Arbrealettres

Poésie

Posts Tagged ‘emmuré’

Minuit (Julien Delmaire)

Posted by arbrealettres sur 29 août 2018



Julien Delmaire
    
Minuit dérobe
Les bijouteries
Contre ta robe
Un diamant cri

Je suis l’alcool
Térébenthine
Je suis la folle
Sur la colline

Criblé d’épines
Je suis l’alcool
L’encre de chine
Sur ton épaule

Je suis le Christ
De Kigali
Et l’améthyste
Qu’on a sali

Je suis l’enfance
Défigurée
Je suis l’offense
De l’emmuré

Syntax error
Bug intégral
Signes d’aurore
Jour minéral

Je veux l’oiseau
Lacrymogène
Aux ras des eaux
Cancérigènes

Je veux ton ventre
Dans la fumée
Mes doigts qui entrent
Pour exhumer

Un oasis
Une métaphore
Ton clitoris
Ta mandragore

Je vois l’oubli
Brisant ses chaînes
La mort partie
Avec la haine

Voici le monde
La vie bégaye
Voici la ronde
Des merveilles

Je te retrouve
Ma Géorgie
Le soleil couve
Ton sein rougi

Le temps caresse
Son vieux piano
Ta voix disperse
Les moineaux

Les nègres écument
La nostalgie
La nuit s’allume
Ma Géorgie…

(Julien Delmaire)

 

Recueil: Turbulences
Traduction:
Editions: Le temps des cerises

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Toujours nous serons seuls (Yvan Goll)

Posted by arbrealettres sur 29 avril 2018



 

Georges Lacombe The Sculpture of Georges Lacombe

Toujours nous serons seuls
Emmurés dans nos corps
Comme dans nos deux linceuls!

Que d’une bouche à l’autre
Comme de deux balcons
Nous nous jetons les fleurs rouges de l’amour;

Que nos mains tordues en un poing
Croient s’unir en chair armée
Comme ciment et sang;

Inutile! Inutile!
Inutile le sourire badigeonné sur nos crânes!
Inutiles les larmes qui ne collent rien!

Dans l’étreinte désespérée
Entre le Nous inextricable
Bée notre affreuse solitude.

(Yvan Goll)

Illustration: Georges Lacombe

 

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Ah mon rire (Janine Tavernier)

Posted by arbrealettres sur 23 octobre 2017



 

Ah mon rire
mon rire gigantesque
mon rire silencieux
mon rire emprisonné derrière mes lèvres
ah ah mon rire
emmuré dans son linceul de glace
je t’entends rugir en moi comme un fauve
je te sens qui ballottes en moi
sur le remous tourmenté de ma colère
ah ah ah mon rire
je t’écoute et j’ai peur
mon rire qui n’es pas à moi
mon rire étranger à ma vie
mon rire que les forces de l’inconscient
projettent sur l’écran fragile de ma sensibilité
je te crains plus que mourir
je te crains plus que vivre
ah ah ah ah mon rire
quand tu briseras tes liens
et que hors de moi tu t’enfuyeras
dans l’explosion de tes accords déchaînés
que vas-tu prendre à ma vie t’en iras-tu seul
vers les sphères abolies d’où l’on ne revient pas
J’ai plongé mes deux mains au-delà du présent
et j’ai cueilli la joie qui m’était refusée
Mon désespoir était debout enveloppant ma gauche
coulée de glace tournant avec mon sang
mon désespoir était debout avec sa chevelure noire
et ses voiles noirs éclaboussés de son ombre
et le regard mort de ses yeux sur des nuits sans limite
Mais j’ai cueilli la joie qui m’était refusée
Une joie douce et vraie comme un sourire d’enfant
comme un soupir d’oiseau dans l’aube silencieuse
comme un baiser d’ami posé au bord des cils
et par la seule splendeur d’une joie opaline
prise à la certitude des bonheurs à venir
mon désespoir s’est irisé de mille reflets d’azur

(Janine Tavernier)

Illustration

 

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MON ÉTERNEL PRISONNIER (Rita Petro)

Posted by arbrealettres sur 3 octobre 2016



MON ÉTERNEL PRISONNIER

Au plus profond
du secret
de mon âme
je t’ai emmuré :
la lumière du soleil te verra
à travers mes yeux,
la colère du ciel t’ébranlera
à travers mes tremblements,
le déluge viendra te régénérer
à travers mon sang,
mon éternel prisonnier !
Cela m’est égal
de savoir que tu m’aimes
ou que tu me maudis,
sauf s’il arrive
que mon corps me lâche et meurt :
alors tu seras libre
d’accompagner mon âme
au ciel.

***

I burgosuri im i përjetshëm

I burgosuri im i përjetshëm,
Në fshehtësinë
Më të thellë
Të zemrës sime
Të kam futur,
Që drita e diellit të të hyjë
Përmes syrit tim,
Zemërimi i qiellit të të trondisë
Përmes drithërimës sime,
Vërshimi i ujërave të të ripërtërijë
Përmes gjakut tim.
I burgosuri im i përjetshëm!
Unë s’dua t’ia di
Në më do
A më mallkon ti,
Veç në ndodhtë
Që trupi të më vdesë,
Je i lirë
Bashkë me shpirtin tim
Të fluturosh në qiell.

(Rita Petro)

Illustration: Anne-François-Louis Janmot

 

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Le barreau scié (Jean-Claude Faucheux)

Posted by arbrealettres sur 20 mars 2016



Cent pas
dans l’antichambre de la nuit
Bouches closes des portes emmurées
Murs sourds de secrets dévorés
Enfin la volte-face
A la fenêtre
et le barreau scié.

(Jean-Claude Faucheux)

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UN RÉVEIL (Octavio Paz)

Posted by arbrealettres sur 28 septembre 2015




UN RÉVEIL

À l’intérieur d’un rêve j’étais emmuré.
Ses murs n’avaient ni consistance
ni poids : leur vide était leur poids.
Les murs étaient des heures et les heures
pesanteur fixe, accumulée.
Le temps de ces heures n’était pas du temps.

Je sautai par une brèche : il était quatre heures
dans ce monde. La chambre était ma chambre
et dans chaque chose mon fantôme.
Je n’y étais pas. Je regardai par la fenêtre :
sous la lumière électrique pas une âme.
Réverbères en veille, neige sale,
maisons et voitures endormies, l’insomnie
d’une lampe, le chêne qui parle tout seul,
le vent et ses couteaux, l’écriture
des constellations, illisible.

En elles-mêmes les choses s’abîmaient
et mes yeux de chair les voyaient
accablées d’être, réalités
nues de leurs noms. Mes deux yeux
étaient des âmes en peine par le monde.
Dans la rue sans personne la présence
passait sans passer, dissipée
dans ses créatures, fixe dans ses mutations,
déjà devenue maisons, chênes, neige, temps.
Vie et mort fluaient confondues.
Regard inhabité, la présence
avec les yeux de personne me regardait :
faisceau de reflets sur précipices.
Je me retournai : la chambre était ma chambre
et je n’étais pas là. À l’être rien ne manque
– toujours plein de soi, jamais le même –
même si nous n’y sommes plus… Dehors,
encore indécises, des clartés :
l’aube entre des terrasses confuses.
Déjà les constellations s’effaçaient.

(Octavio Paz)

Illustration: Katerina Kockova  (Le Rêve d’un intellectuel fatigué)

 

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