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Poésie

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Pour délivrer ma vie de l’immobilité (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 5 novembre 2017



Illustration: Folon
    
Pour délivrer ma vie
de l’immobilité
j’ai fait de grands efforts, —
couvert de mes cordages
de mes voiles tombées
je gagnerai le port
que je n’ai pas quitté.

lmage de moi-même
oiseau forme cruelle
qui pars et qui reviens
dans l’odeur de la mer,
chaque tour de ton aile
m’accable de liens.
Couvert de mes cordages
de mes voiles tombées
je gagnerai la mort
qui ne m’a pas quitté.

(Jean Tardieu)

 

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A travers les vergers (Lucien Becker)

Posted by arbrealettres sur 2 octobre 2017



 Illustration
    
A travers les vergers tu vas et tu viens
sans faire bouger une feuille,
sans déranger l’espace rempli d’abeilles
et l’herbe se relève sur ta foulée.

Le ciel ne pourra pas retrouver ta trace
parce qu’il n’est plus qu’un pan de vitre
cassé en mille morceaux dans les branches d’arbres
qui vont jusqu’à toucher amicalement ton front.

Nous ne pouvons nous guider dans la nuit
qu’en nous tenant aux cordages de rosée
tendus de plante haute en plante haute
sous le regard étonné de quelques pierres sans sommeil.

Dans l’air du matin mal assuré,
notre baiser est fait de verre brisé,
mais il remontera vite jusqu’à tes tempes
où toute la tendresse de la terre est déposée.

(Lucien Becker)

 

Recueil: Rien que l’amour
Editions: La Table Ronde

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Je ne sais plus aimer qu’avec la rage au cœur (Anna Gréki)

Posted by arbrealettres sur 25 mars 2017



Je ne sais plus aimer qu’avec la rage au cœur
C’est ma manière d’avoir du cœur à revendre
C’est ma manière d’avoir raison des douleurs
C’est ma manière de faire flamber des cendres
A force de coups de cœur à force de rage
La seule façon loyale qui me ménage
Une route réfléchie au bord du naufrage
Avec son pesant d’or de joie et de détresse
Ces lèvres de ta bouche ma double richesse

A fond de cale à fleur de peau à l’abordage
Ma science se déroule comme des cordages
Judicieux où l’acier brûle ces méduses
Secrètes que j’ai draguées au fin fond du large
Là où le ciel aigu coupe au rasoir la terre

Là où les hommes nus n’ont plus besoin d’excuses
Pour rire déployés sous un ciel tortionnaire
Ils m’ont dit des paroles à rentrer sous terre
Mais je n’en tairai rien car il y a mieux à faire
Que de fermer les yeux quand on ouvre son ventre

Je ne sais plus aimer qu’avec la rage au cœur
Avec la rage au cœur aimer comme on se bat
Je suis impitoyable comme un cerveau neuf
Qui sait se satisfaire de ses certitudes
Dans la main que je prends je ne vois que la main
Dont la poignée ne vaut pas plus cher que la mienne
C’est bien suffisant pour que j’en aie gratitude
De quel droit exiger par exemple du jasmin
Qu’il soit plus que parfum étoile plus que fleur
De quel droit exiger que le corps qui m’étreint
Plante en moi sa douceur à jamais à jamais
Et que je te sois chère parce que je t’aimais
Plus souvent qu’a mon tour parce que je suis jeune
Je jette l’ancre dans ma mémoire et j’ai peur
Quand de mes amis l’ombre me descend au cœur
Quand de mes amis absents je vois le visage
Qui s’ouvre à la place de mes yeux – je suis jeune
Ce qui n’est pas une excuse mais un devoir
Exigeant un devoir poignant à ne pas croire
Qu’il fasse si doux ce soir au bord de la plage
Prise au défaut de ton épaule – à ne pas croire…

Dressée comme un roseau dans ma langue les cris
De mes amis coupent la quiétude meurtrie
Pour toujours – dans ma langue et dans tous les replis
De la nuit luisante – je ne sais plus aimer
Qu’avec cette plaie au cœur qu’avec cette plaie
Dans ma mémoire rassemblée comme un filet

Grenade désamorcée la nuit lourde roule
Sous ses lauriers-roses là où la mer fermente
Avec des odeurs de goudron chaud dans la houle
Je pense aux amis morts sans qu’on les ait aimés
Eux que l’on a jugés avant de les entendre
Je pense aux amis qui furent assassinés
A cause de l’amour qu’ils savaient prodiguer

Je ne sais plus aimer qu’avec la rage au cœur

A la saignée des bras les oiseaux viennent boire

(Anna Gréki)

Illustration: Frida Kahlo

 

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Prosterné (Adonis)

Posted by arbrealettres sur 23 mars 2017



Prosterné
Je monte les membres éteints
Je rassemble mon coeur
dispersé dans mes extrémités
Je reviens au rêve
Je lève mon regard vers toi qui m’appelles :
« Tu as tardé mon aimé tu as tardé
Mon corps est une tente tu en es les cordages
et les piquets
Tu as tardé mon aimé… »

Liber libera phallus…

Un enfant dans mes habits appelle l’amour
Il pleure et s’étourdit
Epuisé il monte le chemin
Les arbres l’éclairent,
l’air est pour lui citadelle et grelot

(Adonis)

Illustration: Pascal Renoux

 

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