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Chant de rouge-gorge (Marie Noël)

Posted by arbrealettres sur 25 mai 2023




    
Chant de rouge-gorge

Au mois de mai j’avais le cœur si grand
Que pour l’emplir je me suis en allée
Cherchant l’amour sans savoir quelle allée,
Pour le rencontrer, quel chemin on prend…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du printemps, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

J’allais, j’allais. Où trouver de l’amour ?
Au bas de la côte, au faîte, derrière ?
Au fond du bois, au bout de la rivière ?
Ici, là-bas, à ce prochain détour ?…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
De l’été, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

Quand je le vis, je n’osai pas à temps
M’en approcher ou lui faire une avance;
Je l’attendais ouvrant mon cœur immense…
Il n’est tombé qu’une goutte dedans…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du soleil, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

Est-ce là tout, cette goutte, est-ce tout ?
Je voudrais bien recommencer l’année,
La goutte d’eau qui m’était destinée,
Je voudrais bien la boire encore un coup…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Des feuilles, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

Est-ce bien tout ?… Peut-être, dans un coin
Que j’oubliai, peut-être avant la neige,
Un peu d’amour encor le trouverai-je,
Peut-être ici, peut-être un peu plus loin…

Rouge-gorge, au fond du bois incolore,
Au bout des sentiers dont il te souvient,
Du bonheur, sais-tu s’il en reste encore ?
L’hiver vient…

(Marie Noël)

Recueil: Poètes d’aujourd’hui – Marie Noël
Editions: Pierre Seghers

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NEZAHUALCOYOTL (Miguel León-Portilla)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2023




NEZAHUALCOYOTL
    
Nulle part ne se trouve la maison de l’inventeur de soi-même.
Dieu, notre seigneur, est invoqué partout,
partout il est vénéré.
On cherche sa gloire, sa renommée sur terre.
Il est celui qui invente les choses,
celui qui s’invente soi-même : Dieu.
Partout il est invoqué
partout il est vénéré,
on cherche sa gloire, sa renommée sur terre.

Nul ne peut ici
nul ne peut être l’ami
de Celui qui donne vie :
seulement quand il est invoqué
à son côté
près de lui
on peut vivre sur cette terre.
Celui qui l’a trouvé
sait seulement ceci : invoqué
à son côté
près de lui
on peut vivre sur cette terre.

Nul en vérité
n’est ton ami,
ô toi qui donnes vie !
Ainsi qu’entre les fleurs
nous chercherions quelqu’un
ainsi nous te cherchons,
nous qui vivons sur terre
bien que nous soyons à ton côté.
Ton coeur se lassera
et pour peu de temps
nous serons avec toi, près de toi.

Celui qui donne vie nous rend fous,
nous enivre ici.

Nul sans doute ne peut être à son côté
être heureux, régner sur terre.

Toi seul altères les choses,
notre coeur le sait bien :
nul sans doute ne peut être à ton côté,
être heureux, régner sur terre.

traduit du Nahuátl

(Miguel León-Portilla)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Nous t’avons enterré hier (Jaime Sabines)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023




    

Nous t’avons enterré hier.
Hier nous t’avons enterré,
nous t’avons mis en terre.
Tu es dans la terre depuis hier.
Tu as de la terre partout
depuis hier.
Dessus, dessous, de tous côtés,
pour les pieds, pour la tête
de la terre depuis hier.
Nous t’avons mis en terre.
Nous t’avons recouvert de terre.
Tu appartiens à la terre
depuis hier.
Hier nous t’avons enterré
dans la terre, hier.

Tu ne peux pas mourir.
Sous la terre
tu ne peux pas mourir.
Sans eau et sans air
tu ne peux pas mourir.
Sans sucre, sans lait,
sans haricots, sans viande,
sans farine, sans figues,
tu ne peux pas mourir.

Sans femme ni enfant
tu ne peux pas mourir.
Sous la vie
tu ne peux pas mourir.
Dans ton trou de terre
tu ne peux pas mourir.
Dans ta boîte de mort.

Dans tes veines exsangues
tu ne peux pas mourir.

Dans ta poitrine vide
tu ne peux pas mourir.
Dans ta bouche sans feu
dans tes yeux sans personne
dans ta chair sans plainte
tu ne peux pas mourir
tu ne peux pas mourir
tu ne peux pas mourir.

Nous enterrerons ton costume,
tes souliers, ton cancer ;
tu ne peux pas mourir.
Nous enterrerons ton silence.
Ton corps cadenassé.
Tes cheveux si fins,
ta douleur enclose.
Tu ne peux pas mourir.

(Jaime Sabines)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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Nous, oiseaux en ce monde (Derviches anatoliens)

Posted by arbrealettres sur 4 avril 2023




    
Nous, oiseaux en ce monde,
volant de tous côtés,
nous passons

Mangeant les nourritures de Dieu,
buvant ses eaux,
nous passons

Sur notre route il y a un piège
qu’on appelle la mort

Aucune peur nous n’en avons,
ouvrant nos ailes
nous passons

(Derviches anatoliens)

Recueil: Poèmes des derviches anatoliens
Traduction: Guzine Dino,Michèle Aquien,Pierre Chuvin
Editions: Fata Morgana

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Depuis ma naissance (Edvard Munch)

Posted by arbrealettres sur 31 mars 2023



Illustration: Edvard Munch
    
Depuis ma naissance —
les anges de l’angoisse —
du chagrin — de la mort
m’ont accompagné dehors
quand je jouais —
m’ont accompagné dans
le soleil du printemps —
dans la splendeur de l’été —
— Ils ont été à mes côtés le soir
quand je fermais les yeux —
et m’ont menacé de mort de
l’enfer et du châtiment éternel —
Et il arrivait souvent que
je me réveille la nuit —
et regarde fixement, au comble
de l’angoisse, ma chambre
Suis-je en enfer

(Edvard Munch)

Recueil: Mots de Munch
Traduction: Hélène Hervieu
Editions: de la réunion des grands musées nationaux – Grand Palais

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LAMENTO (Gabriela Mistral)

Posted by arbrealettres sur 26 février 2023



Illustration: Marianne Clouzot
    
LAMENTO

Tout prend, dans ma bouche,
un goût persistant de larmes :
le pain de chaque jour, le chant
et jusqu’à la prière.

Je n’ai point d’autre office,
après celui de t’aimer en silence,
que cet office de larmes, dur,
que tu m’as laissé.

Yeux gonflés
de chaudes larmes!
Bouche triste et tremblante
où tout devient prière!

J’ai honte de vivre
dans cette lâcheté,
sans aller à ta recherche
ni réussir à t’oublier!

Un remords me fait saigner
de voir un ciel
que ne voient plus tes yeux,
de caresser des roses
nourries de tes os!

Chair misérable,
pulpe piteuse, accablée de lassitude
qui ne descend pas dormir à ton côté,
mais s’accroche, tremblante,
au sein impur de la vie!

(Gabriela Mistral)

Recueil: Poèmes choisis Prix Nobel de littérature 1945
Editions: Rombaldi

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SUR LE FLEUVE (Liú Zi Hui)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2023



Illustration: Dai Dunbang
    
SUR LE FLEUVE

Sur le fleuve à marée haute les vagues s’étendent au ciel,
De l’autre côté du fleuve, dans les arbres glacés le soir, monte le brouillard
Trois jours de vent du nord, personne ne traverse,
Au bout de la grève silencieuse et déserte, un bosquet de barques.

***

(Liú Zi Hui) (1101-1147)

Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise

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SUR L’AIR D’EN ENFONÇANT LES LIGNES ENNEMIES (Yàn Shu)

Posted by arbrealettres sur 21 janvier 2023



Illustration: Dai Dunbang
    
SUR L’AIR D’EN ENFONÇANT LES LIGNES ENNEMIES

Quand les hirondelles reviennent, c’est Sacrifice Nouveau,
Quand les fleurs de poiriers sont tombées, arrive Pure Lumière.
Au dessus du bassin, la mousse verte – trois ou quatre plaques,
Tout au fond du feuillage, un loriot jaune – un ou deux cris.
Aux jours qui s’allongent, le duvet volant s’allège.

Avec son charmant sourire, ma voisine du côté est me tient compagnie ;
Effeuillant les mûriers dans la sente, elle vient à ma rencontre :
Elle s’étonnait la nuit dernière d’un rêve de printemps étrange et beau,
Or voici qu’elle a été la meilleure au jeu des herbes ce matin ;
Son sourire illumine ses deux joues.

***

(Yàn Shu) (991-1055)

Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise

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SUR L’AIR D’UN BODDHISATVA D’AILLEURS (Li Yù)

Posted by arbrealettres sur 20 janvier 2023



Illustration: Dai Dunbang
    
SUR L’AIR D’UN BODDHISATVA D’AILLEURS

Sous des étincelles d’astres, par la lune assombrie,
enveloppée de brume légère,
C’est là une belle nuit pour vous rejoindre, mon Seigneur,
Chaussettes retirées pour gravir les marches parfumées,
Tenant à la main mes escarpins cousus d’or.

Du côté sud de la salle aux peintures vous voici ;
Là, une fois contre vous blottie toute tremblante :
Votre servante s’est donné du mal pour s’échapper,
S’il vous plait, laissez-vous bien aller à la tendresse.

***

(Li Yù) (937 – 978)

 

Recueil: Quand mon âme vagabonde en ces anciens royaumes Poèmes Song illustrés par Dai Dunbang
Traduction: du Chinois par Bertrand Goujard
Editions: De la Cerise

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Sourate des guérisons (Khayr al-Din al-Asadi)

Posted by arbrealettres sur 17 janvier 2023




    
Sourate des guérisons
(extrait)

Je me suis consumé comme bois d’agar dans le feu du repentir
sans avoir même atteint la terrasse du palais de notre union

la colombe de mon cœur a tressailli sous mes côtes
voyant les pièges posés en chaque lieu

une trombe couleur du crépuscule est tombée mais
l’éclair de l’espérance n’a pas lui

j’ai parcouru les quatre coins du monde en quête de soulagement à ma douleur
et j’ai trouvé le chagrin de la passion ivre. Inconsciente

ivre et la voix fanée, elle tisse des rêves de soie
fine et de brocart et elle glane des souhaits

mon ivresse s’est enivrée, ma voix s’est fanée et on est passé
au langage des signes

(Khayr al-Din al-Asadi)

***

Recueil: Poésie Syrienne contemporaine
Traduction:de l’Arabe par Saleh Diab
Editions: Le Castor Astral

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