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Posts Tagged ‘dérouter’

L’Angkar (Paul de Brancion)

Posted by arbrealettres sur 11 juillet 2022



Illustration


Illustration
    

L’Angkar*

J’espère ne jamais savoir d’expérience
ne jamais vivre cela

ni mes enfants
ni mes semblables

jamais

je demande pardon à ceux qui liront
ce titre et qui ont eu à souffrir des Khmers rouges

« l’Angkar ne dit rien, ne parle
pas mais il a des yeux et des
oreilles partout »

« qui proteste est un ennemi
qui s’oppose est un cadavre »

regretté
le toucher de ton corps

Automutilation
on s’est exterminés les uns les autres
ce pays
naguère paradis
terrestre
sourire
nous tue
charnier

oser en toute méconnaissance
tu connais autre chose
mais féroce aussi
rester vivant
avec cela dans le coeur
encore tari
alors que l’enfance est nue
et la pluie la pluie
la lutte est inégale

il pleut

encore et encore

les rizières
s’étendent dans le lointain
gris vert
des ombres marchent dans l’eau

vivants qui reviennent

cette grande nonchalance
fut ponctuée de sang

[…]

Tout ce que nous avons subi
d’atroce
ne peut être dissous

et nos tortionnaires
humains
comme nous

quoi de plus déroutant
de plus affligeant
se sentir le semblable
de ces travailleurs consciencieux

ces éradicateurs sont nos frères

regretter jusqu’à
cette humanité

douter d’exister pleinement

*En khmer, «l’Organisation», nom sous lequel le Parti communiste du Kam-
puchéa (Khmers rouges) a gouverné le Cambodge lorsqu’il a pris le pouvoir en 1975

(Paul de Brancion)

Recueil: Qui s’oppose à l’Angkar est un cadavre
Traduction:
Editions: Lanskine

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L’entière simplicité d’un cri (Bernard Chambaz)

Posted by arbrealettres sur 8 janvier 2020



 

Andrej Gorenkov - Tutt'Art@ (13)

L’entière simplicité d’un cri

A qui serait dérouté par le gouffre
le poème
par les trous
les oiseaux l’érosion la boue
du ciel
donnons lui autrement que par ouï-dire
l’entière simplicité
d’un cri

(Bernard Chambaz)

Illustration: Andrej Gorenkov

 

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EXTRAIT DU JOURNAL D’UN HOMME MÉFIANT (Jean Tardieu)

Posted by arbrealettres sur 15 juin 2019



    

EXTRAIT DU JOURNAL D’UN HOMME MÉFIANT

« Il serait temps que je commence à écrire ces notes à l’envers, comme Léonard de Vinci,
pour dérouter les indiscrets, et surtout l’Indiscret. (Vous savez bien : Celui qui… Mais, suffit!)
Vu l’importance du Bonhomme, allons plus loin :
pas seulement les lettres à l’envers, ni les mots, mais les pensées elles-mêmes!
Car il faut toujours déjouer Ses ruses.

S’Il lui prend envie, pendant que j’écris, de regarder par-dessus mon épaule,
je veux qu’Il ne comprenne rien à ce qu’Il lira.
A dater de ce jour, 21 juin 19..,
je commence un nouveau chapitre de ce Journal Intime,
en écrivant le contraire de ce que j’éprouve, de ce que je pense.
Qui sera bien attrapé? »

(Jean Tardieu)

 

Recueil: La part de l’ombre
Traduction:
Editions: Gallimard

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Milieu de la vie (Jean Pérol)

Posted by arbrealettres sur 11 mai 2019



Illustration: Carrie Vielle
    
Milieu de la vie

Côté ombre côté flamme
tu traverses la vallée
tant de nuit qui te réclame
accélère ta foulée

et ton sang tu le surprends
au delta des tempes folles
dérouté car il comprend
quelle terre à ton pied colle

le soleil tombe plus vite
chaque soir dans son mystère
une sève en toi gravite
une graine encor se terre.

(Jean Pérol)

 

Recueil: Poésie I (1953-1978)
Traduction:
Editions: De la Différence

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Amoureuses (Paul Eluard)

Posted by arbrealettres sur 5 juillet 2017



Elles ont les épaules hautes
Et l’air malin
Ou bien des mines qui déroutent
La confiance est dans la poitrine
À la hauteur où l’aube de leurs seins se lève
Pour dévêtir la nuit

Des yeux à casser les cailloux
Des sourires à y penser
Pour chaque rêve
Des rafales de cris de neige
Des lacs de nudité
Et des ombres déracinées.

Il faut les croire sur baiser
Et sur parole et sur regard
Et ne baiser que leurs baisers.

Je ne montre que ton visage
Les grands orages de ta gorge
Tout ce que je connais et tout ce que j’ignore
Mon amour ton amour ton amour ton amour.

(Paul Eluard)

Illustration: Paul Delvaux

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Le promeneur solitaire (Ilarie Voronca)

Posted by arbrealettres sur 12 août 2016



Le promeneur solitaire

Pareille à un promeneur qui, au déclin de sa vie
Sur la plage presque déserte quand les fastes
De la saison se meurent au loin soulève un coquillage
Et écoute la gloire de la mer et ses naufrages secrets.

De temps en temps la mort, promeneur solitaire
Drapée dans son manteau de nuage et de cendre
Prend l’un de nous entre ses mains et longuement écoute
La vie qui chante en nous comme un coquillage.

Elle imagine alors des terrasses, des parcs
Un couple qui éclaire de son bonheur l’allée
Le soir comme une femme échevelée, les arbres,
Les hommes riant à la table des jeux du crépuscule

Tour à tour la mort nous ramasse et se penche
Vers le bourdonnement de nos âmes lointaines
Nous sommes les abeilles qui reviennent chargées
Des pollens de la vie, dans la mortelle ruche.

Si l’un de nous pouvait lui dire tous les âges
Et l’espoir et la résignation et l’amour, la vengeance
Si un seul pouvait évoquer en une fois
Tous les éclats et les ténèbres de la vie.

La mort le garderait sans appeler les autres
Mais chacun lui apporte un écho trop distant
La mort nous prend tous comme les morceaux épars
D’une lettre qu’elle veut réunir et lire.

De quoi lui parlent donc ces innombrables bouches ?
L’une nomme le ciel, l’autre l’étang, l’autre l’automne
Est-ce la pierre ou l’eau, la gloire ou bien la femme ?
La vie a mille formes qui déroutent la mort.

C’est un regret ou l’ombre d’un vol qui se délie
Avec bonté la mort regarde jeux et fards.
Et comme une neige attardée sur les cimes
Un sourire apparaît sur sa face sévère.

(Ilarie Voronca)

Illustration: James Mensor

 

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PRISON (Tomas Tranströmer)

Posted by arbrealettres sur 20 avril 2016



PRISON

Ils jouent au football
soudaine confusion – la balle
a fait le mur.

*

Ils font souvent du bruit
pour effrayer le temps jusqu’à
ce qu’il trotte plus vite.

*

Des vies mal épelées –
la beauté subsiste sous forme
de tatouages.

*

Quand on reprit le fugitif
il avait les poches pleines
de chanterelles.

*

Le fracas des ateliers
et les pas lourds du mirador
déroutaient la forêt.

*

Le portail s’ouvre en glissant
nous voici dans la cour du pénitencier
dans une nouvelle saison.

Les lampes du mur s’allument –
le pilote du vol de nuit voit une tache
de lumière irréelle.

*

Nuit – un semi-remorque
passe tout près, les détenus
rêvent en tremblant.

*

Le garçon boit du lait
et s’endort tranquille dans sa cellule
une mère de pierre.

(Tomas Tranströmer)

Illustration

 

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Ton corps me déroute (Yannis Ritsos)

Posted by arbrealettres sur 11 janvier 2016



Ton corps
me déroute,
il m’entoure.
Aussitôt couché je me lève
en toi.

(Yannis Ritsos)

Illustration: Calirezo

 

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