Il vit en solitaire à l’écart des hommes
Dans un temple de pins envahi de leur vert.
Le bonze a traversé quatre-vingt-dix hivers,
Vivre au-delà des nuages, voilà son seul désir.
Ses cheveux blancs retombent, ignorant la tonsure,
Dans ses pupilles noires tourne un grand sourire.
Il peut encore montrer la lune solitaire;
Et pour moi il entrouvre le chemin de mon coeur.
(Guanxiu)
Recueil: Poèmes Chan
Traduction: du chinois par Jacques Pimpaneau
Editions: Philippe Picquier
Ma jupe passée sans l’attacher,
Je cours à la fenêtre, sourcils tracés.
La soie légère clapote aisément au vent :
C’est la faute de la brise printanière qui me l’a entrouverte…
(Anonyme)
Recueil: Cent poèmes d’amour de la Chine ancienne
Traduction: André Lévy
Editions: Philippe Picquier
Le soleil entre à demi-mot, se glisse parmi la pénombre – laissant dehors les feuilles balancer. Des rais de lumière s’entrecroisent au-dedans, décalquent au sol les rideaux, bientôt bâtissent le silence dont ils sont poutres charpentières.
Surgit alors un temps d’enfance, de délivrance, un temps de chapelle peut-être.
Sur ton corps lisse de caillou
mes mains vont, forêts en liberté,
comme vers des sommets d’où je retombe,
source altérée de soleil.
Ton cœur est si proche de mon cœur
que nos artères se mêlent les unes aux autres
et ne retrouvent plus à nos fronts qu’une seule tempe
pour faire battre l’espace.
Bateau venu de la haute mer,
je vais très loin au fond de tes plages
et je me renverse dans les fougères
qui naissent de ton corps entr’ouvert.
Lorsque nous n’avons plus pour respirer
que l’air écrasé dans nos baisers,
le jour qui nous sépare a beau faire,
il n’arrive pas à être aussi nu que toi.
Toujours fugitive et toujours
près de moi, dissimulant mal
sous la cape noire le hautain
regard de ton visage pâle.
J’ignore où tu vas et j’ignore
quelle couche nuptiale recherche dans la nuit
ta beauté virginale. Je ne sais
quels songes ferment tes paupières,
ni quel est celui qui a pu entrouvrir
ta couche inhospitalière.
Arrête-toi, beauté
farouche, arrête-toi.
je voudrais sur la fleur amère,
amère de tes lèvres déposer un baiser.
Un rêve, un rêve,
Un rêve sinon rien
Un rêve qui élève
Qui enivre, qui délivre
Un rêve, pour aller plus loin
Donnez-nous un rêve
Et nous soulèverons le monde
Le rêve d’un rêve
Et nous le chanterons à la ronde
Celui du semeur qui prie pour sa moisson
Ou de l’homme confiant qui construit sa maison
Celui des braves gens qui disent encore bonjour
Et de l’enfant qui rit au bonheur qui l’entoure
Celui de l’ami Pierre, celui de Thérésa
Dans la même bonté Paris et Calcutta
Celui de celles et ceux
Qui cherchent et cherchent encore
Pour rallumer des vies
En réparant les corps
Et celui de John
Si bien imaginé
Celui que personne
N’a encore exaucé
Un rêve, le rêve de ne pas tout gâcher
Le rêve de n’pas tout fiche en l’air
Pour ne pas que la terre redevienne un désert
Sans rêve et sans lumière
Donnez-nous un rêve
Et nous soulèverons le monde
Le rêve d’un rêve
Et nous le chanterons à la ronde
Celui des marins qui ont vaincu leurs peurs
Qui ont défié la mer l’immensité au coeur
Les premiers fous volants,
Ces fiers enfants d’Icare
Jubilants en suspens
Entre le vide et l’histoire
Et celui de tous ceux
Qui inventent du soleil
D’une couleur, d’une note,
D’une image ou d’un mot
Artistes et magiciens
Qui entrouvrent le ciel
Frissons d’éternité
Si chers à Cyrano
Un rêve d’amour
Et de fraternité
Plus fort que les discours
Et les mots frelatés
Celui de Martin,
Celui de Nelson
La couleur de leur peau
Portée comme une couronne
Et celui de John
Si bien imaginé
Celui que personne
N’a encore exaucé