Être libre une heure seulement !
Libre, loin !
Comme des chants nocturnes dans les sphères célestes.
Et voler très haut au-dessus des jours,
voilà ce que je voudrais
et chercher l’oubli […]
au-dessus des eaux sombres
glaner des roses blanches,
donner à mon âme des ailes
et, oh Dieu, ne plus rien savoir
de l’amertume des longues nuits
où les yeux s’ouvrent grand d’étonnement
devant la détresse sans nom.
Des larmes sur mes joues
témoignent des nuits de démence,
du bel espoir délirant,
du souhait de briser les chaînes
et de m’abreuver de lumière […]
Voir la lumière une heure seulement !
Être libre une heure seulement !
***
BEWEGUNG DES HERZENS
Nach grauen Tagen
Eine einzige Stunde frei sein!
Frei, fern!
Wie Nachtlieder in den Sphdren.
Und hoch fliegen über den Tagen
m6chte ich
und das Vergessen suchen […]
über das dunkle Wasser gehen
nach weißen Rosen,
meiner Seele Flügel geben
und, oh Gott, nichts wissen mehr
von der Bitterkeit langer Nächte,
in denen die Augen groß werden
vor namenloser Not.
Tränen liegen auf meinen Wangen
aus den Nächten des Irrsinns,
des Wahnes schöner Hoffnung,
dem Wunsch, Ketten zu brechen
und Licht zu trinken […]
Eine einzige Stunde Licht schauen!
Eine einzige Stunde frei sein!
(Ingerborg Bachmann)
Recueil: Toute personne qui tombe a des ailes
Traduction: Françoise Rétif
Editions: Gallimard
Nos corps se rapprochent l’un de l’autre
Tandis que tu parles à la grève
Déserte et sinistre
Dans les espaces mythiques
De la frayeur et de la démence
Où se joue notre destin
Ton regard de sorcière
Dévoile mon passé
Dans l’au-delà du temps
Ou derrière l’instant présent
Je ferme les yeux pour voir en moi
Mais tu ouvres ton vêtement
D’un seul geste rapide
Halte du vent
L’été répand ses couleurs sur l’herbe
Mais dans la détresse de notre regard
Le navire sombre à l’horizon
Alors qu’au-dessus du rivage
Le ciel écarte ses nuages
Pour laisser sortir
Un peu de soleil
Pour une courte bénédiction
Pauvres de nous ! Notre esprit? — Une torche éclairant
dans la brume
Notre canot ballotté sur l’océan des douleurs ;
Notre bonheur? — L’ignorance, le rêve, l’informe démence :
Une bougie pour l’enfant, pour le jeune homme l’amour.
(Anton Delvig)
Recueil: Le soleil d’Alexandre Le Cercle de Pouchkine
Traduction: André Markowicz
Editions: Actes Sud
Suffit-il donc que tu paraisses
De l’air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
O forte et douce comme un vin
Pareille au soleil des fenêtres
Tu me rends la caresse d’être
Tu me rends la soif et la faim
De vivre encore et de connaître
Notre histoire jusqu’à la fin
C’est miracle que d’être ensemble
Que la lumière sur ta joue
Qu’autour de toi le vent se joue
Toujours si je te vois je tremble
Comme à son premier rendez-vous
Un jeune homme qui me ressemble
Pour la première fois ta bouche
Pour la première fois ta voix
D’une aile à la cime des bois
L’arbre frémit jusqu’à la souche
C’est toujours la première fois
Quand ta robe en passant me touche
Ma vie en vérité commence
Le jour où je t’ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m’a montré la contrée
Que la bonté seule ensemence
Tu vins au cœur du désarroi
Pour chasser les mauvaises fièvres
Et j’ai flambé comme un genièvre
À la Noël entre tes doigts
Je suis né vraiment de ta lèvre
Ma vie est à partir de toi
Suffit-il donc que tu paraisses
De l’air que te fait rattachant
Tes cheveux ce geste touchant
Que je renaisse et reconnaisse
Un monde habité par le chant
Elsa mon amour ma jeunesse
Je te croyais loin, et tout près de ma tristesse
Tu cueillais des iris violets
Dans l’étroit jardin aux verdures veloutées
Qu’une promesse de beau soir caresse.
Les fleurs montent comme des étoiles
Dans le doux ciel vert
Qu’elles sèment de mauves et roses lumières,
Et je comprends que c’est toi,
La fée blonde, qui appelle les astres
Si longs à fleurir
Dans la haute prairie diaphane, si vaste
Que tout mon rêve y peut tenir.
Oui, la fée blonde appelle les terres
Et les soleils, fleurs et lettres de l’infini,
Afin qu’un dément, pour une heure son ami,
Puisse lire quelques signes des grands mystères.
sous tes étoiles blanches
tends-moi ta blanche main.
mes mots qui sont des larmes
dans ta main désirent repos.
vois leur éclat s’assombrir
sous mon regard encavé,
aucun abri je ne trouve
pour en retour te les offrir.
mais je voudrais, dieu familier,
te léguer mes possessions,
car en moi brûle un feu
et en le feu mes journées.
toujours entre caves et trous
pleure ce calme meurtrier.
grimpant plus haut – dessus les toits
je te recherche : où es-tu, où ?
me pourchassent avec démence
arrière-cours, escaliers criards.
pendu en corde de violon rompue
pour toi pourtant je chante encore :
sous tes étoiles blanches
tends-moi ta blanche main.
mes mots qui sont des larmes
dans ta main désirent repos.
***
Unter dayne vayse shtern
unter dayne vayse shtern
shtrek tsu mir dayn vayse hant.
mayne verter zaynen trern,
viln ruen in dayn hant.
ze, es tunklt zeyer finkl
in mayn kelerdikn blik,
un ikh hob gornit keyn vinkl
zey tsu shenken dir tsurik.
un ikh vil dokh, got, getrayer,
dir fartroyen mayn farmeg,
vayl es mont in mir a fayer
un in fayer mayne teg.
nor in keler un in lekher
veynt di merderishe ru.
loyf ikh hekher – iber dekher
un ikh zukh: vu bistu, vu?
nemen yogn mikh meshune
trep un hoyfn mit gevoy.
heng ikh a geplatste strune
un ikh zing tsu dir azoy:
unter dayne vayse shtern
shtrek tsu mir dayn vayse hant.
mayne verter zaynen trern
viln ruen in dayn hant.
***
אונטער דײַנע ווײַסע שטערן
אונטער דײַנע ווײַסע שטערן
שטרעק צו מיר בײַן װײַסע האַנט.
מײַנע װערטער זײַנען טרערן
װילן רוען אין דײַן האַנט.
זע, אעס טונקלט וײער פֿינקל
אין מײַן קעלערדיקן בליק
און איך האָב גאָרניט קײן װינקל
זײ צו שענקען דיר צוריק.
און איך װיל דאָך, גאָט, געטרײַער,
דיר פֿאַרטרױען מײַן פֿאַרמעג.
װײַל אעס מאָנט אין מיר אַ פֿײַר
און אין פֿײַער מײַנע טעג.
נאָר אין קעלער און אין לעחער
װײנט די מערדערישע רו.
לױפֿ איך העחער – איבער דעחער
און איך זוך: װוּ ביסטו, װוּ?
נעמען יאָגן מי משונה
טרעפ און הױפֿן – מיט געװױ.
הענג איך אַ געפלאַצטע סטרונע
אין איך זינג צו דיר אַזױ:
אונטער דײַנע ווײַסע שטערן
שטרעק צו מיר בײַן װײַסע האַנט.
מײַנע װערטער זײַנען טרערן
װילן רוען אין דײַן האַנט.