Je renais à toi chaque matin
Et je regarde, émerveillé, la vie avec ton regard.
Je marche sur les bords de ta mer profonde
Et je rentre au plus profond de moi-même
En suivant ton sillage. Nos deux destinées jumelles
Auront été deux vagues mêlées
Sur la grande Mer.
Nous écroulerons-nous en touchant les rivages ?
Je m’adosse aux bords de ton soir
Pour t’aimer dans tes racines
Pour avoir ta rose et tes épines.
Je renais à toi chaque matin.
Tu es mon aube et mon aurore,
Mon horizon fuyant et ma fixe horloge
Qui sonne gravement les heures de mon destin.
Saveur du jour, saveur de la nuit.
Tu es, mon amour, saveur de sève et de fruit
Que je hume et qui assouvit ma gourmandise.
Je plonge en toi comme un forçat
Dans les douves de sa prison :
L’eau se referme et l’enracine
De tout son ventre, mais, au bord,
Dans les fusils monte en silence
La sève noire de la mort.
Qu’importe, puisqu’il est au fond
De lui-même comme une pierre
En son ciment d’éternité,
A sa belle, à sa libre étoile,
Pour la première fois couché.
Qu’importe, puisque dans ces chambres
Où l’on se jette en haletant,
Je vis en toi le seul instant
Où les choses sont dans le monde
Ce que les font mes mains aimantes !
Dehors, la salve et la curée !
Dedans, la bête se fait homme :
Je suis nageur, je suis poumon,
Je suis la vague, je suis l’air
Qui me manquera tout à l’heure
Quand je tomberai sous les coups,
Emerveillé d’avoir vu naître
Ma propre image dans ta chair.
Père, j’ai bien compris : vous avez besoin d’ombre
Pour faire rire mieux la lumière, et besoin
De nuit pour que le jour après ce péril sombre
Soit plus émerveillé de revenir de loin ;
Et besoin dans les champs d’herbe grise, humble, vaine,
Pour que la fleur éclate en plaisir plus vermeil ;
Et de brume, et de pluie, et de temps pleins de peine
Pour que les autres temps soient plus beaux au soleil.
…Je pleure… Tout est bien.
(Marie Noël)
Recueil: Les Chansons et les Heures / Le Rosaire des joies
Traduction:
Editions: Gallimard
Je serai mémoire de nuit
dans les oublis de l’aube
je chanterai le bruissement
de tes pieds nus à mon oreille
émerveillée
la volupté de l’espérance
en mes yeux clos
qui devinaient
mes bras ouverts à la chaleur
de ton approche
ma bouche offerte à l’inconnu
de tes offrandes
je chanterai
nos secrets dénudés
dans la pudeur
du noir
alors il fut ce vagabond
qui essaie tous les chemins
franchit forêts déserts
et marécages
quête fiévreusement
le lieu où planter
ses racines
cet exilé
qui se parcourt et s’affronte
se fouille et s’affûte
emprunte à la femme
un peu de sa terre et sa lumière
ce banni que corrode
la détresse des routes vaines
mais qui parfois
aux confins de la transparence
hume l’air du pays natal
et soudain se fige
émerveillé
(Charles Juliet)
Recueil: une joie secrète
Traduction:
Editions: Voix d’encre
Il ne manquait que ce Soleil
Sur la forêt de mes années
Pour éclairer de feux d’abeilles,
De fougères émerveillées
Et d’oiseaux cisaillant le ciel,
Ces longues, ces noires allées
Montant en vain vers l’éternel.
Lèvres prophétiques, sevrées
d’image. Le muet
ici, qui attend, familier de l’urne,
émerveillé. L’anathème l’emporte sur
la prophétie : la rose de glace
lègue ses épines au souffle
qui travaille en direction de l’oeil
et de l’oubli.
Nous ne devons qu’être prêts.
Dès le premier pas, notre voix
est en accord
avec les pierres du champ.