N’étranglez pas les singes
Ils me regardent
Leurs bras sont maigres comme les miens
Leur souffrance jumelle
Je suis gibbon de mot en mot
Chimpanzé, orang-outang, gorille
Macaque, babouin electrodisé
Bonobo
Pauvre poilu au cul pelé
Je suis l’encagé vif
Le mangeur de bananes
Le branleur grimaçant
Qui singe sa mort
Qui singe sa vie
Qui ne vaut pas une cacahuète
Pas un pet de ouistiti…
Homme noir
Homme blanc
N’étranglez pas les singes aux yeux verts
Ça m’arrache les poils du coeur
Ça m’arrache le sang du ventre
(Gérard Mordillat)
Recueil: Le linceul du vieux monde
Traduction:
Editions: Le temps qu’il fait
J’aime les gens qui doutent
Les gens qui trop écoutent
Leur cœur se balancer
J’aime les gens qui disent
Et qui se contredisent
Et sans se dénoncer
J’aime les gens qui tremblent
Que parfois ils nous semblent
Capables de juger
J’aime les gens qui passent
Moitié dans leurs godasses
Et moitié à côté
[Refrain]
J’aime leur petite chanson
Même s’ils passent pour des cons
J’aime ceux qui paniquent
Ceux qui sont pas logiques
Enfin, pas comme il faut
Ceux qui, avec leurs chaînes
Pour pas que ça nous gêne
Font un bruit de grelot
Ceux qui n’auront pas honte
De n’être au bout du compte
Que des ratés du cœur
Pour n’avoir pas su dire :
« Délivrez-nous du pire
Et gardez le meilleur »
[Refrain]
J’aime leur petite chanson
Même s’ils passent pour des cons
J’aime les gens qui n’osent
S’approprier les choses
Encore moins les gens
Ceux qui veulent bien être
Qu’une simple fenêtre
Pour les yeux des enfants
Ceux qui sans oriflamme
Et daltoniens de l’âme
Ignorent les couleurs
Ceux qui sont assez poires
Pour que jamais l’histoire
Leur rende les honneurs
[Refrain]
J’aime leur petite chanson
Même s’ils passent pour des cons
J’aime les gens qui doutent
Mais voudraient qu’on leur foute
La paix de temps en temps
Et qu’on ne les malmène
Jamais quand ils promènent
Leurs automnes au printemps
Qu’on leur dise que l’âme
Fait de plus belles flammes
Que tous ces tristes culs
Et qu’on les remercie
Qu’on leur dise, on leur crie :
« Merci d’avoir vécu
Merci pour la tendresse
Et tant pis pour vos fesses
Qui ont fait ce qu’elles ont pu »
Les pommes sont rouges ou jaunes
Dans le pommier vert
Comme des seins bien ronds
Dans un corsage de verdure
Le gui s’accroche aux branches
En colliers de perles blanches
Le ciel est bleu
Cela dépend des jours
Les pommes sont de reinette
Du Mans ou du Canada
De « gros-gars » ou de « lambeurre »
Dans le pommier vert
Nous les feront tomber dans l’herbe verte
Et nous les croquerons
Au « cul » du tonneau
De la chantepleure
Coule un cidre bien gouleyant
Dont l’odeur imprègne
L’air du cellier
Et nous en buvons
Une délicieuse bolée.
Au premier
rendez-vous
j’essaie d’avoir
l’air belle
drôle
intelligente
Je parle
de ce qu’il aime
de ce qu’il me dit aimer
Il me dit
qu’il n’en a rien à foutre
Il me dit
qu’il veut faire l’amour
Et tandis
que ses doigts
glissent
là où
aucun
autre
n’est
jamais allé
je me dis
que tout ça
n’est pas
très
raisonnable
Plus tard
Nous faisons..l’amour
à Amsterdam
Il y a
ses épaules
ses cheveux gris
les poils de son torse
son cul ferme
et ses yeux
parfois verts
parfois bruns
ses mains
son sourire
et sa queue courbée
(Samantha Barendson)
Recueil: L’Ardeur ABC poétique du vivre plus
Traduction:
Editions: Bruno Doucey
Comme deux orphelines nous allons déjeuner
nous prenons le thé nous donnons des baisers.
On dirait un jardin d’enfants, une colonie de vacances
mais on ne se distrait jamais assez
pour oublier son gros cul de maman.
Soleil !, cou coupé etc.
Soleil !, ketchup d’horizon de guillotine, etc.
Soleil ! cul de cyclope empalé au fer rouge, etc.
Pourquoi occupes-tu la moitié du ciel
Oisif
L’oeil vacant ?
Rends-toi utile !
Réchauffe le corps de mon amour
Dore-la
Côté face
Côté pile
Dore ses seins
Dore ses fesses
Ses bras, ses jambes, son ventre
Sans les brûler
Qu’elle reste partout
Couleur
De sa couleur
Et puis
Tire-toi !
Scram !
Get lost !
Va-t’en !
Go!
Laisse-nous seuls dans la nuit
Dans la douceur de la nuit
Dans la chaleur de la nuit
Dans la fraîcheur de la nuit
Entre les draps de la nuit
Laisse-moi
L’embrasser, la caresser, la pénétrer
Toucher ses yeux
Avant que mes doigts gèlent de vieillesse
(Jacques Roubaud)
Recueil: Je suis un crabe ponctuel
Editions: Gallimard
Ce n’est qu’un petit bout de bout de rêve
Petit bout de nez, de sein, de chemin
Le plus beau petit bout de fesse d’Ève
Petit bout de frange accroché à rien
Petit boute-en-train métropolitain
Mi prêt-à-porter mi chic parisien
Gauchissant du jean, basket en satin
C’est monsieur Claudel, c’est pas pour les chiens
Le collant qui danse bien plus qu’il ne tient
Chaud, dès le début du printemps, plus rien
Ventre de violon, gorge sans soutien
Miracle ! Miracle ! C’est que ça tient
Ce n’est qu’un petit bout de bousculance
Petit pas de deux dans le quotidien
Petit bout de cul posé sur deux jambes
Et qui n’en finit pas d’être aérien
Petit bouche-à-bouche au petit parfum
De petites lèvres aux dents de requin
De petits galops de cheval indien
Et de fleurs sauvages mais sans venin
Petit coup de foudre pour Jacques Bertin
Jacques de Bronckart, Jacques Brel et Jacques Machin
Petit coup de mauve au moindre chagrin
Miracle ! Le miracle c’est que ça tient
Ce n’est qu’un petit bout de bout de sexe
De mémoire d’homme nul n’avait vu
Petit bout de bout de petite sève
De petits jardins si bien suspendus
Petit porte-monnaie pour les copains
Petit porte-drapeau pour les Chiliens
Venus de la côte du Cotentin
Voir ce qui fait courir les Parisiens
Ne me demandez pas à quoi ça tient
L’amour d’une femme, je n’en sais rien
Petit bout de Dieu, croix sur le chemin
Miracle ! Le miracle c’est que ça tient (x3)
C’est peut-être à coup de châtaigne qu’on devient marron
C’est peut-être à coup de bonbaine qu’on devient neutron
C’est peut-être à coup de canon qu’on se fait un bâton de maréchal
Une veuve joyeuse, une gueule cassée deux étoiles
C’est peut-être en débitant du saucisson qu’on fait fortune dans la chanson
Faudra que j’essaye avec Fanon…
C’est peut-être à petits coups de blanc qu’on devient poivrot
C’est peut-être à petits coup de dents qu’on devient salaud
C’est peut-être à coup de métro qu’on se fait une gueule de parigot
Qui ne pense plus qu’à sa voiture à son frigo
C’est peut-être en montrant le fond de son pantalon
Qu’on fait son trou dans la chanson
Faudra que j’essaye avec Fanon…
C’est peut-être par la calotte qu’on devient païen
C’est peut-être par la culotte qu’on devient putain
C’est peut-être par le calot qu’on devient crétin
par le culot qu’on devient quelqu’un
Qui ne fait rien de ses deux mains
C’est peut-être en chantant mon cul sur la commode
Qu’on se fait une chanson à la mode
Faudra que j’essaye avec Fanon…
C’est peut-être au chapeau qu’on voit l’homme d’affaires
C’est peut-être aux affaires qu’on voit le gangster
C’est peut-être à coup d’oseille qu’on se fait sa place au soleil
A coup de baise-main qu’on se fait un lit à baldaquin
C’est peut-être en marchant sur les mains des copains
Qu’on se fait un nom dans la chanson
Faudra que j’essaye avec Fanon…
C’est peut-être en forgeant qu’on devient forgeron
C’est peut-être en ahanant qu’on devient bûcheron
C’est peut-être en bourlinguant qu’on devient matelot
A coup de faucille qu’on devient marteau,
A coup de marteau qu’on fait le gros dos
C’est peut-être à coup de chansons sans concession
Qu’on fait sa petite révolution chez les rois loups de la chanson
C’est peut-être à cause d’une chanson
Qu’en une nuit comme des champignons
Poussent les amis qui font la rime à mes chansons.
Je suis un homme maintenant
et pourrais être militaire
et quand on me dit de parler
je sais pourquoi je dois me taire
Quoique me sentant peu au monde
je dis bonjour ça va bonsoir
à mes semblables que je croise
et qui me le rendent parfois
Certes je sais que mon royaume
est bien de ce monde Voilà
ce qui m’embarrasse plutôt
je récupère mal le temps
que j’ai passé à faire l’âne
en laissant ma pauvre maman
s’occuper à torcher mon cul
à me donner le sein si tant
il est vrai qu’elle fit ce geste
de laiteuse et pâle tendresse.