C’était un cordonnier, sans rien d’particulier
Dans un village dont le nom m’a échappé
Qui faisait des souliers si jolis, si légers
Que nos vies semblaient un peu moins lourdes à porter
Il y mettait du temps, du talent et du coeur
Ainsi passait sa vie au milieu de nos heures
Et loin des beaux discours, des grandes théories
A sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui
Il changeait la vie
C’était un professeur, un simple professeur
Qui pensait que savoir était un grand trésor
Que tous les moins que rien n’avaient pour s’en sortir
Que l’école est le droit qu’a chacun de s’instruire
Il y mettait du temps, du talent et du coeur
Ainsi passait sa vie au milieu de nos heures
Et loin des beaux discours, des grandes théories
A sa tâche chaque jour, on pouvait dire de lui
Il changeait la vie
C’était un p’tit bonhomme, rien qu’un tout p’tit bonhomme
Malhabile et rêveur, un peu loupé en somme
Se croyait inutile, banni des autres hommes
Il pleurait sur son saxophone
Il y mit tant de temps, de larmes et de douleur
Les rêves de sa vie, les prisons de son coeur
Et loin des beaux discours, des grandes théories
Inspiré jour après jour de son souffle et de ses cris
Il changeait la vie
La mer est une vieille dame
Qui parle trop
Pas un mot à placer
En face d’elle
Cet âne à quatre pattes
A beaucoup plus de peine
A proférer ses laborieux discours
Il me laisse au moins de temps en temps
Placer les miens
ni filiation ni origine.
Toute histoire est toujours autre.
même ma propre histoire.
Il y a tant de fils absents
en toutes mailles ou toute trame,
qu’ils font apparaître
en un autre espace
un tissu complètement différent.
De même pour toutes choses.
N’importe laquelle peut être remplacée par une autre :
une fleur par un marteau,
un jour par une nuit,
un amour par un autre amour.
Et les actions des hommes
sont comme des oiseaux vides
qui peuvent à tout instant
s’emplir d’autres images
et voler en n’importe quelle direction.
Toute histoire, toute explication, tout discours,
sont figures fugitivement dessinées en l’air,
formes à la dérive
qui parfois s’enroulent éphémères
autour du profil un peu plus discret
d’une branche morte.
***
YA no puedo admitir ninguna historia,
ni filiación ni origen.
Cualquier historia es siempre otra.
También mi propia historia.
Son tantos los hilos ausentes
en toda urdimbre o toda trama,
que con ellos alcanza
en algún otro espacio
para un tejido completamente diferente.
Sucede lo mismo con todas las cosas.
Cualquiera puede ser suplantada por otra:
una flor por un martillo,
un día por una noche,
un amor por otro amor.
Y las acciones de los hombres
son como pájaros huecos
que pueden en cualquier instante
rellenarse con otras imágenes
y volar en cualquier dirección.
Toda historia, toda explicación , todo discurso,
son figuras trazadas por un momento en el aire,
formas a la deriva
que se enrollan a veces transitoriamente
en et perfil un poco más discreto
de una rama seca.
Obscure nuit, laisse ton noir manteau,
Va réveiller la gracieuse aurore,
Chasse bien loin le soin qui me dévore,
Et le discours qui trouble mon cerveau.
Voici le jour gracieux, clair et beau,
Et le soleil qui la terre décore,
Et je n’ai point fermé les yeux encore,
Qui font nager ma couche tout en eau.
Ombreuse nuit, paisible et sommeillante,
Qui sais les pleurs de l’âme travaillante,
J’ai ma douleur cachée dans ton sein,
Ne voulant point que le monde le sache,
Mais toutefois, je te prie sans relâche,
De l’apporter aux pieds du Souverain.
Honneur des Hommes, Saint LANGAGE,
Discours prophétique et paré,
Belles chaînes en qui s’engage
Le dieu dans la chair égaré,
Illumination, largesse!
Voici parler une Sagesse
Et sonner cette auguste Voix
Qui se connaît quand elle sonne
N’être plus la voix de personne
Tant que des ondes et des bois!
La douce amie, la compagne fidèle,
Qui ne la souhaite ? et moi comme les autres.
Aimer les belles est coutume ancienne,
Ce n’est pas moi qui l’ai mise à la mode.
Si tu prétends poursuivre la vertu,
Je te croirai, Dieu juge mieux que moi.
Mais si tu dis : d’amour n’ai nulle envie,
Pareil discours n’est pas digne de foi.
Une main douce et aimée est sans doute
Au coeur blessé le seul médicament.
De lèvre en lèvre fais tourner la coupe,
Apprends du ciel l’incessant mouvement.
Tu le sais bien, le monde ne vaut pas
Qu’on s’en soucie, prends ton plaisir d’amour;
Saisis l’instant, sachant que chaque jour
De ton futur c’est un jour qui s’en va.
Ne construis pas ta vie comme Saadi.
Le malheureux l’a bâtie sur du sable.
La mort te guette, plaisir des coeurs, amie,
Ne te mets pas déjà la mort dans l’âme.