Avec des rires sourds et de grondants sanglots,
Les filles de la mer se battent ou s’étreignent,
Et leurs cheveux luisants que dans l’ombre elles peignent
Traînent, fourrure sombre, au pied des noirs îlots.
L’anguille voyageuse et les vifs cachalots,
L’ourson couleur de neige à leur côté se baignent;
Et les feux de leurs yeux s’allument et s’éteignent,
Fanal de naufrageur qui tremble sous les flots
Leurs corps d’ambre et de lait ont la forme des vagues;
Les regrets, les terreurs, l’espoir, les désirs vagues,
Se condensent la nuit dans le brouillard amer.
Et, bercés mollement sur la gorge où tout sombre,
Les morts, coulés à pic, vont savourer dans l’ombre
Tout l’amour contenu dans la mort et la mer.
(Marguerite Yourcenar)
Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard
Il n’est plus rien
il est mort
ratatiné sous sa peau
Mettez sa tête sur
une chaise et ses
pieds sur une autre et
il sera là
comme un acrobate –
L’amour est vaincu. Il
l’a vaincu. C’est pourquoi
il est insupportable –
parce que
… il fait de l’amour
un hurlement contenu
d’angoisse et de défaite –
La nuit aux senteurs d’animal aux aguets
– tantôt proie tantôt chasseresse –
la nuit subtilise nos corps
pour mieux illuminer nos rêves.
La nuit au front de taureau,
aux mille banderilles scintillantes,
déploie sa cape aveugle devant nos yeux
pour mieux y planter la dague
des sommeils sans retours.
Dans mon rêve,
à la fois rêveuse et rêvée,
contenu et contenant,
je me transporte toute entière
dans un paysage sans ombre ni soleil.
Vacuité de l’abstrait
qui désintègre la forme
intellect agent secret
garde le reflet symbole
Elle était de la Balance,
moi je coulais au Verseau,
à chacun sa résonance
dans le contenu d’un mot.
Ne videz pas la parole,
tout est plein qui nous console,
mes chants seront de forêt,
d’anémones dans le vent
de mer et de parapets :
la forêt sera le chant.
Son léger de l’eau tombant dans un bassin plaintif, vert du gazon régulier…
vous êtes en ce moment l’univers entier pour moi,
car vous êtes le contenu plein et entier de ma sensation consciente.
Oh, le plaisir de ta venue,
Oh, l’impatience retenue,
Contenue, continue,
De ton baiser chagrin.
Oh, ta gorge d’espoir bombée
Ta présence du ciel tombée,
Dérobée, absorbée
Par mes voeux souverains.
Perce-neige des matinées
Dans la neige des destinées,
Fleur aimée, condamnée
Aux sources de mes mains.
Oh, battement des nuits prochaines
Fantôme-roi de mes domaines,
Oh, ma reine en neuvaine
Je suis ton pèlerin.