LE DIEU DÉTERRÉ
Voilà qu’on sort à l’ombre devenue pierre
l’air fait limon
l’invisible fait temps
voilà que survient, fraction de nuit, l’oeil de pierre
La main perforée avec laquelle il regarda le monde
fut aperçue par le dieu de la mort
et son visage s’évanouit dans un autre visage
aux yeux plus profonds que l’oubli
Son corps, insaisissable, parcourut le jour
plus rapide que l’air et que l’esprit
toucha le vide de ses songes
et comme un feu se coucha sur ses braises
Voilà que l’on extrait le dieu de la fumée
le semeur de discorde et de maux
aux sandales d’obsidienne rompue
racines durcies d’un arbre de pierre
La lumière noire coule de ses doigts
comme cendre de son corps
la bouche insatiable, qui a tout avalé,
comme un miroir s’avale maintenant elle-même
Voici — disent-ils — le créateur
qui ne peut se donner la vie
une pierre de plus entre les pierres déchues
un instant enseveli sous des montagnes d’instants
(Homero Aridjis)