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La belle vieille (François Maynard)

Posted by arbrealettres sur 10 octobre 2022



Illustration: Christelle Fontenoy 
    

La belle vieille

Cloris, que dans mon temps j’ai si longtemps servie
Et que ma passion montre à tout l’univers,
Ne veux-tu pas changer le destin de ma vie
Et donner de beaux jours à mes derniers hivers ?

N’oppose plus ton deuil au bonheur où j’aspire.
Ton visage est-il fait pour demeurer voilé ?
Sors de ta nuit funèbre, et permets que j’admire
Les divines clartés des yeux qui m’ont brûlé.

Où s’enfuit ta prudence acquise et naturelle ?
Qu’est-ce que ton esprit a fait de sa vigueur ?
La folle vanité de paraître fidèle
Aux cendres d’un jaloux, m’expose à ta rigueur.

Eusses-tu fait le voeu d’un éternel veuvage
Pour l’honneur du mari que ton lit a perdu
Et trouvé des Césars dans ton haut parentage,
Ton amour est un bien qui m’est justement dû.

Qu’on a vu revenir de malheurs et de joies,
Qu’on a vu trébucher de peuples et de rois,
Qu’on a pleuré d’Hectors, qu’on a brûlé de Troies
Depuis que mon courage a fléchi sous tes lois !

Ce n’est pas d’aujourd’hui que je suis ta conquête,
Huit lustres ont suivi le jour que tu me pris,
Et j’ai fidèlement aimé ta belle tête
Sous des cheveux châtains et sous des cheveux gris.

C’est de tes jeunes yeux que mon ardeur est née ;
C’est de leurs premiers traits que je fus abattu ;
Mais tant que tu brûlas du flambeau d’hyménée,
Mon amour se cacha pour plaire à ta vertu.

Je sais de quel respect il faut que je t’honore
Et mes ressentiments ne l’ont pas violé.
Si quelquefois j’ai dit le soin qui me dévore,
C’est à des confidents qui n’ont jamais parlé.

Pour adoucir l’aigreur des peines que j’endure
Je me plains aux rochers et demande conseil
A ces vieilles forêts dont l’épaisse verdure
Fait de si belles nuits en dépit du soleil.

L’âme pleine d’amour et de mélancolie
Et couché sur des fleurs et sous des orangers,
J’ai montré ma blessure aux deux mers d’Italie
Et fait dire ton nom aux échos étrangers.

Ce fleuve impérieux à qui tout fit hommage
Et dont Neptune même endure le mépris,
A su qu’en mon esprit j’adorais ton image
Au lieu de chercher Rome en ses vastes débris.

Cloris, la passion que mon coeur t’a jurée
Ne trouve point d’exemple aux siècles les plus vieux.
Amour et la nature admirent la durée
Du feu de mes désirs et du feu de tes yeux.

La beauté qui te suit depuis ton premier âge
Au déclin de tes jours ne veut pas te laisser,
Et le temps, orgueilleux d’avoir fait ton visage,
En conserve l’éclat et craint de l’effacer.

Regarde sans frayeur la fin de toutes choses,
Consulte le miroir avec des yeux contents.
On ne voit point tomber ni tes lys, ni tes roses,
Et l’hiver de ta vie est ton second printemps.

Pour moi, je cède aux ans ; et ma tête chenue
M’apprend qu’il faut quitter les hommes et le jour.
Mon sang se refroidit ; ma force diminue
Et je serais sans feu si j’étais sans amour.

C’est dans peu de matins que je croîtrai le nombre
De ceux à qui la Parque a ravi la clarté !
Oh ! qu’on oira souvent les plaintes de mon ombre
Accuser tes mépris de m’avoir maltraité !

Que feras-tu, Cloris, pour honorer ma cendre ?
Pourras-tu sans regret ouïr parler de moi ?
Et le mort que tu plains te pourra-t-il défendre
De blâmer ta rigueur et de louer ma foi ?

Si je voyais la fin de l’âge qui te reste,
Ma raison tomberait sous l’excès de mon deuil ;
Je pleurerais sans cesse un malheur si funeste
Et ferais jour et nuit l’amour à ton cercueil !

(François Maynard)

 

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Elle avait pris ce pli … (Victor Hugo)

Posted by arbrealettres sur 6 janvier 2021



    

Elle avait pris ce pli …

Elle avait pris ce pli dans son âge enfantin
De venir dans ma chambre un peu chaque matin;
Je l’attendais ainsi qu’un rayon qu’on espère;
Elle entrait, et disait: Bonjour, mon petit père ;
Prenait ma plume, ouvrait mes livres, s’asseyait
Sur mon lit, dérangeait mes papiers, et riait,
Puis soudain s’en allait comme un oiseau qui passe.
Alors, je reprenais, la tête un peu moins lasse,
Mon oeuvre interrompue, et, tout en écrivant,
Parmi mes manuscrits je rencontrais souvent
Quelque arabesque folle et qu’elle avait tracée,
Et mainte page blanche entre ses mains froissée
Où, je ne sais comment, venaient mes plus doux vers.
Elle aimait Dieu, les fleurs, les astres, les prés verts,
Et c’était un esprit avant d’être une femme.
Son regard reflétait la clarté de son âme.
Elle me consultait sur tout à tous moments.
Oh! que de soirs d’hiver radieux et charmants
Passés à raisonner langue, histoire et grammaire,
Mes quatre enfants groupés sur mes genoux, leur mère
Tout près, quelques amis causant au coin du feu !
J’appelais cette vie être content de peu !
Et dire qu’elle est morte! Hélas! que Dieu m’assiste !
Je n’étais jamais gai quand je la sentais triste ;
J’étais morne au milieu du bal le plus joyeux
Si j’avais, en partant, vu quelque ombre en ses yeux.

(Victor Hugo)

 

Recueil: Cent poèmes de Vivtor Hugo
Traduction:
Editions: Omnibus

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Devant le jardin passe un chien blanc (Ishikawa Takuboku)

Posted by arbrealettres sur 2 janvier 2021




    
Devant le jardin passe un chien blanc. Je me retourne
et consulte ma femme : Si nous en adoptions un ?

***

(Ishikawa Takuboku)

 

Recueil: Le jouet triste
Traduction: Jérôme Barbosa et Alain Gouvret
Editions: Arfuyen

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Dehors au vent léger (Jean Follain)

Posted by arbrealettres sur 2 juillet 2020



Dehors au vent léger
les cordes à linge se balancent;
on entend un instant les propos
sur la capacité
d’un homme habitant un hameau très distant
dans les brumes orangées.
Trois femmes éprouvent leur finesse de taille
dans la grande cuisine pleine de leurs labeurs.
L’une d’elles consulte un calendrier d’or
atteint la clef cachée dans son corsage
et s’évanouit crispée
entre des bras charmants.

(Jean Follain)

Illustration: Anne-Marie Zilberman

 

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L’essentiel est de savoir pratiquer l’attente méthodique (Pierre Oster)

Posted by arbrealettres sur 22 octobre 2019




    
L’essentiel est de savoir pratiquer l’attente méthodique,
de ne rien peindre avant que de raison.
Je n’aurai garde de combler mon vide
(je le consulte).

(Pierre Oster)

 

Recueil: Paysage du Tout
Traduction:
Editions: Gallimard

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S’éprendre d’une inconnue (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 7 juin 2018



Illustration
    
S’éprendre d’une inconnue
et n’être plus que son étonnement.

Dormir avec les parasols.
La mort, c’est la lune,
ce n’est pas autre chose qu’une torche éteinte,
le dernier souffle brûlé vif.

Mais jamais nous ne fûmes si près de nous connaître,
bien que nous n’ayons pu nous consulter.

Jamais nous ne fûmes si enclins à disparaître.
Fantômes, vos noms, gravés sur la pierre du mythe,
bourdonnent, ruche punie.

Nous fûmes deux à compter l’échec.
L’étrangère couronnée d’algues
et puis aussi le sable.

(Edmond Jabès)

 

Recueil: Le Seuil Le Sable Poésies complètes 1943-1988
Traduction:
Editions: Gallimard

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CONSEILS DONNES PAR UNE SORCIÈRE (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 25 octobre 2017




    CONSEILS DONNES PAR UNE SORCIÈRE
(A voix basse, avec un air épouvanté, (à l’oreille du lecteur.)

Retenez-vous de rire
dans le petit matin!

N’écoutez pas les arbres
qui gardent les chemins!

Ne dites votre nom
à la terre endormie

qu’après minuit sonné!
A la neige, à la pluie

ne tendez pas la main!
N’ouvrez votre fenêtre

qu’aux petites planètes
que vous connaissez bien!
Confldence pour confidence :

vous qui venez me consulter,
méfiance, méfiance!
On ne sait pas ce qui peut arriver.

(Jean Tardieu)

 

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Au coeur de la nuit (Rainer Maria Rilke)

Posted by arbrealettres sur 21 octobre 2017



Au coeur de la nuit je veux m’entretenir avec l’ange,
lui demander s’il reconnaît mes yeux.
S’il demandait soudain : vois-tu l’Éden ?
il me faudrait dire alors : l’Éden est en feu

Je veux élever ma bouche jusqu’à lui,
insensible comme celui qui ne désire rien.
Et si l’ange parlait ainsi : que pressens-tu de la vie ?
il me faudrait dire alors : la vie consume

S’il trouvait en moi cette joie
qui devient éternelle en son esprit, —
et qu’il la prît, l’élevât dans ses mains,
il me faudrait dire alors : la joie est folie

***

Nächtens will ich mit dem Engel reden,
ob er meine Augen anerkennt.
Wenn er plötzlich fragte: Schaust du Eden?
Und ich müßte sagen: Eden brennt

Meinen Mund will ich zu ihm erheben,
hart wie einer, welcher nicht begehrt.
Und der Engel spräche: Ahnst du Leben?
Und ich müßte sagen: Leben zehrt

Wenn er jene Freude in mir fände,
die in seinem Geiste ewig wird, —
und er hübe sie in seine Hände,
und ich müßte sagen: Freude irrt

(Rainer Maria Rilke)

Illustration: Georges de la Tour

 

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Il faut avoir un ami (Denis Diderot)

Posted by arbrealettres sur 30 septembre 2017




    
Il faut avoir un ami, qu’en tout temps,
pour son bonheur on écoute, on consulte,
qui sache rendre à notre âme en tumulte,
les maux moins vifs et les plaisirs plus grands.

(Denis Diderot)

 

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Le vieux pêcheur (Yang Jiong)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2017



 

Le vieux pêcheur

Le vieux pêcheur passe la nuit
couché sur les rochers de la rive occidentale.
Dès que paraît l’aube,
il allume des bambous
et puise de l’eau pour son frugal repas.

La brume du matin se dissipe,
le soleil se montre ;
la campagne est encore déserte ;

Il est déjà dans sa barque,
frappant l’eau verte de ses rames,
et poussant le cri des bateliers.

D’un regard
il a consulté l’horizon ;
il s’abandonne au courant avec insouciance,

Comme les nuages,
qui courent et se poursuivent au-dessus de la montagne,
s’abandonnent aux caprices du vent.

(Yang Jiong)

 Illustration: Hokusai

 

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