Vers le milieu l’après-midi, un silence s’est fait partout dans le pré.
Le ciel soudain a pâli comme quelqu’un qui on vient d’annoncer une mort.
Il n’y avait plus rien. Et puis tout s’est rallumé.
C’est quelque chose qui arrive très souvent,
vers le milieu de l’après-midi.
On ne le remarque guère.
Il faut être prisonnier ou malade,
ou assis devant une table, en train d’écrire, pour s’en apercevoir :
l’étoffe du jour est trouée.
Par les trous on voit le diable
— ou, si vous préférez ce mot plus
calme : le néant.
Il y a un instant où le monde est laissé seul.
Abandonné.
C’est comme si Dieu retenait son souffle.
Un intervalle de néant entre deux domaines de la lumière
(Christian Bobin)
Recueil: La grande vie
Traduction:
Editions: Folio
Quittant le monde tu ouvres un livre :
une boîte à silence, familière, ouvragée,
délivrant un diable-doux, un ange-acide.
Fermant le livre, tu gagnes enfin ce qui n’est plus ni du monde, ni des mots :
la bonté ou le désespoir.
Allant hors de toi pour mieux te rapprocher du centre,
jusqu’à ce point du plus grand trouble
qui est aussi celui de la plus grande paix.
C’est ce lutin qui fait qu’on ne dort pas,
Qu’on ne vit qu’à demi, qu’à toute heure on soupire,
Qui, dès le grand matin, tourne en hâte nos pas
Vers un objet qui fait notre martyre ;
C’est ce charmant accord qui nous force d’aimer,
C’est ce je-ne-sais-quoi qu’on ne peut exprimer :
En un mot, c’est ce feu toujours insatiable
Qui nous dévore et nous suit en tout lieu.
Plusieurs disent que c’est un dieu,
Pour moi je crois que c’est un diable.
1. Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Le premier jour je me rappelle
C´était chez des amis idiots
Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Votre maman avait des ailes
Dans une robe de taff´tas
Vous étiez une demoiselle
Et je vous murmurais tout bas
{Refrain:}
Dormir avec vous dormir une nuit,
Faire un rêve à deux quand le ciel est noir au fond de ma chambre
Le sommeil est doux quand tombe la pluie
Quand le vent du nord murmure tout bas
Décembre
Tous les mots d´amour le vent nous les dit
Quand la cloche sonne une heure perdue lointaine…
Oublier la vie oublier nos peines
Dormir une nuit dormir mon amour dormir avec vous
2. Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Vous êtes mariée c´est ridicule
Avec le fils de ces idiots
Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Votre mari est somnambule
Il se promène sur les toits
Toute la nuit tandis que moi
{Refrain:}
Je dors avec vous dans le même lit
Nous rêvons tous deux quand le ciel est noir au fond de ma chambre
Votre corps charmant se donne à minuit
Dans un petit hôtel tout près de la rue Delambre
Y a pas d´eau courante et pour faire pipi
C´est au fond de la cour
Mais là-bas y a pas de lumière
Mais ces petites bêtises me sont familières
Je dors avec vous et pendant le jour
J´attends notre nuit
3. Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Votre mari dans une crise
M´a flanqué deux balles dans la peau
Mam´zelle Clio
Mam´zelle Clio
Je suis bien mort quoi qu´on en dise
Oui mais le diable m´a permis
De revenir toutes les nuits
{Refrain:}
Dormir avec vous sans vous faire peur
Caresser vos cheveux toucher votre cœur vous dire à l´oreille
» Je t´aime chérie je t´aime et j´en meurs »
Et tirer les poils du petit cocu qui veille
La commode qui grince un bruit sur le toit
Le lit qui gémit c´est moi dans le bois ma brune
Je suis courant d´air et rayon de lune
J´ai l´éternité pour chanter tout bas
Je dors avec toi
Où sont passés les troglodytes?
Où sont passés les Mohicans?
Et Blériot avec son biplan ?
Et l’Arabie pas Séoudite ?
Où sont passés les fiacres
Qu’étaient couverts de nacre?
Et les cochers boiteux
Qui devenaient le Diable en moins de deux?
Où sont passées les Amazones
Qui n’avaient qu’un sein comme bouclier?
Où est parti le puits de Dôme ?
Que sont devenus les Alliés ?
La guerre de Cent Ans ? Celle de Soixante-Dix ?
Et celle de Trente Ans?
Et Vercingétorix
Mon ancêtre, mon Gaulois,
Où donc est-il passé avec ses guêtres et ses oies?
Où sont passés les habitants
Des cavernes du bon vieux temps
Qui s’éclairaient modestement
Au moyen de vers luisants ?
Où sont passés les Thermopyles?
Où sont passés les Thermidors ?
Et les Anglais qu’ont pris la pile
Quand Jeanne d’Arc était en or ?
Et Léontine la femme à Léon ?
Et ce monsieur Napoléon
Qui donnait son foie
A tous les soldats
Et faisait semblant d’être là
Même quand il était dans les draps
Avec la Joséphine extra?
Et Samson? Et Dalila ?
Ah ! dites, dites
Y’en a des choses qui existent.
Moi, je veux bien. Moi, je vous crois.
Mais faut vraiment avoir la Foi!
Dans la ville où l’on pend le diable par les cornes
Dans la ville ouverte et fermée
Dans la ville où l’on tient comptoir pour tous les désirs
Dans la ville sans feu ni lieu
Dans la ville sans foi ni loi
Dans la ville sans fieux
Dans la ville où l’on s’amuse
Dans la ville où l’on pleure à froides larmes
Dans la ville d’onze heures
Je ne sais pas très bien ce qui se passe
Car je n’y suis pas encore allé.
(Robert Desnos)
Recueil: Les poètes et la ville
Traduction:
Editions: Le cherche midi
Quand y a la mer et puis les ch´vaux
Qui font des tours comme au ciné
Mais qu´ dans tes bras, c´est bien plus beau
Quand y a la mer et puis les ch´vaux
Quand la raison n´a plus raison
Et qu´ nos yeux jouent à s´ renverser
Et qu´on n´ sait plus qui est l´ patron
Quand la raison n´a plus raison
Quand on rat´rait la fin du monde
Et qu´on vendrait l´éternité
Pour cette éternelle seconde
Quand on rat´rait la fin du monde
Quand le diable nous voit pâlir
Quand y a plus moyen d´ dessiner
La fleur d´amour qui va s´ouvrir
Quand le diable nous voit pâlir
Quand la machine a démarré
Quand on n´ sait plus bien où l´on est
Et qu´on attend c´ qui va s´ passer
Dors, dors, petit noir,
Ta maman est aux champs,
Petit noir.
Dors, dors, petit noir,
Ta maman est aux champs,
Petit noir.
Elle va porter des cailles pour toi,
Elle va porter des fruits savoureux pour toi,
Elle va porter de la viande de porc pour toi,
Elle va porter beaucoup de choses pour toi,
Et si le noir ne s’endort pas,
Le diable blanc vient
Et zap ! il mange sa petite jambe,
Yakapumba yakapumba,
Apumba yakapumba,
Yakapumba yakapumba.
Dors, dors, petit noir,
Ta maman est aux champs,
Petit noir.
Travaillant,
Travaillant durement,
Travaillant, oui,
Travaillant et on ne la paye pas,
Travaillant, oui,
Travaillant et elle tousse,
Travaillant, oui,
Travaillant et elle est en deuil,
Travaillant, oui,
Pour le tout petit noir
Travaillant, oui,
Pour le tout petit noir,
Travaillant, oui,
On ne la paie pas, oui,
Durement, oui,
Elle tousse, oui,
Elle est en deuil, oui.
Dors, dors, petit noir,
Ta maman est aux champs,
Petit noir.
Dors, dors, petit noir,
Ta maman est aux champs,
Petit noir.
***
Duerme Negrito
Duerme, duerme negrito,
Que tu mamá está en el campo,
Negrito.
Duerme, duerme negrito,
Que tu mamá está en el campo,
Negrito.
Te va a traer codornices para ti,
Te va a traer rica fruta para ti,
Te va a traer carne de cerdo para ti,
Te va a traer muchas cosas para ti.
Y si el negro no se duerme,
Viene el diablo blanco
Y ¡zas! le come la patita,
Yakapumba yakapumba,
Apumba yakapumba,
Yakapumba yakapumba.
Duerme, duerme negrito,
Que tu mamá está en el campo,
Negrito.
Trabajando,
Trabajando duramente,
Trabajando, sí,
Trabajando y no le pagan,
Trabajando, sí,
Trabajando y va tosiendo,
Trabajando, sí,
Trabajando y va de luto,
Trabajando, sí,
Pal negrito chiquitito,
Trabajando, sí,
Pal negrito chiquitito,
Trabajando, sí,
No le pagan, sí,
Duramente, sí,
Va tosiendo, sí,
Va de luto, sí.
Duerme, duerme negrito,
Que tu mamá está en el campo,
Negrito.
Duerme, duerme negrito,
Que tu mamá está en el campo,
Negrito.
Le vent vient en ma maison. Il gratte à ma porte.
Le vent m’emporte, me transporte, me rapporte.
Le vent me perd en chemin. C’est un diable, un requin.
Le vent a de grandes mains de lavandière, de mannequin.
Le vent broie le linge et le pain, boit mon vin,
Le vent courbe la fleur du lin, rameute les embruns.
Le vent convoque le thym. Le vent s’en va, s’en vient.
Le vent met le mal au bien, joue à la petite-main.
Le vent effraie mon chien. Le vent m’appelle :
je viens…