Combien de temps le rouge-gorge a-t-il joué sous mes yeux?
Deux secondes, peut-être trois –
et cela a suffi pour qu’avec son bec
il attrape une maille de mon coeur et, s’envolant brusquement,
défasse toute la pelote pour l’emmener dans le ciel
où je me découvrais soudain rêveur.
À deux pas de la mer qu’on entend bourdonner,
Je sais un coin perdu de la terre bretonne
Où j’aurais tant aimé, pendant les jours d’automne,
Chère, à vous emmener.
Des chênes faisant cercle autour d’une fontaine,
Quelques hêtres épars, un vieux moulin désert,
Une source dont l’eau vive a le reflet vert
De vos yeux de sirène…
La mésange au matin, sous la feuille jaunie,
Aurait chanter pour nous, et la mer jour et nuit
Aurait accompagné nos caresses d’amour
De sa basse infinie.
« Arabesques » : depuis toujours ce mot me plaît.
En peinture, sculpture, musique ou ballet,
Il évoque pour moi de gracieux mouvements
Et il me parle à l’oreille si doucement.
Selon que je me trouve au bord d’un lac en Chine
Ou bien au bord de la mer Méditerranée,
Moi, sur des cucurbitacées je les dessine
Ou sur des galets, et ce depuis des années.
Je laisse aller ma main, mon esprit rêvasser.
Dans un beau voyage intérieur à chaque fois
Il m’emmène très loin, au plus profond de moi,
Enfin pacifiée, unifiée, réconciliée.
Il arrive que certains viennent bavarder.
Mes dessins leur rappellent des contrées lointaines.
Mes amis pékinois m’ont souvent demandé
Si j’avais séjourné en terre tibétaine.
« Arabesque » : exotique et pourtant familier…
Car ce mot me ramène au temps de mon enfance.
Papa passait du Chopin et me disait : « Danse ! »
Et moi, bien sûr, je ne me faisais pas prier.
D’arabesques en sauts de biche, je rêvais
D’entrer à l’Opéra, d’y consacrer ma vie.
J’étais faite pour danser, et ne concevais
Aucun autre avenir, n’avais pas d’autre envie.
Le destin fut tout autre mais je danse encore.
J’aime la poésie, les beaux-arts, la musique
Et les langues, et le théâtre. Oui, je dévore
La vie, que, bien souvent, je trouve magnifique.
[Rosalia]
Porto Rico,
Magnifique archipel…
Île aux embruns tropicaux.
Éternelle culture de l’ananas,
Éternelles cerises de café…
[Anita]
Porto Rico…
Dégoûtant archipel…
Île des maladies tropicales.
Toujours y soufflent les ouragans,
Toujours y augmentent la population…
Et les dettes,
Et les cris des bébés,
Et les balles qui sifflent.
J’aime l’île de Manhattan.
Fumer la pipe, c’est le paradis !
[Les Autres]
J’aime vivre en Amérique !
Pour moi tout va bien en Amérique !
Tout est gratuit en Amérique !
À bas prix en Amérique !
[Rosalia]
J’aime la ville de San Juan.
[Anita]
Je connais un bateau qui t’y emmènera.
[Rosalia]
Des milliers d’arbres en fleurs.
[Anita]
Des milliers de personnes qui grouillent !
[Toutes]
Il y a des automobiles en Amérique,
Il y a de l’acier chromé en Amérique,
Il y a des roues à rayon en Amérique,
C’est du lourd, en Amérique !
[Rosalia]
Je roulerai en Buick dans les rues de San Juan.
[Anita]
S’il y a une route à emprunter.
[Rosalia]
J’offrirai une course à mes cousins.
[Anita]
Comment tu vas t’y prendre pour les faire rentrer ?
[Toutes]
L’immigrant choisit l’Amérique,
Tout le monde se dit bonjour en Amérique ;
Personne ne se connaît en Amérique
Porto Rico est en Amérique !
[Rosalia]
J’apporterai une télé à San Juan.
[Anita]
Si il y a du courant !
[Rosalia]
Je leur offrirai une nouvelle machine à laver.
[Anita]
Qu’ont-ils à laver ?
[Toutes]
J’aime les côtes d’Amérique !
Le confort t’attend en Amérique !
Ils ont des poignées à serrure en Amérique,
Ils ont du parquet en Amérique
[Rosalia]
Quand je retournerai à San Juan.
[Anita]
Quand cesseras-tu de bavasser, va-t’en !
[Rosalia]
Tout le monde m’acclamera là-bas !
[Anita]
Là-bas, tout le monde sera parti ici !
(WEST SIDE STORY)
***
America
[Rosalia]
Puerto Rico,
You lovely island . . .
Island of tropical breezes.
Always the pineapples growing,
Always the coffee blossoms blowing . . .
[Anita]
Puerto Rico . . .
You ugly island . . .
Island of tropic diseases.
Always the hurricanes blowing,
Always the population growing . . .
And the money owing,
And the babies crying,
And the bullets flying.
I like the island Manhattan.
Smoke on your pipe and put that in!
[Les Autres]
I like to be in America!
O.K. by me in America!
Ev’rything free in America
For a small fee in America!
[Rosalia]
I like the city of San Juan.
[Anita]
I know a boat you can get on.
[Rosalia]
Hundreds of flowers in full bloom.
[Anita]
Hundreds of people in each room!
[Toutes]
Automobile in America,
Chromium steel in America,
Wire-spoke wheel in America,
Very big deal in America!
[Rosalia]
I’ll drive a Buick through San Juan.
[Anita]
If there’s a road you can drive on.
[Rosalia]
I’ll give my cousins a free ride.
[Anita]
How you get all of them inside?
[Toutes]
Immigrant goes to America,
Many hellos in America;
Nobody knows in America
Puerto Rico’s in America!
[Rosalia]
I’ll bring a T.V. to San Juan.
[Anita]
If there a current to turn on!
[Rosalia]
I’ll give them new washing machine.
[Anita]
What have they got there to keep clean?
[Toutes]
I like the shores of America!
Comfort is yours in America!
Knobs on the doors in America,
Wall-to-wall floors in America!
[Rosalia]
When I will go back to San Juan.
[Anita]
When you will shut up and get gone?
[Rosalia]
Everyone there will give big cheer!
[Anita]
Everyone there will have moved here!
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Hé Joe! Tu fais quoi là?
Mais t’es qui là, Joe?
T’as l’coeur qui s’emballe, tu dis qu’t’es amoureux
Mais elle s’ra toujours jeune quand tu s’ras déjà vieux
Elle a quoi? Ses vingt ans? Et tout son maquillage?
Mais c’est rien vingt ans contre vingt ans de mariage
Moi j’te dis ça comme ça, c’est même pas mes affaires
Ça peut arriver, c’est vrai, mais j’peux pas t’laisser faire
Tu pourras vivre avec mais pas vivre sans eux
Chez toi ils font la tête, Joe, depuis qu’tu t’sens moins vieux
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Quand je te vois danser, t’es qui là?
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Mais chez toi ça danse pas
T’as l’coeur qui s’emballe, tu dis qu’t’es amoureux
Moi j’te parie cent balles que c’est d’la poudre aux yeux
C’est tout nouveau tout beau, ça donne les yeux qui brillent
Mais souvent on s’enflamme, Joe, pour un feu de brindilles
Ouais souviens-toi, au tout début ta femme tu l’emmener promener
Et du jour au lendemain tu l’envoies balader
Moi j’te dis ça comme ça, c’est même pas mes affaires
On sait jamais c’qu’on gagne, Joe, mais je sais c’que tu perds
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Quand je te vois danser, t’es qui là?
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Mais chez toi ça danse pas
Hé Joe!
Penses-y à deux fois, Joe, avant de partir trop vite
Tu y as pensé aux p’tites mains derrière la vitre?
Du train qui part en gare quand un weekend sur deux
Ils te diront au revoir, Joe, comme l’on dit « adieu »
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Quand je te vois danser, t’es qui là?
Je sais dans ton coeur c’est la fiesta
Mais chez toi ça danse pas
Esta noche mi fiesta no va a parar
Que me dejen tranquilo que quiero disfrutar
Hay momentos tan sabrosos en la vida
No los puedo ignorar
Estan bella que no me puedo controlar
Es mi vida y yo la quiero gozar
Solamente quiero disfrutar
Disfrutar de la vida, ‘ta bueno ya
Hé Joe! Mais t’es qui là, Joe
(Christophe Maé) (Paul Ecole / Bruno Dandrimont / Valentin Aubert)
Le coeur serré,
je monte sur la tour,
au bord du fleuve.
La lune brille comme les eaux,
les eaux reflètent l’éclat du ciel.
Mais celui qui m’a emmenée
ici pour admirer la lune
où est-il aujourd’hui?
Ce soir la vue est aussi belle
qu’elle l’était l’année dernière.
(Zhao Gu)
Recueil: Neige sur la montagne du lotus Chants et vers de la Chine ancienne
Traduction: Ferdinand Stočes
Editions: Picquier poche