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Posts Tagged ‘crucifié’

L’OMBRE (François Mauriac)

Posted by arbrealettres sur 13 octobre 2019



L’OMBRE

Aux jours où la chaleur arrêtait toute vie,
Quand le soleil, sur les labours exténués,
Pressait contre son coeur le vignoble muet,
A l’heure où des faucheurs l’armée anéantie
Écrasait l’herbe sous des corps crucifiés, —
Seul debout, en ces jours de feu et de poussière,
En face du sommeil accablé de la terre,
Assourdi par le cri des cigales sans nombre,
Je cherchais votre coeur, comme je cherchais l’ombre.

(François Mauriac)

Illustration: Catherine Thiam-Vernanchet

 

 

 

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Il est peut-être même le Juif authentique (Hilda Doolittle)

Posted by arbrealettres sur 24 janvier 2019



Christ de Vélasquez [800x600]

Les murs ne tombent pas
[19]

Il est peut-être même le Juif authentique
sorti de Vélasquez ;

ces paupières chez Vélasquez
sont baissées sur des yeux

qui, ouverts, méduseraient, dérouteraient
et nous frapperaient d’un ancien sentiment de culpabilité

et de peur, mais la terreur de ces yeux
voilés dans leur agonie est terminée ;

je t’assure que les yeux
du crucifié de Vélasquez

te regardent à présent dans les yeux,
et qu’ils sont ambre et qu’ils sont feu.

[20]

Or il apparaît clairement
que le Saint-Esprit,

mystérieuse énigme de l’enfance
est le Rêve ;

cette voie d’inspiration
est toujours ouverte,

et ouverte à tous ;

il agit en intermédiaire, interprète,

il explique les symboles du passé
en images d’aujourd’hui,

il fusionne l’avenir lointain
avec la plus lointaine antiquité,

énonce économiquement
en une simple équation-rêve

la plus profonde philosophie,
divulgue le secret de l’alchimiste

et suit le Mage
dans le désert.

***

He might even be the authentic Jew
stepped out from Velasquez;

those eye-lids in the Velasquez
are lowered over eyes

that open, would daze, bewilder
and stun us with the old sense of guilt

and fear, but the terror of those eyes
veiled in their agony is over;

I assure you that the eyes
of Velasquez’ crucified

now look straight at you,
and they are amber and they are fire.

Now it appears very clear
that the Holy Ghost,

childhood’s mysterious enigma,
is the Dream;

that way of inspiration
is always open,

and open to everyone;
it acts as go-between, interpreter,

it explains symbols of the past
in to-day’s imagery,

it merges the distant future
with most distant antiquity,

states economically
in a simple dream-equation

the most profound philosophy,
discloses the alchemist’s secret

and follows the Mage
in the desert.

(Hilda Doolittle)

Illustration: Velasquez

 

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LES CRUCIFIES (Jean Richepin)

Posted by arbrealettres sur 13 juillet 2018



Illustration: Edvard Munch
    
LES CRUCIFIES

Les vrais crucifiés, ce sont les amoureux.
Ils sont cloués vivants aux bras de la femelle;
L’épine dérisoire à leurs cheveux se mêle ;
Le sang perle en sueur sur leur front douloureux:

Et quand les rouges pleurs tombent de leurs yeux creux.
Aucun ange ne vient rafraîchir de son aile
La brûlure du trou béant à leur mamelle;
Un Dieu n’entr’ouvre pas le ciel exprès pour eux.

Pas même un bon larron ! Golgotha solitaire !
Le désespoir qu’ils ont au cœur, il faut le taire.
Ou, s’ils osent crier « Ijimma Sabacthani »,

Leur croix, la femme, au vent railleur se prostitue ;
Et, sentant qu’avec eux leur amour est fini,
Ils meurent en doutant de la foi qui les tue.

(Jean Richepin)

 

 

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Crâne crucifié (Guy Lévis Mano)

Posted by arbrealettres sur 24 avril 2018


 


 

bibliothèque

Crâne crucifié
tu connais des histoires chancelantes
aux précipices de tes oreilles

Dans les nuits les bibliothèques verrouillent leurs portes
et les feuilles des livres chassent les doigts

(Guy Lévis Mano)

Illustration: ArbreaPhotos
 

 

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Le feu de broussailles (Anne-Marie Kegels)

Posted by arbrealettres sur 10 juillet 2017



Le feu de broussailles

Couronnée de fumée
fouaillé par le vent,
il dansait comme un dieu.

Je me suis approchée.
J’aurais voulu tenir ses flammes
dans mon poing serré.

Pour qu’aux soirs à venir
crucifiés par le froid
je puisse porter à mes lèvres
sa cicatrice .

(Anne-Marie Kegels)

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LE POÈTE A SON AIMÉE (César Vallejo)

Posted by arbrealettres sur 28 novembre 2016



LE POÈTE A SON AIMÉE

Aimée, en cette nuit crucifiée tu t’es
sur les deux madriers cintrés de mon baiser;
et ta peine m’a dit que Jésus avait pleuré
et qu’il était un vendredi-saint plus doux que ce baiser.

En cette nuit étrange où tant regardé tu m’as,
la Mort fut joyeuse et a chanté dans son squelette.
En cette nuit de septembre on a célébré
ma seconde chute et le plus humain des baisers.

Aimée, nous mourrons côte à côte ; serrés l’un contre l’autre ;
éminente, notre amertume par intervalles se desséchera;
au fond de l’ombre, nos lèvres défuntes noyées se seront.

Alors, nulle trace de reproches dans tes yeux béats ;
alors, je ne t’offenserai plus. Alors, comme deux petits enfants
dans le tombeau, serrés l’un contre l’autre, nous nous endormirons.

***

EL POETA A SU AMADA

Amada, en esta noche tú me has crucificado
sobre los dos maderos curvados de mi beso;
y tu pena me ha dicho que Jesús ha llorado,
y que hay un viernesanto más dulce que ese beso.

En esta noche rara que tanta me has mirado,
la Muerte he estado alegre y ha cantado en su hueso.
En esta noche de setiembre se ha oficiado
mi segunda caída y el más humano beso.

Amada, moriremos los dos juntos, muy juntos;
se irá secando a pausas nuestra excelsa amargura;
y habrán tocado a sombra nuestros labios difuntos.

Y ya no habrán reproches en tus ojos benditos;
ni volveré a ofenderte. Y en una sepultura
los dos dos dormiremos, como dos hermanitos.

(César Vallejo)

Illustration: Odd Nerdrum

 

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Chanson pour le sein crucifié d’une nonne (Edmond Jabès)

Posted by arbrealettres sur 9 novembre 2016



On avait défendu aux fleurs l’entrée du couvent.
On ne peut rien contre une rose.
Une nonne la cultivait au secret.
Mais où, mais comment?
Quand on lui déchira la robe,
sœur Anne était en sang.
On effeuilla ses seins.
Elle priait nue, ses lèvres mortes.
Et deux colombes, ses mains jointes.
 » Sœur, ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir?  »
 » Je vois – répondit la terre – une rose jusqu’au toit  »
car, – mais ne l’aviez-vous pas deviné? –
pour étouffer le scandale, on avait
enterré la pécheresse en sandales.

(Edmond Jabès)

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Chêne amputé (Hermann Hesse)

Posted by arbrealettres sur 11 septembre 2016



Pauvre arbre, comme ils t’ont taillé!
Quelle étrange et triste figure!
Tu n’es plus, cent fois cisaillé,
Que défi, que volonté pure.

Comme toi tronqué, tourmenté,
Sans me briser, ma vie entière,
Jour après jour j’ai résisté,
Dressant mon front dans la lumière.

Ce qui fut en moi doux, sensible,
Le monde l’a crucifié.
Mais mon être est indestructible:
Je vis heureux, pacifié.

Je pousse mes feuilles nouvelles
Malgré mes rameaux douloureux,
Toujours, dans mes peines cruelles,
De ce monde absurdes amoureux.

**************

Gestutzte Eiche

Wie haben sie dich, Baum, verschnitten
Wie stehst du fremd und sonderbar!
Wie hast du hundertmal gelitten,
Bis nichts in dir als Trotz und Wille war!

Ich bin wie du, mit dem verschnittnen,
Gequälten Leben brach ich nicht
Und tauche täglich aus durchlittnen
Roheiten neu die Stirn ins Licht.

Was in mir weich und zart gewesen,
Hat mir die Welt zu Tod gehöhnt,
Doch unzerstörbar ist mein Wesen,
Ich bin zufrieden, bin versöhnt,

Geduldig neue Blätter treib ich
Aus Ästen hundertmal zerspellt,
Und allem Weh zu Trotze bleib ich
Verliebt in die verrückte Welt.

(Hermann Hesse)

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BÉGUINAGE FLAMAND (Georges Rodenbach)

Posted by arbrealettres sur 27 juillet 2016



BÉGUINAGE FLAMAND

I
Au loin, le Béguinage avec ses clochers noirs,
Avec son rouge enclos, ses toits d’ardoises bleues
Reflétant tout le ciel comme de grands miroirs,
S’étend dans la verdure et la paix des banlieues.

Les pignons dentelés étagent leurs gradins
Par où monte le Rêve aux lointains qui brunissent,
Et des branches parfois, sur le mur des jardins,
Ont le geste très doux des prêtres qui bénissent.

En fines lettres d’or, chaque nom des couvents
Sur les portes s’enroule autour des banderoles,
Noms charmants chuchotés par la lèvre des vents :
La maison de l’Amour, la maison des Corolles.

Les fenêtres surtout sont comme des autels
Où fleurissent toujours des géraniums roses,
Qui mettent, combinant leurs couleurs de pastels,
Comme un rêve de fleurs dans les fenêtres closes.

Fenêtres des couvents ! attirantes le soir
Avec leurs rideaux blancs, voiles de mariées
Qu’on voudrait soulever dans un bruit d’encensoir
Pour goûter vos baisers, lèvres appariées !

Mais ces femmes sont là, le coeur pacifié,
La chair morte, cousant dans l’exil de leurs chambres;
Elles n’aiment que toi, pâle Crucifié,
Et regardent le Ciel par les trous de tes membres !

Oh ! le silence heureux de l’ouvroir aux grands murs,
Où l’on entend à peine un bruit de banc qui bouge,
Tandis qu’elles sont là, suivant, de leurs yeux purs,
Le sable en ruisseaux blonds sur le pavement rouge.

Oh ! le bonheur muet des vierges s’assemblant !
Et comme si leurs mains étaient de candeur telle
Qu’elles ne peuvent plus manier que du blanc,
Elles brodent du linge ou font de la dentelle.

C’est un charme imprévu de leur dire « ma soeur »
Et de voir la pâleur de leur teint diaphane
Avec un pointillé de taches de rousseur
Comme un camélia d’un blanc mat qui se fane.

Rien d’impur n’a flétri leurs flancs immaculés,
Car la source de vie est enfermée en elles
Comme un vin rare et doux dans des vases scellés
Qui veulent, pour s’ouvrir, des lèvres éternelles !

II
Cependant, quand le soir douloureux est défunt,
La cloche lentement les appelle à complies
Comme si leur prière était le seul parfum
Qui pût consoler Dieu dans ses mélancolies !

Tout est doux, tout est calme au milieu de l’enclos;
Aux offices du soir la cloche les exhorte,
Et chacune s’y rend, mains jointes, les yeux clos,
Avec des glissements de cygne dans l’eau morte.

Elles mettent un voile à longs plis; le secret
De leur âme s’épanche à la lueur des cierges
Et quand passe un vieux prêtre en étole, on croirait
Voir le Seigneur marcher dans un jardin de Vierges !

III
Et l’élan de l’extase est si contagieux,
Et le coeur, à prier, si bien se tranquillise,
Que plus d’une, pendant les soirs religieux,
L’été répète encore les Ave de l’église.

Debout à sa fenêtre ouverte au vent joyeux
Plus d’une, sans ôter sa cornette et ses voiles,
Bien avant dans la nuit, égrène avec ses yeux
Le rosaire aux grains d’or des priantes étoiles !

(Georges Rodenbach)

Illustration: Winston Churchill

 

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Deux roses saignent mon cœur à blanc (Marina Tsvetaïeva)

Posted by arbrealettres sur 22 juillet 2016



 

Ils sont là, écrits dans la hâte,
Lourds d’amertume et de volupté.
Crucifiés entre l’amour et l’amour
L’instant, l’heure, le jour, l’année, le siècle.

Je l’entends, de par le monde – la tourmente,
Brillent à nouveau les lances des Amazones.
– Et moi, je serais incapable de tenir ma plume.
– Deux roses saignent mon cœur à blanc !

(Marina Tsvetaïeva)

Illustration

 

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