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Posts Tagged ‘emprunt’

JE TUE LE TEMPS (André Frénaud)

Posted by arbrealettres sur 8 février 2023




    
JE TUE LE TEMPS

Je tue le temps en taillant dans la houille.
Engorgé je me débarrasse ou j’essaie.

Je tue le temps au vin rouge, à la délicatesse,
à la franche gaieté, à la morale,
à l’excès de zèle, à qui perd gagne, à la boussole,
avec un miroir d’emprunt,
avec un regard farouche,
avec un sourire componctueux,
avec une envie de pleurer.

Je tue le temps à creuse rêverie,
avec un marteau-piqueur, avec un petit flageolet,
avec une superbe convoitise,
avec une raillerie épaisse,
en toute bonne foi, avec un oeil en coin,
avec les discours habituels, avec des mots écrits,
avec du vent.
Je n’approche pas du recours imaginé.

Je tue le temps. Je taille en suffoquant, j’essaie.

Je tue le temps. Si un faucon au poing j’allais,
je saurais faire.

(André Frénaud)

Recueil: Il n’y a pas de paradis
Traduction:
Editions: Gallimard

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ô jeune homme pleure tout ton soûl ! (Abdourahman A. Waberi)

Posted by arbrealettres sur 4 août 2022



Ô jeune homme pleure tout ton soûl !
Désorienté comme l’étoile dilacérante
Sans soleil ni fourmillant récif
Ton oeil quête son Orient par devers toi
Ta conscience: un manteau d’emprunts usé

(Abdourahman A. Waberi)

Découvert ici: http://www.ipernity.com/blog/lara-alpha
 

 

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POESIE DE L’IMPOSTURE (Georges Henein)

Posted by arbrealettres sur 28 juillet 2022



Brendan Monroe  _Holes1_1

POESIE DE L’IMPOSTURE

« Gardez la monnaie »
dit l’un qui sondait les murs
à l’autre qui prétendait se mettre en marche
et tous deux semblaient soucieux

« Gardez la monnaie »
dit la poussière à l’or
et tout le monde dans la rue se retourna
comme s’il était arrivé quelque chose d’irrémédiable

« Gardez la monnaie »
dit la patrouille en rentrant
car il était tard
il y avait eu beaucoup de morts
et c’était le mot de passe

il faudrait mutiler les corolles qui s’ouvrent
fixer à pleine face
le bégaiement de la misère interrompue
il faudrait…

et cela me rappelle un nom d’emprunt
valable pour toute une vie
et ce brouillard tiré par un bateau d’esclaves

et le sentiment que seule la chute est possible
et qu’en elle
pour la première fois
les amants s’observent sans frémir.

(Georges Henein)

Illustration: Brendan Monroe

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CHANSON POUR LES BAPTÊMES (Philippe Soupault)

Posted by arbrealettres sur 24 mars 2020




    
CHANSON POUR LES BAPTÊMES

Mélancolie Mélancolie
quel joli nom pour une jeune fille
Neurasthénie Neurasthénie
quel vilain nom pour une vieille fille

Je cherche un nom pour un garçon
un nom d’emprunt un nom de guerre
pour la prochaine et la dernière
pour la dernière des dernières

Espoir Peut-être Agénor
ou Singulier ou Dominique
un nom à coucher dehors
au temps des bombes atomiques

Mais je préfère Nuit
pour celle que j’aime et chéris
Nuit brune Nuit douce
Nuit claire comme eau de source

(Philippe Soupault)

Recueil: Poèmes et poésies
Traduction:
Editions: Grasset

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LITANIES DE L’EXILÉ (Miguel Angel Asturias)

Posted by arbrealettres sur 24 août 2018



LITANIES DE L’EXILÉ

Et toi, l’exilé :
Être de passage, toujours de passage,
avoir la terre pour auberge
et contempler des cieux qui ne sont pas les nôtres,
vivre parmi des gens qui ne sont pas les nôtres,
fredonner des chansons qui ne sont pas les nôtres,
rire mais d’un rire qui n’est pas le nôtre,
serrer des mains qui ne sont pas les nôtres,
pleurer avec des larmes qui ne sont pas les nôtres,
céder à des amours qui ne sont pas les nôtres,
goûter à des plats qui ne sont pas les nôtres,
prier des dieux, des dieux qui ne sont pas les nôtres,
entendre notre nom sans que ce soit le nôtre,
penser à ceci, à cela, à ce qui n’est pas nôtre,
tendre une monnaie qui n’est pas la nôtre,
et suivre des chemins qui ne sont pas les nôtres.

Et toi, l’exilé :
Être de passage, toujours de passage,
avoir pour tout bien des choses d’emprunt,
embrasser des enfants qui ne sont pas les nôtres,
s’approcher d’un feu qui n’est pas le nôtre,
entendre des clochers qui ne sont pas les nôtres,
prendre un petit air qui n’est pas le nôtre,
pleurer des morts qui ne sont pas les nôtres,
vivre cette vie qui n’est pas la nôtre,
se distraire à des jeux qui ne sont pas les nôtres,
dormir dans un lit qui n’est pas le nôtre,
grimper mais à des tours qui ne sont pas les nôtres,
lire des nouvelles, excepté les nôtres,

(Miguel Angel Asturias)

 

 

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Je ne sais rien de moi (Joë Bousquet)

Posted by arbrealettres sur 7 décembre 2017




    

Je ne sais rien de moi. Cette chair de fortune,
Ce squelette d’emprunt, ce prénom étranger,
Ils ne composent rien qu’une immense lacune.
Ah ! c’est en vain que le néant s’est dérangé !

Je ne sais rien de moi. Est-ce là ma limite,
Ou la promesse de nouveaux étonnements ?
Ile rongée par le remords, ma vie s’effrite :
Elle n’est qu’un cadavre, et je suis son amant.

Va jouer, mon esprit ! La montagne t’appelle.
Guéri de ses pensées; le ciel convalescent
T’invite à devenir sa plus pure gazelle,
Une bête qui broute, au regard innocent.

Sois heureux ! La parole aujourd’hui fait relâche.
Au grand cirque on répète un poème inédit.
Entends-tu cette voix ? Le poème se fâche ;
Il griffe son dompteur ; comme un fauve il bondit.

Sois fou ! Achète-toi, pour la fête foraine,
Un revolver à eau : tu vas t’en divertir.
La lune te sourit ; elle est bossue et naine.
Demain le monde entier sera ton champ de tir.

(Joë Bousquet)

 

Recueil: Poèmes, un
Traduction:
Editions: Gallimard

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