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Poésie

Posts Tagged ‘cordage’

JOUR (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Marc Chagall
    
JOUR

Jour, jour de notre rencontre,
temps nommé Épiphanie;
jour si fort qui vins, couleur
de moelle et de plein midi,
sans frénésie à nos pouls
tout tumulte et agonie,
tranquille comme le lait
des vaches portant sonnailles!

Jour à nous, par quel chemin,
forme sans pieds,
vint-il? Nous n’avons pas su,
n’avons pas veillé; nul signe
ne l’annonçait; nous n’avons pas
sifflé sur les collines;
il s’en venait en silence!

Tous les jours semblaient pareils;
tout à coup mûrit un Jour.
Jour pareil aux autres jours,
comme sont pareils roseaux
et sont pareilles olives
et pourtant, comme Joseph,
ne ressemblait pas à ses frères.

Ayons pour lui un sourire
parmi tous les autres jours
et qu’il les dépasse tous,
comme boeuf de grande taille
et le char devant les gerbes.

Béni soit-il des saisons,
que Nord et Sud le bénissent,
que son père l’an le choisisse
pour en faire mât de vie.

Ni rivière, ni pays,
ni métal; ce n’est qu’un Jour,
Parmi les jours des poulies,
des gréements, des blés sur l’aire,
parmi engins et besognes,

nul ne le voit, ni le nomme.
Fêtons-le et nommons-le,
en grâces à qui l’a fait
et gratitude de sol
et gratitude de l’air,
pour sa rivière d’eau vive
avant qu’il ne tombe en cendre,
en poudre de chaux moulue
et vers l’éternel déverse
son apparence de merveille.

Cousons-le à notre chair,
à nos coeurs et nos genoux
et que nos mains le pétrissent
et que nos yeux le distinguent,
qu’il brille pour nous de nuit
et nous fortifie de jour,
tels cordages pour les voiles,
tels points pour les blessures.

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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Le dieu de foudre (Bernard Manciet)

Posted by arbrealettres sur 24 juillet 2020



Le dieu de foudre ne se décèle
sinon de dos nef sur l’astre faible
tanguée elle te jette en éclats
proue obscure et trouble et prophétique

poupe bâtie de chant des cordages
et de la houle l’éclair t’embrasse
selon le pur nombre du naufrage
coupe et colombe tu resplendis

(Bernard Manciet)


Illustration: Aelbert Cuyp

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Complices (Thomas Vinau)

Posted by arbrealettres sur 24 septembre 2019




    
Complices

Nous sommes les complices
d’une grande et belle évasion
il y a celui qui aime
celui qui lit
celui qui écrit
celui qui rêve
celui qui refuse
celui qui plante
celui qui marche
celui qui joue
celui qui nie
celui qui apprend
celui qui doute
celui qui se moque
celui qui se saoule
celui qui dit non
nous sommes tous les complices
d’une grande et belle évasion
nous creusons des tunnels
nous tressons des cordages
nous prenons des notes
nous rusons nous savons
que les détours sont nécessaires
qu’il faut esquiver l’ordre des choses
qu’au bout il y a dehors
demain
dedans

(Thomas Vinau)

 

Recueil: Juste après la pluie
Traduction:
Editions: Alma

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LE PORT (Alfred de Vigny)

Posted by arbrealettres sur 9 août 2019



LE PORT

Une ancre sur le sable, un cordage fragile
Te retiennent au port et pourtant, beau vaisseau,
Deux fois l’onde en fuyant te laisse sur l’argile,
Et deux fois ranimé, tu flottes plus agile
Chaque jour au retour de l’eau!

Comme toi, l’homme en vain fuit, se cache ou s’exile :
La vie encor souvent le trouble au fond du port,
L’élève, puis l’abaisse, ou rebelle ou docile ;
Car la force n’est rien, car il n’est point d’asile
Contre l’onde et contre le sort.

(Alfred de Vigny)

Illustration

 

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DERNIER COULOIR (Georges Libbrecht)

Posted by arbrealettres sur 7 avril 2019


 


Ettore Aldo Del Vigo -   (29)

 

DERNIER COULOIR

Avant tout : joie de servir
et de chanter si tu l’aimes,
avant tout : le seul désir
d’être pareil à toi-même
aux plages de ton poème
et d’éterniser l’instant.
Etre, avant tout, du voyage,
ne pas marchander le temps,
s’acharner dans les cordages
contre marées, contre vents.
Avant tout, s’en dégager
même si le masque est d’or,
toujours visière levée,
les bras nus et sans épée,
en attendant de partir
avant tout : joie de servir.

(Georges Libbrecht)

Illustration: Ettore Aldo Del Vigo

 

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Maison sans racines (Andrée Chedid)

Posted by arbrealettres sur 15 novembre 2018



Maison sans racines

Engluée dans tes mailles
Vissée à tes ancrages
Couvant parures et biens

Je me défais de tes cordages
Te laisse à tes façades
A tes entraves de mille riens

Pour célébrer
La Maison sans racines
Entre ses murs dévêtus.

(Andrée Chedid)

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Double accès séquentiel (Linda Maria Baros)

Posted by arbrealettres sur 9 septembre 2018



Illustration: Konstantin Razumov
    
Double accès séquentiel

Au début, on cherche une paire d’yeux
et on y enfonce ses regards.
Peut-être que là-bas, dans les profondeurs,
il y a quelqu’un qui aboie,
tranche les têtes, tire les cordages.

On prend ensuite une paire de lèvres
et on dessine leur contour,
délicatement, avec le bout de la langue.

Puis, une paire de bras
qui ressemblent à quelques ailes endormies,
qui, tangentiels, par-dessus tes épaules,
sont en train de s’arquer.

Et à tout cela s’ajoutent la paire d’yeux,
la paire de lèvres, d’ailes endormies,
de cuisses, qui sont tiennes.

S’y ajoute ainsi, paire et sans paire, tout le reste,
jusqu’à ce qu’on arrive à une paire de coeurs.
qu’à ce qu’on arrive à se retrouver soi-même.

(Linda Maria Baros)

 

Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Traduction:
Editions: Bruno Doucey

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LE SIGNE (Jules Supervielle)

Posted by arbrealettres sur 6 mars 2018




    
LE SIGNE

Signe, étoile au creux de ma main
Que je cache et que je retiens.
Pour quelle profonde aventure
Quel navire diriges-tu?
Verrai-je un jour son équipage
Et toucherai-je ses cordages?
Donnez-moi vite ces hublots
Pour que j’y passe un peu la tête,
Timon, filins et matelots,
Tout ce qu’il faut dans la tempête
Aveugle étoile, chaude et douce,
Par un clin d’oeil ou quelque mousse
Descendu d’un mât dans les nues
Réponds-moi que tu m’as compris,
Étoile, larcin que je fis
Un jour, au plus fort du sommeil,
Aux nuits mangeuses de soleil.

(Jules Supervielle)

 

Recueil: Le forçat innocent suivi de Les amis inconnus
Traduction:
Editions: Gallimard

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Enfant qui t’en allais rêvant (Paul-Alexis Robic)

Posted by arbrealettres sur 28 janvier 2018



Enfant qui t’en allais rêvant
De navires appareillant
Voiles au clair, vers le grand large,

Enfant qui t’en allais chantant
Avec le vent gai des dimanches
Parmi les cordages les ancres,
Sur le port joyeux de partances
Au beau soleil de tes quinze ans,

Vois pourrir, mornes épaves
Rongées de sel, mangées d’algues,
Parmi les brumes et les pluies,
Les derniers bricks au fond des rades.

Fini, le merveilleux voyage
Aux archipels miraculeux.
Sur les poupes le nom s’efface,
Le vent grince dans les carcasses,
La souille s’ouvre, noire et froide,
Fini, tu peux fermer les yeux !

Ceux que jadis le vent chantant des grandes voiles
Emporta sur les mers,
Navigateurs aux mains de cuir, aux yeux de rêve,
Ils dorment maintenant près du clocher natal
Ou roulent à jamais dans la nuit sans étoiles.
Mais toi, l’enfant des villes,
Fils aimé de la solitude, pauvre enfant,
Garde-les dans ton coeur, ces noms
Chauds comme un soir des mers australes
Et plus doux que le vent des Iles
Dans la fraîcheur verte des palmes.

Belles routes de la mer
Toutes chantantes de neige
Sous le torride azur d’août,
C’est moi qui reviens vers vous
Par ces plages et ces grèves
Et ces sentiers de falaises
Où frissonnent le fenouil,
L’oeillet sauvage et la menthe,
Mais le reconnaîtrez-vous
Après tant de jours d’absence,
Belles du jardin des vagues,
O sirènes du grand large,
Ce vieux coeur lourd maintenant
D’un bruit d’ancres s’enfonçant
Dans les eaux du dernier havre ?

(Paul-Alexis Robic)

Illustration

 

 

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Pour délivrer ma vie de l’immobilité (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 5 novembre 2017



Illustration: Folon
    
Pour délivrer ma vie
de l’immobilité
j’ai fait de grands efforts, —
couvert de mes cordages
de mes voiles tombées
je gagnerai le port
que je n’ai pas quitté.

lmage de moi-même
oiseau forme cruelle
qui pars et qui reviens
dans l’odeur de la mer,
chaque tour de ton aile
m’accable de liens.
Couvert de mes cordages
de mes voiles tombées
je gagnerai la mort
qui ne m’a pas quitté.

(Jean Tardieu)

 

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