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LE MONT SAINT-MICHEL (Roger Bevand)

Posted by arbrealettres sur 16 mai 2023




    
LE MONT SAINT-MICHEL

C’est un gros rocher noir debout sur l’océan,
Le sombre diadème d’un Neptune géant,
L’épée d’un dieu fichée sur la grève atlantique.

C’est la flèche élevée en prière phallique,
Le menhir orgueilleux des rêveries celtiques,
Le fantasme sacré d’un vieil abbé dément.

C’est l’hommage de granit à l’archange Michel,
L’improbable totem aux gargouilles de sel,
Un vieux vaisseau-fantôme échoué sur la plage.

C’est le phare déserté tombé du fond des âges,
Un bout de paradis oublié aux rivages
Tout au creux d’une baie où la mer étincèle.

C’est l’abbatiale bâtarde, et gothique et romane,
Ses voûtes dessinées par la foi artisane,
Ses vitraux bégayant leurs lueurs marines.

C’est le cloître-jardin des orants de matines,
Les salles de la Merveille aux cheminées malouines,
Et les cryptes enterrées sous la pierre chamane.

C’est le lieu de mystère et d’indolente brume
Que le soleil oublie quand les cierges s’allument
Mais que l’on aperçoit des marches de Bretagne

Quand on chemine seul, pèlerin de hasard,
Et que soudain le Mont se donne à nos regards,
Serti comme un diamant dans sa gangue océane.

(Roger Bevand)

Recueil: Le Damier 6
Editions: France Europe

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PRIÈRE DE LA DÉMENTE (Claude de Burine)

Posted by arbrealettres sur 25 février 2023




    
PRIÈRE DE LA DÉMENTE

Et que je brûle en mer
M’apaise enfin dans ma légende
Sur un rivage qu’enchanterait
L’histoire inutile des vagues.

O Dieu
Enlève-moi le feu
Et dis-moi qu’il est bien
Que l’amandier fleurisse
Qu’il me faut accepter sa chance
Sans que j’aie faim à manger la terre
Pour devenir une fois
Sa femme de printemps

O Dieu
Guéris mon corps
De la blessure de l’homme
Préserve-le
D’être sous son baiser
Etang, forêt, marée

Permets que nous dormions ensemble
Nus
Ce n’est pas vrai
Que j’ai crié son nom
J’arracherais plutôt mes lèvres
Avec le vent
Si le vent voulait encore de moi.

Il venait
Je le touchais
Sous le manteau de sortilèges
Je descendais de lui
Comme on descend des rois.

O Dieu
Emporte-moi
Donne-moi
Juste assez de rosée
Juste assez de soif

Je ne veux être qu’une enfant triste
Qui regarde le couchant s’éteindre
Dans la candeur de ses doigts

(Claude de Burine)

Recueil: Hanches
Editions: Saint Germain des Prés

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Des hauts pays de froidure (Albertine Sarrazin)

Posted by arbrealettres sur 1 novembre 2022



Illustration
    
Des hauts pays de froidure
Je frissonne bien souvent

Du vent qui traîne dément
Sa souffrance crue et pure

De ses défunts monuments
Mi-larmier mi-ossature

Seule rêverie sûre
Se laisser infiniment

Dans la glissante verdure
Pacotille d’océan

Au baiser douce gerçure
Que d’être amoureusement

(Albertine Sarrazin)

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Fidélité (Birago Diop)

Posted by arbrealettres sur 6 mars 2020


phalene2

 

Les phalènes
Sont folles
Qui voltent et qui volent
A perdre haleine,
Qui volent et se collent
Sur la lampe à pétrole…
Ces phalènes sont folles.

Et le vent est dément
Qui sait un chant
Un chant touchant,
Qui sait un chant touchant
Qu’il siffle sur deux temps
Et le souffle en sifflant
Aux feuilles doucement…
Le vent est bien dément.

Mais le poisson
Lui qu’est-il donc
Est-il fou est-il sage
Qui naît et nage
Qui file gaiement
Qui file et va
Qui va et s’ébat
Qui s’ébat bêtement
Dans l’eau qui le cuira?

Moi suis-je fou
Qui crois à tout
Qui crois en toi
Moi qui crois tout en toi?
Mais suis-je fou
Moi qui écoute tout
Qui écoute ta voix
Moi qui t’écoute
Qui t’écoute toute?

Les phalènes sont folles
Et le vent est dément…
Mais le poisson et moi
Sommes-nous fous vraiment?

(Birago Diop)

 

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Plus bas (Alain Veinstein)

Posted by arbrealettres sur 7 septembre 2019



 


   
Plus bas

Quand l’obscurité me paraît céder en un point,
blanchir un peu de lumière,
c’est toujours un effet sans lendemain.
J’ai beau suivre les points brillants
dans la pénombre,
j’arrive chaque fois en bas
et chaque fois, de plus en plus bas,
là où je risque de ne plus prendre part à la vie.

Depuis le temps, j’aurais dû m’en douter:
c’est comme ça –

je finis toujours par m’abandonner
à des idées noires
comme si l’obscurité me saisissait en plein jour
et n’avait cessé depuis l’enfance
d’effriter la terre dans mes mains,
quand bien même je travaillerais,
avec l’obstination d’un dément,
essayer de rendre les choses plus visibles.

(Alain Veinstein)

 

Recueil: Voix seule
Traduction:
Editions: Seuil

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À TU ET À TOI (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 15 avril 2019




Illustration: Josephine Wall
    
À TU ET À TOI

Toi qui n’es rien ni personne
toi
je t’appelle sans te nommer
car tu n’es pas le dieu
ni le masque scellé sur les choses,
mais les choses elles-mêmes
et davantage encore : leur cendre, leur fumée.

Toi
qui es tout,
qui n’es plus, qui n’es pas :
peut-être seulement
l’ombre de l’homme
qui grandit sur la paroi de la montagne
le soir.

Toi qui te dérobes et fuis
d’arbre en arbre
sous le portique interminable
d’une aurore condamnée
d’avance.

Toi
que j’appelle en vain
au combat de la parole
à travers d’innombrables murmures
je tends l’oreille
et ne distingue rien.

Toi qui gardes le silence
toujours
et moi qui parle encore
avant de devenir sourd et aveugle
immobile muet
(ce qui est dit : la mort),
Je vais hors de moi-même en tâtonnant
cherchant ce qui peut me répondre,
«toi »,
peut-être simplement
le souffle de ma bouche
formant ce mot.

Toi
je te connais je te redoute
tu es la pierre et l’asphalte
les arbres menacés
les bêtes condamnées
les hommes torturés.

Tu
es le jour et la nuit
le grondement d’avions invisibles
pluie et brume
les cités satellites
perspectives démentes
les gazomètres les tas d’ordures
les ruines les cimetières
les solitudes glacées je ne sais où.

Tu
grognes dans les rumeurs épaisses
des autos des camions des gares
dans le hurlement des sirènes
l’alerte du travail
les bombes pour les familles.

Tu
es un amas de couleurs
où le rouge se perd devient grisaille
tu es le monceau des instants
accumulés dans l’innommable,
la boue et la poussière,
Tu ne ressembles à personne
mais tout compose ta figure.

Tout :
le piétinement des armées
la masse immense de la douleur
tout ce qui pour naître et renaître
s’accouple à l’agonie,
même les prés délicieux
les forêts frissonnantes
la folie du soleil l’éphémère clarté
le roulement du tonnerre les torrents.
tout
cela ne fait qu’un seul être
qui m’engloutit : je vais du même pas
que les fourmis sur le sable.

Toi
je te vois je t’entends
je souffre de ton poids sur rues épaules
tu es tout : le visible.
l’invisible.
connaissance inconnue
et sans nom.
Faut-il parler aux murs ?
Aux vivants qui n’écoutent pas
A qui m’adresserai-je
sinon à un sourd
comme moi ?

Tu
es ce que je sais,
que j’ai su et oublié,
que je connais pourtant mieux que moi-même,
de ce côté où je cherche la voie
le vide où tout recommence.

(Jean Tardieu)

 

Recueil: L’accent grave et l’accent aigu
Traduction:
Editions: Gallimard

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A UNE DEMOISELLE (George Bacovia)

Posted by arbrealettres sur 1 avril 2019



A UNE DEMOISELLE

A toute heure la demoiselle lit,
Elle pianote, aime la peinture,
Et veille la nuit, sans en avoir cure,
Et c’est pourquoi, sans doute, elle maigrit.

On croit savoir, et même l’on prétend —
Mais cela reste une chose secrète —
La demoiselle rêve à un poète,
Fort bizarre, solitaire, et dément.

(George Bacovia)

Illustration: Delphin Enjolras

 

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SUR L’ILE AUX OISEAUX (Kenneth White)

Posted by arbrealettres sur 15 juillet 2018



 

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SUR L’ILE AUX OISEAUX

Né du moi confus
du corps troublé et de l’esprit dément
né des pages du savoir
jetées au vent
né du vol de la mouette rieuse
et des échos de son cri
né des images embrasées
dans le sombre océan de la nuit
né de tant de contradictions
glace brûlante et feu gelé
le blanc, le vide, le nu
c’est cela que j’ai toujours recherché

***

Out of the personal chaos
the vagaries of body and mind
out of the leaves of knowledge
cast on the wind
out of the laughing gull’s throat
and the knife-edge of its flight
out of the blaze of images
in the black sea of night
out of the many contradictions
as of burning ice and frozen fire
the white, the empty, the naked
is what I desire

(Kenneth White)

Illustration
 

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EST-CE DE L’AMOUR (Attila József)

Posted by arbrealettres sur 14 juin 2018



Illustration: Bernard Fideler
    
EST-CE DE L’AMOUR

Qu’on te regarde… et de fureur,
Mes rudes poings veulent s’abattre.
Je hais le goût du miel douceâtre.
Seul ton visage est baigné de splendeur.

Que me vaut le vent de la vie, infâme peste !
Je méprise des yeux tout l’horizon céleste.
Et quand il faut pleurer… tarde, tarde mon pleur.
Et tout sentiment m’abandonne.
Suis-je amoureux?… je ne sais plus vraiment.
Mais je sais bien que je deviens dément.
Ma lèvre de bronze frissonne,
Implore un baiser… quelques riens,
Ma lèvre s’évertue,
Mendiante et têtue.
Mais toi, sauve-toi de mes mains !
Ou je te traînerai partout, gare à ma pogne !
Youpi! je tue ! je cogne !

Orgueilleuse, regarde un peu
Ces lâches poings qui laissent des blessures.
Sur les restes des morts tout noircis par le feu,
Baise-moi follement! Et que, de mes mains dures,
J’enroule ton cheveu.
Je veux goûter ta lèvre si pulpeuse.
Qui doutait, je te prie, que tu tiendrais, heureuse,
La vie entre tes bras ? J’en suis le jeune dieu!

(Attila József)

 

Recueil: Aimez-moi – L’oeuvre poétique
Traduction: Georges Kassaï
Editions: Phébus

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АU SECOURS ! (Attila József)

Posted by arbrealettres sur 12 juin 2018



Illustration
    
АU SECOURS !

Ah, aimez-moi farouchement,
Chassez de moi le long tourment !
Singe en mon crâne en feu je glisse,
Cognant ma cage, hanté, dément,
Et je veux mordre et ma voix crisse…
Je ne crois plus, c’est mon supplice :
J’ai peur, j’ai peur du châtiment!

Oh ! mortel, comprends-tu mon chant,
Ou n’est-il qu’un écho changeant,
Forêt qui vaguement murmure ?
Enlace-moi, quitte l’aimant
Du poignard à la lame sûre.
Plus de sauveur qui me rassure :
J’ai peur, j’ai peur du châtiment !

Radeau sur le fleuve flottant,
Flotteur amer sur le courant,
Ma race d’homme va, meurtrie,
Dans la douleur se consumant.
Garde-moi, préviens ma furie,
Aimez-moi ! Je pleure et je crie :
J’ai peur, j’ai peur du châtiment !

(Attila József)

 

Recueil: Aimez-moi – L’oeuvre poétique
Traduction: Georges Kassaï
Editions: Phébus

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