À vue de corbeau
le quartier est d’un blanc indécent
à la fin de juin.
Une femme arrose les fleurs et regarde
de loin les reflets noirs et aveuglants
de l’oiseau dans la cage
qu’un enfant accroche sur le balcon d’en face.
Un jour l’enfant va oublier
de fermer la porte de la cage.
Un jour la femme va traverser
l’unique mur de verre de sa boîte en béton
et ils vont se rencontrer dans l’infini
de cinq mètres entre les immeubles :
quand quelqu’un se jette dans le vide
Dieu construit un pont pour lui,
lance une échelle
ou bien lui envoie un oiseau.
Mais peut-on sortir d’un paysage
gravé dans l’œil
d’un corbeau empaillé ?
(Aksinia Mihaylova)
Recueil: Le baiser du temps
Traduction:
Editions: Gallimard
T’as des cheveux comme des feuilles mortes
Et du chagrin dans tes ruisseaux
Et l’ vent du nord qui prête main-forte
À la mère pluie qu’est toute en eau
Ma vieille branche
T’as des prénoms comme des gerçures
D’azur tout gris dans tes chiffons
Et l’ vent du Nord et ses coutures
Où meurent tranquilles les papillons
Ma vieille branche
T’as l’ rossignol qui t’ fait des dettes
Et les yeux doux en coup d’ brouillard
Ce p’tit chanteur, c’est qu’une girouette
T’as qu’à lui mettre ton vieux foulard
Ma vieille branche
T’as les prés comme un chapeau d’ paille
De quand l’été se faisait tout beau
Et des guignols que l’on empaille
À faire s’en aller tes oiseaux
Ma vieille branche
T’as l’ cul tout nu comme les belles gosses
Arrivées là pour un moment
Mais toi, ma vieille, il faut qu’ tu bosses
Pour arriver jusqu’au printemps
Ma vieille branche
T’as rien pour toi qu’une pauvre frimousse
Un vieux sapin qui t’ fait crédit
Deux, trois p’tites fleurs va-que-j’te-pousse
Et puis l’hiver au bout d’ ta vie
Ma vieille branche d’automne
Je passe mes nuits
à chercher des vers cachés
dans les recoins des mots
dans les papiers pliés
du désordre
dans les sentiments empaillés
des souvenirs.
J’efface la tristesse,
nourris la peur,
exorcise la douleur
et me replie.
(Alexàndra Galanou)
Recueil: Dans les recoins des mots
Traduction:
Editions: Circé