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Le « fu » de la Chouette (Jia Yi)

Posted by arbrealettres sur 6 décembre 2022



Illustration: Shan Sa
    
Le « fu »* de la Chouette

Le grand homme ne fléchit pas.
Il reste droit au coeur de mille changements ;
Ils ne sont pour lui qu’une même compromission.
L’homme abêti s’enchaîne aveugle à la coutume
Et souffre sans fin comme un prisonnier qui s’engeôle.
Le sage sait plier au bel abandon des choses.
Il lie sa vie au rythme saint du Tao seul.
Mais voici la foule qui s’enténèbre
Dans la soif et la haine qui plombent leur coeur.
Limpide et calme, l’homme véritable
Trouve la paix céleste dans le Tao seul.
Écartant la sagesse, oublieux des formes,
Dégagé, hors du souci de soi, vif et sauvage,
Plein d’une ampleur vide, il vole sur les ailes du Tao.
Porté par le flux, il navigue à la proue du monde.
Il trouve repos sur les îlots du fleuve,
Libérant son corps au destin,
Départie des craintes égoïstes,
Sa vie est flottaison,
Sa mort est grand repos.
Dans le calme tranquille
Qui rappelle au coeur des printemps,
Une barque sans amarre au courant sans objet.
Il regarde la perle de vide que sa vie a sertie.
Son destin ajouré le libère du chagrin d’exister.

(Jia Yi)

(201-169)

(*Fu: poème chinois en prose)

Recueil: Nuages immobiles Les plus beaux poèmes des seize dynasties chinoises
Traduction: Alexis Lavis
Editions: l’Archipel

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Leçon ancestrale (Christian Bobin)

Posted by arbrealettres sur 26 novembre 2022



Leçon ancestrale, coutume venue de la nuit des temps :
attendre infiniment, mais sans rien attendre de personne.

(Christian Bobin)

 

 

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Quand parviendra-t-il à comprendre (Pûran Singh)

Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2021




    
Quand parviendra-t-il à comprendre

Nuit et jour
Il
Ne cessa de lutter
Avec les briques, le ciment, les pierres
Ne cessa de bâtir les maisons, les palais, les belles demeures des gens
Mais
Jamais il ne put fabriquer sa propre maison
Oui,
Il éleva ses enfants
Avec le blé, le riz et les légumineuses
Qu’il ramenait dans le pan de sa tunique
Il les fit éduquer et
Rêva
De les voir devenir de grands hommes.
Le rêve se réalisa
Ses enfants eurent des maisons, des palais, de belles demeures
En les contemplant
Il
Se mit à vaciller de joie
Et alla au temple
Commença à baiser les pieds
Des divinités qui s’y tenaient.
Je
Pleurai
Sur cette coutume qu’il avait faite sienne
Quand
Parviendra-t-il à comprendre
La différence entre les divinités du temple
Et
Ses efforts?

(Pûran Singh)

 

Recueil: Pour une poignée de ciel Poèmes au nom des femmes dalit (Intouchable)
Traduction: Traduit du Hindi par Jiliane Cardey
Editions: Bruno Doucey

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GHAZAL (Saadi)

Posted by arbrealettres sur 3 août 2018



GHAZAL

La douce amie, la compagne fidèle,
Qui ne la souhaite ? et moi comme les autres.
Aimer les belles est coutume ancienne,
Ce n’est pas moi qui l’ai mise à la mode.
Si tu prétends poursuivre la vertu,
Je te croirai, Dieu juge mieux que moi.
Mais si tu dis : d’amour n’ai nulle envie,
Pareil discours n’est pas digne de foi.
Une main douce et aimée est sans doute
Au coeur blessé le seul médicament.
De lèvre en lèvre fais tourner la coupe,
Apprends du ciel l’incessant mouvement.
Tu le sais bien, le monde ne vaut pas
Qu’on s’en soucie, prends ton plaisir d’amour;
Saisis l’instant, sachant que chaque jour
De ton futur c’est un jour qui s’en va.
Ne construis pas ta vie comme Saadi.
Le malheureux l’a bâtie sur du sable.
La mort te guette, plaisir des coeurs, amie,
Ne te mets pas déjà la mort dans l’âme.

(Saadi)

 

 

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Le chiffre (Jorge Luis Borges)

Posted by arbrealettres sur 23 juillet 2018



 

Le chiffre

L’amitié silencieuse de la lune
(je cite mal Virgile) t’accompagne
depuis, cette nuit, aujourd’hui perdue
dans le temps, cette soirée où tes yeux
vagues l’ont déchiffrée pour toujours dans
un jardin, un patio qui sont poussière.
Pour toujours ? Je sais qu’une fois quelqu’un
pourra te dire en toute vérité :
Tu ne reverras pas la lune claire.
Tu viens d’épuiser la somme des chances
que t’accorde le destin. Inutile
d’ouvrir toutes les fenêtres du monde.
Il est tard. Tu ne la trouveras plus.
Nous vivons découvrant et oubliant
cette douce coutume de la nuit.
Regarde. C’est peut-être la dernière.

(Jorge Luis Borges)

Illustration: Lori Earley

 

 

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Stances de l’impossible (Adamis Jamyn)

Posted by arbrealettres sur 7 mai 2018



 

Duy Huynh -  (44)

Stances de l’impossible

L’été sera l’hiver et le printemps l’automne,
L’air deviendra pesant, le plomb sera léger :
On verra les poissons dedans l’air voyager
Et de muets qu’ils sont avoir la voix fort bonne.
L’eau deviendra le feu, le feu deviendra l’eau
Plutôt que je sois pris d’un autre amour nouveau.

Le mal donnera joie, et l’aise des tristesses !
La neige sera noire, et le lièvre hardi,
Le lion deviendra du sang acouardi,
La terre n’aura point d’herbes ni de richesses ;
Les rochers de soi-même auront un mouvement
Plutôt qu’en mon amour il y ait changement.

Le loup et la brebis seront en même étable
Enfermés sans soupçon d’aucune inimitié ;
L’aigle avec la colombe aura de l’amitié
Et le caméléon ne sera point muable :
Nul oiseau ne fera son nid au renouveau
Plutôt que je sois pris d’un autre amour nouveau.

La lune qui parfait en un mois sa carrière
La fera en trente ans au lieu de trente jours ;
Saturne qui achève avec trente ans son cours
Se verra plus léger que la lune légère :
Le jour sera la nuit, la nuit sera le jour
Plutôt que je m’enflamme au feu d’un autre amour.

Les ans ne changeront le poil ni la coutume,
Les sens et la raison demeureront en paix,
Et plus plaisants seront les malheureux succès
Que les plaisirs du monde au coeur qui s’en allume.
On haïra la vie, aimant mieux le mourir
Plutôt que l’on me voie à autre amour courir.

On ne verra loger au monde l’espérance ;
Le faux d’avec le vrai ne se discernera,
La fortune en ses dons changeante ne sera,
Tous les effets de mars seront sans violence,
Le soleil sera noir, visible sera Dieu
Plutôt que je sois vu captif en autre lieu.

(Adamis Jamyn)

Illustration: Duy Huynh

 

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Tu vas devant le miroir (Jean-Louis Giovannoni)

Posted by arbrealettres sur 8 avril 2018



Illustration: René Magritte
    
Tu vas devant le miroir, et vois ce visage
où tu as coutume de vivre. Parfois, tu te demandes
si tu ne loges pas essentiellement dans ton regard.

(Jean-Louis Giovannoni)

 

Recueil: Les mots sont des vêtements endormis
Traduction:
Editions: Unes

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Je ne boirai pas de vin avec toi (Anna Akhmatova)

Posted by arbrealettres sur 11 octobre 2017



Je ne boirai pas de vin avec toi,
Parce que tu es un polisson.
Je le sais, c’est votre coutume
D’embrasser sous la lune la première venue.

Ici tout est calme et lisse,
Ici tout est béni de Dieu.
Ici rien ne nous oblige
A lever nos yeux trop clairs.

(Anna Akhmatova)

Illustration: Hippolyte Flandrin

 

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J’ai renoncé à ma douceur (Zelda)

Posted by arbrealettres sur 1 août 2017




    
J’ai renoncé à ma douceur, mais je ne recourrai pas
Au miel des devins.
J’ai renoncé à ma douceur, et ma maison est autre, autre,
Pourtant même à présent
L’écho de conversations s’en échappe
Les coutumes des fêtes s’y installent
Jusqu’aux tréfonds.
Je ne suis pas devenue esprit sifflant dans l’espace.
J’irai donc arroser cette corolle fragile
Lasse d’être assoiffée.
Sur sa route obscure le coeur fait des détours
Et s’en retourne à Dieu.

(Zelda)

 

Recueil: Anthologie de la poésie en hébreu moderne
Traduction: F. Kaufmann
Editions: Gallimard

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