Cent fois que je vais à la poste
Pour aller chercher ta lettre.
À présent la nuit je ne dors plus,
je ne vis plus le jour.
Je crois, je crois à tous les signes,
Aux songes comme aux araignées,
Je crois aux skis, je crois en été
Aux barques étroites qui filent.
Je crois au vrombissement des automobiles,
À leurs orageux diesels,
Aux colombes messagères,
Aux mâts des navires.
Je crois aux sifflets des vapeurs,
Je crois aux trains,
Même à l’été
Je crois parfois.
Je crois dans les traîneaux à rennes,
Dans la boussole du voyageur
Près de ses cartes engivrées
Et dans la désolation de l’heure.
Dans les vaillantes kibitkas
Et dans les chiens d’attelage,
Aux escargots et leur sang-froid,
À l’indolence des tortues.
Je crois comme par enchantement,
Au sang qui se glace,
Je crois aussi à la patience
Et à ton amour.
(Kibitka : traîneau couvert)
(Varlam Chalamov)
Recueil: Cahiers de La Kolyma
Traduction: du russe par Christian Mouze
Editions: Maurice Nadeau