Toute cette histoire au fond, qui prend fin,
qui prend date sans nous concerner :
les grands sapins qui furent neige,
ce que l’on peut nommer, je crois, d’émotion blanche,
et qui ne s’achevait que dans le soir.
Toi, tu étais fait de soleil,
tu étais fait de miel et d’enfance.
Est-ce que cela s’avoue,
est-ce que cela se compte :
les pas qui tremblent, le regret, le silence
et puis le désespoir;
dans un crépuscule qui n’en finissait pas de t’attendre ?
Et
Pouvait-on parler d’étoiles de musique
quand la fête aux gants rouges
s’était tellement ouverte sur ton épaule ?
A moins d’être la pierre,
sommes-nous jamais assez vêtus
pour l’ombre !
(Claude de Burine)
Recueil: Le Passeur Passeur
Editions: Saint Germain des Prés
Dans la pierre sont
gravés Une date et un
nom Si je m’attarde un
peu A l’orée des grands
bois Le vent souffle la
voix D’une petite fille
Qui joue à la marelle
(Franck Bouysse)
Recueil: Fenêtre sur Terre
Traduction:
Editions: Phébus
Ton temps têtu te tatoue.
T’as-ti tout tu de tes doutes ?
T’as-ti tout dû de tes dettes ?
T’as-ti tout dit de tes dates ?
T’a-t-on tant ôté ta teinte ?
T’a-t-on donc dompté ton ton ?
T’as-ti tâté tout téton ?
T’as-ti tenté tout tutu ?
T’es-ti tant ? T’es-ti titan ?
T’es-ti toi dans tes totaux ?
Tatata, tu tus ton tout.
(Norge)
Recueil: Les poèmes ont des oreilles
Traduction:
Editions: Rue du Monde
Je garde une médaille d’elle où sont gravés
une date et les mots : prier, croire, espérer.
Mais moi, je vois surtout que la médaille est sombre :
son argent a noirci sur son col de colombe.
Présence minérale
des étoiles.
Sommeil impénétrable.
Qui se réveille meurt
et vit celui qui dort.
Lit céleste. Eau
nues en voyage, oiseaux
sur des pins en voyage,
en plein vol. Tout contre
cette marée de pierre,
l’écriture flottante
et légère des dates.
lci sortent les branches
des bombax qui traduisent
en siècles les millénaires
des pierres endormies.
Eclair de sommeil,
tonnerre de silence.
Et l’homme ?
Il n’est pas où il est tombé,
il n’y a là que son énigme.
De qui pinçait tes cordes étrangères,
Ce coeur, autant qu’il semble, n’a plus cure :
D’où vient dès lors l’émoi que tu réveilles
En mon esprit chagrin, vieille guitare?
C’est comme si le chaleureux soleil
S’attardait encore au fin fond du val
Après que des nues d’orage et de nuit
En auraient offusqué le globe père.
C’est comme si le miroir du ruisseau
Toujours retenait l’image des saules
Encor que la hache eût de longue date
Couché leurs cheveux d’argent dans la poudre.
Pareillement, guitare, ta magie
A fait jaillir les pleurs, éveillé le soupir,
Enjoint à l’ancien torrent de couler
Quand la source même en était tarie!
***
FOR HIM WHO STRUCK THY FOREIGN STRING
For him who struck thy foreign string,
I ween this heart hath ceased to care;
Then why dost thou such feelings bring
To my sad spirit, old guitar?
It is as if the warm sunlight
In some deep glen should lingering stay,
When clouds of tempest and of night
Had wrapt the parent orb away.
It is as if the glassy brook
Should image still its willows fair,
Though years ago the woodman’s stroke
Laid low in dust their gleaming hair.
Even so, guitar, thy magic tone
Has moved the tear and waked the sigh,
Has bid the ancient torrent flow
Although its very source is dry!
(Emily Brontë)
Recueil: Poèmes
Traduction: Pierre Leyris
Editions: Gallimard