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Poésie

Posts Tagged ‘distrait’

Distrait (Bashō)

Posted by arbrealettres sur 14 avril 2023




    
Distrait
par la fleur de la callebasse,
longtemps

***

(Bashō)

Recueil: L’intégralité des Haïkus
Traduction: Makoto Kemmoku et Dominique Chipot
Editions: Points

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FAUSSE ÉLÉGIE (Rosario Castellanos)

Posted by arbrealettres sur 12 avril 2023




    
FAUSSE ÉLÉGIE

Nous ne faisons que partager un lent désastre.
Je me vois mourir en toi, en d’autres, en tout
et pourtant je bâille et je suis distraite
comme à un spectacle ennuyeux.

Les jours se défissent,
les nuits se consument avant qu’on s’en rende compte :
ainsi finissons-nous.

Rien. Il n’y a rien
entre lever et fermer les paupières.

Mais si quelqu’un vient à naître (son annonce,
la possibilité de son imminence,
son poids de syllabes dans l’air)
il bouleverse ce qui existe,
il est plus fort que le réel
et déloge les vivants dans leur corps.

(Rosario Castellanos)

Recueil: Poésie du Mexique
Traduction: Jean-Clarence Lambert
Editions: Actes Sud

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On n’est pas n’importe qui ! (Jean Rousselot)

Posted by arbrealettres sur 20 février 2023



Illustration
    
On n’est pas n’importe qui !

Quand tu rencontres un arbre dans la rue,
dis-lui bonjour sans attendre qu’il te salue.
C’est distrait, les arbres.

Si c’est un vieux. dis-lui « Monsieur ».
De toute façon, appelle-le par son nom :
Chêne, Bouleau, Sapin, Tilleul…
Il y sera sensible.

Au besoin, aide-le à traverser.
Les arbres, ça n’est pas encore habitué
à toutes ces autos.

Même chose avec les fleurs, les oiseaux, les poissons:
appelle-les par leur nom de famille.
On n’est pas n’importe qui !

Si tu veux être tout à fait gentil,
dis « Madame la Rose » à l’églantine ;
on oublie un peu trop qu’elle y a droit.

(Jean Rousselot)

 

Recueil: Les arbres et les poètes (Poèmes choisis pat Jean-Hugues Malineau)
Traduction:
Editions: Actes Sud

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FILLE (Marguerite Yourcenar)

Posted by arbrealettres sur 1 mai 2022




    
FILLE

Tes chaudes mains, souples brandons,
Frôlent en vain ma solitude;
Ton plaisir ne m’est qu’une étude;
Le dédain préside à mes dons.

Le fruit banal où nous mordons
Pend triste au clos de l’habitude;
Je farde mal mon hébétude
Du frais carmin des abandons.

Sans que ta force ne le sente,
Ton désir n’étreint qu’une absente;
Le coeur distrait rêve ou s’endort.

Comme une fille ses piastres,
Au bord du ciel, alcôve d’or,
Mes yeux pensifs comptent les astres.

(Marguerite Yourcenar)

 

Recueil: Les charités d’Alcippe
Traduction:
Editions: Gallimard

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La folle complainte (Charles Trenet)

Posted by arbrealettres sur 2 décembre 2021



homme _poussiere
    
La folle complainte

Les jours de repassage,
Dans la maison qui dort,
La bonne n´est pas sage
Mais on la garde encore.
On l´a trouvée hier soir,
Derrière la porte de bois,
Avec une passoire, se donnant de la joie.
La barbe de grand-père
A tout remis en ordre
Mais la bonne en colère a bien failli le mordre.
Il pleut sur les ardoises,
Il pleut sur la basse-cour,
Il pleut sur les framboises,
Il pleut sur mon amour.

Je me cache sous la table.
Le chat me griffe un peu.
Ce tigre est indomptable
Et joue avec le feu.
Les pantoufles de grand-mère
Sont mortes avant la nuit.
Dormons dans ma chaumière.
Dormez, dormons sans bruit.

Berceau berçant des violes,
Un ange s´est caché
Dans le placard aux fioles
Où l´on me tient couché.
Remède pour le rhume,
Remède pour le cœur,
Remède pour la brume,
Remède pour le malheur.

La revanche des orages
A fait de la maison
Un tendre paysage
Pour les petits garçons
Qui brûlent d´impatience
Deux jours avant Noël
Et, sans aucune méfiance,
Acceptent tout, pêle-mêle :
La vie, la mort, les squares
Et les trains électriques,
Les larmes dans les gares,
Guignol et les coups de triques,
Les becs d´acétylène
Aux enfants assistés
Et le sourire d´Hélène
Par un beau soir d´été.

Donnez-moi quatre planches
Pour me faire un cercueil.
Il est tombé de la branche,
Le gentil écureuil.
Je n´ai pas aimé ma mère.
Je n´ai pas aimé mon sort.
Je n´ai pas aimé la guerre.
Je n´ai pas aimé la mort.
Je n´ai jamais su dire
Pourquoi j´étais distrait.

Je n´ai pas su sourire
A tel ou tel attrait.
J´étais seul sur les routes
Sans dire ni oui ni non.
Mon âme s´est dissoute.
Poussière était mon nom.

(Charles Trenet)

 

 

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Y a-t-il un lieu de silence (Charles Vildrac)

Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2020



    

– Y a-t-il un lieu de silence
Où je puisse essayer mon chant
Sans que le submerge en moi-même
Le tumulte de ces orages,
Les cris aigus de ce prétoire
Où se proclament par cent voix
Le mensonge des criminels
La cupidité des voleurs
Et la lâcheté des esclaves ?
– Un seul accent vrai de ton cœur
En toi couvrira cent voix fausses.
Ah ! mon cœur n’est-il pas pareil
À un fruit jeté dans la mer :
Quand un batelier le recueille
Il est encore plein et doré
Mais sa chair que l’eau a forcée
N’a plus que l’âcreté du sel.
J’ai regardé bien trop de morts
Avec des yeux secs et distraits ;
J’ai connu trop de paysages,
J’ai pressé pendant ces cinq ans
Trop de mains, vu trop de visages ;
Des flots ont noyé ma mémoire.
– La moisson étouffe et aveugle
L’ample grenier qui la contient
Mais d’où jaillira chaque gerbe
À son tour, avec tous ses grains.
Sur le lourd butin qui t’accable
Penche-toi ! Dans un cœur aimant
Rien n’est perdu, rien ne s’efface
De ce qu’y a mis chaque jour.

(Charles Vildrac)

 

Recueil: Chants du désespéré (1914-1920) –
Traduction:
Editions: Gallimard

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JE DIS TOUJOURS LA MÊME CHOSE (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 23 juin 2020



Illustration: Pablo Picasso
    
JE DIS TOUJOURS LA MÊME CHOSE

Je dis de toi et de la rose
Mes poèmes sont évidents
Je dis toujours la même chose
La vie l’amour la mort le temps

Prenant les phrases toutes faites
les vérités de tous les jours
je ne suis ni ange ni bête
mais je me répète toujours

Je dis de toi et du bonheur
et la chaleur d’être avec toi
Je dis de toi et du malheur
le tourment de n’être que moi

Je dis ce que chacun devine
l’a b c de la clef des chants
Le fil sans fin que j’embobine
n’est qu’un gros fil cousu de blanc

Je me répète et recommence
Je ne dis que ce que je sais
mon souci mon insouciance
mon embarras C’est bien assez

Je me reprends sans fin ni cesse
Est-ce vraiment vraiment le même
qui dans sa fausse vraie paresse
n’est que l’absence de soi-même

Toujours distrait si je médite
toujours ailleurs si je suis là
qui donc en moi veille et persiste
à être moi si malgré moi

Un jour vient où la persistance
que j’avais cru perdre à tous vents
devient le fil de la constance
signant la trace d’un vivant

Ce n’est peut-être que ma mort
qui saura bien photographier
fini le jeu de j’entre-et-sors
cet inconnu qui m’échappait

Il dit toujours la même chose
il redécouvre à chaque instant
la même évidence morose
la même joie qui n’a qu’un temps

Mais un seul fruit songe et s’accroît
dans la fleur en métamorphose
se répétant moins qu’on ne croit
disant toujours la même chose.

(Claude Roy)

 

Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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REPIT (Mihai Beniuc)

Posted by arbrealettres sur 9 juin 2020




    
REPIT

Nombreuses et grandes
Sont mes tentatives —
Dans les profondeurs et dans les hauteurs,
Entre les ténèbres et la lumière,
De l’atome aux galaxies,
Du premier baiser sur les lèvres
Au dernier baiser sur les paupières,
De la fleur au serpent,
Du pain au poison,
De la caresse au poignard,
Du rugissement du lion
Au chant de l’alouette,
De moi,
Saisi par les vrilles du temps,
A toi,
Qui laisses s’enrouler distraitement le temps
Dans ton giron, comme une pelote.
Du rivage de mes heures,
Je contemple les bords de tes éternités.
Mon compas
Elargit son angle
Jusqu’à 180°.
Je regarde,
Et les lointains que j’aperçois
Sont poussière de voie lactée.
Mes ères
Frappent avec des poings d’enfant
A ta porte d’azur
Cloutée d’étoiles.
Que faire ?
Je n’ai pas de bateau qui puisse
Me mener par-delà les frontières de mon être,
Et lorsque je reviens en moi-même, je vois toujours
Des immensités et des ports qui ne sont que rêves.
Ma halte
Est celle du vent
Que l’air délogera
D’entre deux branches frémissantes

(Mihai Beniuc)

 

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Simple (Raymond Carver)

Posted by arbrealettres sur 4 juin 2020




    
Simple

Une déchirure dans les nuages. Le bleu
du contour des montagnes.
Jaune foncé des champs.
Noir de la rivière. Qu’est-ce que je fais ici,
seul et plein de remords ?

Je continue distraitement de manger le bol
de framboises. Si j’étais mort,
penses-y me dis-je, je ne serais pas
en train de les manger. Ce n’est pas si simple.
C’est tout simple.

(Raymond Carver)

 

Recueil: Poésie
Traduction: Jacqueline H. jeem-Pierry Carasso et Emmanuel Moses
Editions: De l’olivier

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BESTIAIRE DES AMANTS (Claude Roy)

Posted by arbrealettres sur 29 mars 2020



Illustration: Pierre Paul Rubens
    
BESTIAIRE DES AMANTS

Amants endormez-vous
après de tendres soins
serrez-vous aimez-vous
vos rêves iront loin
Bien au-delà du jour
au profond du sommeil
du bon-chaud de l’amour
renaîtra le soleil
Un écureuil viendra
Entre vos deux orteils
un lézard glissera
Tous vos amis de nuit
la loutre et le renard
le chat et la fourmi
accourront sans retard
à pas feutrés de rêve
jusqu’au chant de l’alouette
et se mélangeront
sans mordre ni crier
au jaune hérisson
à la fauvette huppée
Les hôtes amicaux
viendront à pas feutrés
jusqu’au cocorico
d’un grand coq très distrait
qui chassera enfin
cette ménagerie
que la soif ni la faim
n’auront jamais surpris
Sur la main de l’enfant aimée
un rossignol vient et se pose
(La gazelle viendrait aussi
mais elle a peur et elle n’ose)

La truite et le chien de mer
s’en vont naviguant de conserve
Le toucan l’étoile de mer
restent tous deux sur la réserve
Devant le bélier qui insiste
pour que le chat touche à ses cornes
ne sachant trop si elle existe
longuement pleure la licorne
La taupe et le corbeau
s’en vont à petits pas
Le renard les chevaux
marchent tout près du rat
et la chauve-souris
veille sur la dormeuse
tandis qu’une perdrix
lui chante une berceuse
La girafe et le chien
le lion le pangolin
le zèbre et la vigogne
flairent les endormis
les lèchent doucement
et parlent en amis
aux fidèles amants
qui s’éveillent enfin
lorsque le réveil sonne
et leur rend leur matin
de vraies grandes personnes.

(Claude Roy)

 

Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse

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