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Posts Tagged ‘cravate’

La vie a noué sa cravate (Moshe Nadir)

Posted by arbrealettres sur 20 novembre 2019




    
La vie a noué sa cravate,
s’est aspergée d’eau de Cologne
et s’en est allée au théâtre.

Elle a chaussé ses lunettes
– la vie est un peu myope –
et s’est mise à observer la scène.

Au premier acte, sur le plateau,
c’était une fête exceptionnelle,
une fête comme elle n’en avait jamais vu.

Des amoureux apparaissaient
qui parlaient un langage tel que la vie, depuis qu’elle vit,
n’en avait jamais entendu.

Dieu, la vie ouït-elle jamais de pareils propos !
Au deuxième et au troisième acte survinrent des malheurs
si originaux que la vie dut ôter ses lunettes pour les essuyer.

Jamais, en nul lieu, en nul temps,
la vie n’avait vu des gens se comporter de cette façon.
Le rideau est tombé sur le dernier acte
et la vie a applaudi, crié bravo.

Quand la vie a quitté la représentation, il était déjà tard.
Elle a comparé ce qu’elle avait vu au théâtre
et en a conclu que la vie ne sait pas du tout vivre.
Qu’il lui faudrait, de temps à autre, faire un saut au théâtre
pour apprendre comment les gens se comportent,
afin de savoir quoi faire en des circonstances analogues.

Et, depuis lors, la vie va régulièrement au théâtre,
et la vie devient chaque jour plus intéressante,
meilleure, plus raffinée, plus dramatique.

(Moshe Nadir)

 

Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard

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Quand viendront les Rouges-Gorges (Emily Dickinson)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2019




    
« Quand viendront les Rouges-Gorges
Si je ne suis plus en vie
Donne au cravaté de Rouge
Une miette Commémorative.

Si dans mon sommeil profond
Je ne puis te dire merci,
Sache que je m’y essaie
Avec la lèvre de Granit! »

(Emily Dickinson)

 

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Respiration (Aya Cheddadi)

Posted by arbrealettres sur 15 janvier 2018



Illustration
    
Respiration

Le vent est ainsi
il ne regarde pas il emporte
Cessez vos simagrées
le vent ne regarde pas
Il ne sert à rien de s’agripper
à la rampe de la mosquée
chaque doigt cédera
ou de croire que vous pourrez rester
dans votre villa cité des Pins
éternellement
Le vent emporte
il ne distingue pas le mort du vivant
l’homme de la femme
la cravate de la semelle
petits tourbillons de poussière
ou bourrasques, tempêtes
sur les esquifs bleus et rouges
dans l’orage qui entrechoque les mondes
ou la vivacité d’un ciel clair

Le vent est magnanime
il fait place nette

(Aya Cheddadi)

 

Recueil: Tunis marine
Traduction:
Editions: Gallimard

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Souris grise et souriceau (Jean-Pierre Vallotton)

Posted by arbrealettres sur 24 mai 2017



Souris grise et souriceau

Une souris grise
repasse ses chemises

Un jeune souriceau
recoud son chapeau

Un rat d’opéra
reprise ses bas

Une souricette
lave ses chaussettes

Un petit rat d’hôtel
fixe ses bretelles

Une souris des champs
astique ses gants

Un joli raton
met son pantalon

Une souris blanche
retrousse ses manches

Un beau rat musqué
lace ses souliers

Une jeune rate
renoue sa cravate

Mais un vieux rat d’égout
ne fait rien du tout

(Jean-Pierre Vallotton)

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À deux heures du matin (Jean-Claude Demay)

Posted by arbrealettres sur 27 janvier 2017



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À deux heures du matin

À deux heur’ du matin lorsque les chaises volent
Lorsque les poignards luisent
Aux aubes qui ne naissent pas
Lorsque les coups de poing s’abattent sur nos crânes
Nous demandons toujours notre demi pression

Pressons pressons garçon pressons
Pressons pressons pressons pressons pressons
À trois heur’ du matin lorsque le sang s’écoule
Du copain effondré au ras et sur le zinc
Quand nos larmes ne coulent plus
Quand nous rêvons d’être dingues
Nous recommandons un demi pression
Pression
Et nous disons au garçon pressons pressons

Il y a toujours la Seine
Avec ses hanches lourdes
Quand la lune la mord
Et que là-bas au loin
La péniche glissant
S’en va devers le port

Alors
Nous allons
Et nous rentrons
Dans notre dernier bar
Pour le geste de l’Art
Et nous disons
Au garçon
Un demi pression
Un demi pression
Pressons pressons pressons pressons

En nous en retournant
Nous voyons déjà notre ombre
Et la foule qui court
Vers de viles besognes
Et la mort au soleil
Et le sang qui ruisselle
Le long de notre cravate

Nous pressons
Sa photo
Avant de sombrer dans
Le caniveau.

(Jean-Claude Demay)

 

 

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Les mains qui m’ont tenu (Guy Lévis Mano)

Posted by arbrealettres sur 19 décembre 2016



 

Lisa G.    -

Les mains qui m’ont tenu
ne m’ont pas retenu
il fallait du soleil sur les mains
et seule ma cravate en avait

hasard qui fait marcher les écrevisses à reculons
et fait lécher les pieds du radjah par le léopard

vois toutes ces mains que tu ordonnas
ne sont n’ont été que des mains
des mains qui ne m’ont pas retenu

(Guy Lévis Mano)

Illustration: Lisa G.

 

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NOTES POUR UN PLURIEL (Alain Bosquet)

Posted by arbrealettres sur 5 novembre 2016



NOTES POUR UN PLURIEL

L’aurore sait qu’il faut se vendre.
Là-bas, des fleuves
songeraient à tuer.
L’étoile, par contrat,
s’engage à devenir étoile.
Les choses :
cravate, carafon,
miroir où court la coccinelle,
complotent contre nous.
Les lilas se détestent.
Les neiges trichent.

(Alain Bosquet)

Illustration

 

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Chanson pour le roi de la nuit (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 13 octobre 2016



Connais-tu le Roi noir
qui a dans le coeur
une épée et des fleurs?

Connais-tu ses sœurs?

La première réveille le vent,
cheveux dénoués, les bras levés.

La seconde soulève l’océan :
Elle a cent ans.

La troisième est une souris
que le Roi pendit
à la cravate de son fils.

Trente princes jaloux,
un matin,
assassinèrent leur souverain.

Ceci est la triste histoire de
Malakou le Roi noir qui a
dans le cœur
trois fantômes qui pleurent.

(Edmond Jabès)

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Sans déranger personne (Alain Bosquet)

Posted by arbrealettres sur 31 juillet 2016



Sans déranger personne

Porte sur toi ton cimetière,
dans ton mouchoir,
sous ta cravate:
ainsi tu peux mourir,
si tu veux, au café, sur le trottoir,
dans le métro, à tout moment,
sans déranger personne.

(Alain Bosquet)

 

 

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Un chien, pour le séduire (Albert Cohen)

Posted by arbrealettres sur 30 juin 2016



Un chien, pour le séduire,
je n’ai pas à me raser de près ni à être beau,
ni à faire le fort,
je n’ai qu’à être bon.

Il suffira que je tapote son petit crâne
et que je lui dise qu’il est un bon chien,
et moi aussi.

Alors, il remuera sa queue
et il m’aimera d’amour avec ses bons yeux,

m’aimera même si je suis laid et vieux et pauvre, repoussé par tous,
sans papiers d’identité et sans cravate de commandeur,
m’aimera même si je suis démuni des trente-deux petits bouts d’os de gueule,

m’aimera, ô merveille, même si je suis tendre et faible d’amour.

(Albert Cohen)

 

 

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