miras a las espinas o a las flores?
Pasé más tiempo con las rosas y el jazmín.

***

Durante il giorno cantavo con te.
Di notte dormivamo nello stesso letto.
Non potevo dire se fosse giorno o notte.
Pensavo di sapere chi fossi,
ma ero te.

*

Non sedere a lungo con un amico triste.
Quando sei in un giardino,
osservi le spine o i fiori?
Passa più tempo con le rose e il gelsomino.

***

Durante o dia, contigo cantei.
Na mesma cama, à noite, dormimos.
Do dia ou da noite não tinha consciência.
Pensava saber quem era,
mas eu não era eu, eras tu.

*

Não estejas muito tempo com um amigo triste.
Quando vais a um jardim,
olhas para os espinhos das flores?
Passei mais tempo com rosas e jasmins.

***

During the day I was singing with you.
At night we slept in the same bed.
I wasn’t conscious day or night.
I thought I knew who I was,
but I was you.

***

Do not sit long with a sad friend.
When you go to a garden,
do you look at thorns of flowers?
Spend more time with roses and jasmine.

***

Overdag zong ik met jou
en ‘s nachts sliepen we in hetzelfde bed.
Ik vergat wat dag was of nacht.
Ik dacht dat ik wist wie ik was,
maar ik was jou.

*

Blijf niet lang bij een droevige vriend.
Als je naar een tuin gaat,
kijk je naar doorns of naar bloemen?
Besteed meer tijd aan rozen en jasmijn.

***

Кун бўйи куйлашиб гадоинг бўлдим,
Тунда бир тўшакда фидоинг бўлдим.
Хушимда эмасдим на кундуз, на тун,
Ўзимдан воз кечиб, адоинг бўлдим.

*

Маҳзун дўстинг ила ташвиш оширма,
Боққа кирар бўлсанг, гулгун ёшингда.
Гулнинг тиконига боқмоқ не даркор,
Атиргул, ёсминлар турса қошингда.

***

***

白天我和你一起歌唱。
晚上我们睡在同一张床上。
我没意识到白昼的差异。
我以为我知道自己是谁,
但我就是你。

*

不要和悲伤朋友长久坐一起。
你去花园时,
你看花的刺吗?
花更多时间在玫瑰和茉莉花上。

***

***

Tagsüber sang ich mit dir
und nachts schliefen wir im gleichen Bett.
Ich vergaß was Tag war oder Nacht.
Ich dachte, ich wüsste, wer ich war,
aber ich war du.

*

Bleib nicht lange bei einem traurigen Freund.
Wenn du in einen Garten gehst,
schaust du dir Dornen oder Blumen an?
Verbringe mehr Zeit mit Rosen und Jasmin.

(Rûmî)

Recueil: Ithaca 595
Traduction: Français Germain Droogenbroodt – Elisabeth Gerlache / Espagnol Rafael Carcelén / Italien Luca Benassi / Portugais John Moyne, Coleman Barks, Maria do Sameiro Barroso / Anglais John Moyne and Coleman Barks / Néerlandais Germain Droogenbroodt / Tadjik Karim tarjimalari / Indi Jyotirmaya Thakur / Chinois William Zhou / Arabe / Allemand Wolfgang KlinckEditions: POINTS

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Durga Stotra (Sri Aurobindo)

Posted by arbrealettres sur 19 mars 2020




    
Durga Stotra

Mère Durga ! Chevalière au lion, donneuse de tous les pouvoirs, Mère,
bien-aimée de Shiva! Nous, la jeunesse du Bengale, nés de ta Puissance,
sommes réunis dans ton temple pour t’adresser notre prière.
Écoute, ô Mère ! Descends sur notre terre du Bengale ! Manifeste-toi !

Mère Durga! D’âge en âge, naissance après naissance, nous venons ici-bas
dans un corps humain, accomplissons ton oeuvre et regagnons le foyer de Ta Félicité.
Cette fois encore, en cette naissance, nous voici, consacrés à ton oeuvre.
Écoute, ô Mère ! Descends sur notre terre du Bengale ! Sois avec nous, notre Sauveuse !

Mère Durga! Chevalière au lion, trident en main, ton corps de beauté
couvert d’une armure, Mère, donneuse de victoire ! L’Inde attend ta venue,
impatiente de te voir sous ta forme de Grâce et de Bonté. Écoute, ô Mère !
Descends sur notre terre du Bengale ! Manifeste-toi !

Mère Durga! Donneuse de force, d’amour, de connaissance !
Toi qui dans l’essence de ta nature es la Shakti-de-Puissance ! Ô Redoutable,
au double visage de Douceur et de Violence ! Dans la bataille de la vie,
dans la bataille de l’Inde, c’est toi qui nous as envoyés comme tes guerriers.

Ô Mère, accorde à nos coeurs et nos esprits l’énergie du Titan,
l’audace et la hardiesse du Titan dans toutes nos actions. Accorde, ô Mère,
à notre coeur et notre intelligence la force de caractère et la connaissance d’un dieu !

Mère Durga ! Le peuple de l’Inde, noble entre tous, était englouti dans d’épaisses
ténèbres. Mais voici que peu à peu, ô Mère, tu te lèves à l’extrême horizon
et l’Aurore resplendit dans le rougeoiement de ton corps-de-ciel qui dissipe l’obscurité.
Que l’immense lumière se répande, ô Mère, et disperse les ténèbres !

Mère Durga ! Parée de profonde verdure, ornée de la Toute-Beauté, toi qui maintiens,
toi en qui reposent la connaissance, l’amour et la force, c’est sur la terre du Bengale
que tu t’incarnes aujourd’hui; cachée jusqu’ à présent, repliée sur elle-même,
elle concentrait ses énergies. Mais l’âge est venu, le jour est venu et déjà
elle se redresse, notre Mère du Bengale, portant l’Inde entière sur ses épaules.
Viens, ô Mère ! Manifeste-toi !

Mère Durga! Nous, tes enfants, que par ta grâce, sous ton empire,
nous puissions accomplir la grande oeuvre, le grand idéal. Anéantis en nous
la petitesse, anéantis l’égoïsme, anéantis la peur !

Mère Durga! Toi qui revêts le visage de Kâlî, portant à ton cou une guirlande de crânes,
vêtue d’espace, brandissant l’épée, ô Déesse, triomphatrice de l’Asura!
De ton rugissement féroce et impitoyable, fais périr les passions-ennemies de l’âme,
qu’il n’en reste plus une seule vivante au fond de nous.

Que nous devenions purs et sans souillure. Telle est notre prière, ô Mère !
Manifeste-toi!

Mère Durga! L’Inde moribonde est abîmée dans l’égoïsme, la peur, la petitesse.
Rends-nous grands et dignes des plus hautes tentatives, rends-nous magnanimes
et sincères dans notre volonté inflexible d’atteindre la Vérité.
Chasse tout misérable désir, toute impuissance, toute paresse,
que plus jamais nous ne soyons paralysés par la peur !

Mère Durga! Shakti-du-Yoga! Que ton pouvoir immense s’étende partout !
Nous sommes tes enfants bien-aimés. Fais largement briller parmi nous
l’enseignement perdu, la fermeté, la puissance de la pensée,
la dévotion et la foi, l’austérité et la chasteté, la connaissance de la Vérité,
et à travers nous répands-les sur le monde. Pour aider et secourir l’humanité,
toi, Durga, annihilatrice de toute adversité,
ô Mère-du-monde ! Manifeste-toi !

Durga Mère ! Extermine en nous les vices-ennemis, puis extirpe au-dehors
tous les dangers, tous les obstacles ! Que plein de force, valeureux et noble,
le peuple de l’Inde vive à jamais dans ses forêts sacrées et dans ses champs fertiles,
au pied de ses montagnes amies du ciel, le long des rives de ses fleuves
aux eaux saintes et purifiantes. Peuple suprême par son amour et son unité,
sa vigueur et sa droiture, son art et sa littérature, son héroïsme et sa connaissance !
Telle est notre prière aux pieds de la Mère ! Manifeste-toi !

Mère Durga ! Que ta Force, la Force du Yoga, inonde et emplisse notre corps !
Nous deviendrons tes instruments, ton épée qui abat le mal, ta lampe qui dissipe
l’ignorance. Exauce cette aspiration de la jeunesse du Bengale. Toi, notre Souveraine,
guide-nous ; toi qui détruis le mal et brandis ferme l’épée ;
toi, lumière resplendissante de la connaissance, tiens haut la lampe !
Manifeste-toi !

Mère Durga! Quand nous te posséderons, nous ne déferons plus tes liens :
nous t’attacherons à nous avec la triple corde de la foi, de la dévotion et de l’amour.
Viens, Mère ! Manifeste-toi dans notre esprit, notre vie, notre corps !
Viens, révélatrice de la Voie des Héros ! Plus jamais nous ne te rejetterons !
Que notre vie entière devienne une adoration sans fin de Durga!
Que toutes nos actions soient pour toujours sacrées, pleines d’amour et d’énergie,
vouées au service de la Mère ! Telle est notre prière, ô Mère !
Descends sur notre terre du Bengale ! Manifeste-toi !

(Sri Aurobindo)

 

Recueil: Poésie
Traduction: Français Cristof Alward-Pitoëff
Editions: Sri Aurobindo Ashram Trust

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DÉCOUVERTE DE LA FEMME (Giuseppe Ungaretti)

Posted by arbrealettres sur 14 octobre 2019



Illustration: Alex Alemany
    
DÉCOUVERTE DE LA FEMME

Alors la femme m’apparut sans voiles, dans une pudeur naturelle.
Depuis ce temps ses gestes, délivrés, surgissant dans une
solennité féconde, me consacrent à l’unique réelle douceur.
Au gré de cette présence familière le temps s’en va sans me lasser.
A cette heure la nuit peut venir, la clarté de la lune aura les ombres les plus nues.

(Giuseppe Ungaretti)

 

Recueil: Vie d’un homme Poésie 1914-1970
Traduction:
Editions: Gallimard

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Caillou (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2019



Viens encore une fois
Te consacrer caillou

Sur la table dans la lumière
Qui te convient,

Regardons-nous
Comme si c’était
Pour ne jamais finir.

Nous aurons mis dans l’air
De la lenteur qui restera.

(Guillevic)

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Grottes (Guillevic)

Posted by arbrealettres sur 8 octobre 2019



Dans la lumière du plein jour
Il y a des grottes.

Dans le plein soleil
Il y a des grottes.

Il n’est pas toujours
Mauvais de s’y rendre.

De s’y résumer,
De venir ensuite,

Chargé d’autre chose,
Consacrer le jour.

(Guillevic)

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Le remords (Esther Granek)

Posted by arbrealettres sur 19 octobre 2018



Atsushi Suwa 0111

Le remords

Vais-je traîner toute ma vie
en moi cette sorte de litanie
qui ne me laisse point de repos
et met ma conscience en morceaux ?

Car voyez-vous, quoi que je fasse,
toujours quelque chose me tracasse
et mes actes les plus louables
au fond de moi me crient : coupable !

Coupable je suis, sachez-le.
Comment, pourquoi importent peu
car mes réponses mille fois reprises
sans fin en moi se contredisent.

Coupable je suis de telle sorte
qu’à y penser toute chose me porte
et mes regrets sempiternels
me sont punition éternelle.

Ainsi donc, n’ayant nulle paix,
de moi-même faisant le portrait,
je rumine l’énumération
de mes actions et inactions…

J’adore me prélasser au lit,
lisant, me cultivant l’esprit.
Mais le remords, comme un démon,
sitôt m’insuffle son poison.

Alors je m’attèle à la tâche
et comme une brute, fais le ménage,
mais en même temps je me répète :
ma fille, tu seras toujours bête !

Je veux, ai-je raison ou tort ?
aussi m’occuper de mon corps
pour être épouse désirable
d’un effet quelque peu durable.

Mais dès qu’à mes soins je m’adonne,
une voix perfide me chantonne :
tu as raison, ne pense qu’à toi,
ils attendront pour le repas !

Alors, retrouvant mes casseroles,
échevelée et l’air d’une folle,
je me redis dans un sermon :
toujours seras-tu une souillon ?

Parfois, avide de détente,
je me complais à ce qui tente,
croyant voler quelques bonnes heures
au temps à consacrer ailleurs.

Mais au lieu de me réjouir,
je ne cherche qu’à troubler ma fête
car de mes cent tâches non faites,
je me punis comme à plaisir !

Ainsi donc, n’ayant nulle paix…
De moi-même faisant le procès…

(Esther Granek)

Illustration: Atsushi Suwa

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