Posts Tagged ‘épave’
Posted by arbrealettres sur 9 mars 2023
![Kristine Kvitka [1280x768]](https://arbrealettres.files.wordpress.com/2013/11/kristine-kvitka-1280x768.jpg?w=746&h=937)
LES FILLES DES GOBES
Dans un de ces jours-là qui sont pâles et gris
Comme les flancs humides de la craie
Dans le jour gris d’une marée de novembre
Qui attire très loin le bord bruissant de l’eau
Un homme inquiet regarde le ciel noir
Entre les découpures de la crête de marne
Au-dessus de la crête le ciel sombre où passent
Des voiliers d’oies sauvages en route vers le sud.
Il faut descendre encore un peu parmi les éboulis
Aller sur le chemin des ramasseurs d’épaves
De l’autre côté d’un tas rocheux où le pied glisse
Passer un cailloutis où des charognes pourrissent
Pour la joie des crabes verts à marée haute
Là-bas se trouve une grève secrète
Murée de blocs précipités jadis
Solitaire entre toutes les plages de ce rivage désolé.
Nous vîmes là dans un matin de fin d’automne
Trois filles de la mer qui dansaient tristement
Pâles aussi couronnées de varech
Nues comme la craie soumise à l’érosion.
Leurs cheveux ondulaient sur leurs épaules maigres
Comme les laminaires flottant aux creux des Haumes
Leurs ventres plats remuaient des croûtes de sable
Avec des mousses marines rouges et roses.
La plus belle portait un long collier d’or
Toutes trois apportaient le grand froid de la mort.
Trois filles nues battues du vent du nord
Le sel brillait au bout de leurs menus seins gris
Leurs pieds dans l’eau faisaient un clapotis
Monotone. Et la mort habitait leurs yeux clairs.
Froides filles accrues aux trous de la falaise
En quelque vieux nid de pygargue
Elles se paissent de moules crues et d’algues
Pêchées à mer basse
L’iode seul court dans leurs veines.
Quand le vent chasse la brume du matin
Déroulée comme un suaire en lisière du ciel
Quand le vent du nord hérisse de glaçons
Les rets blonds des parcs qui sèchent sur les pieux
Les filles des falaises sortent de leurs cavernes
Dans un tourbillon de plumes blanches.
Aux cris des guillemots et des grèbes
Les filles des falaises dansent devant les gobes.
(André Pieyre de Mandiargues)
Illustration: Kristine Kvitka
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Posted in poésie | Tagué: (André Pieyre de Mandiargues), algue, attirer, automne, éboulis, épaule, épave, bloc, brume, caverne, charogne, chemin, clair, clapotis, collier, crête, découpure, falaise, fille, froid, gris, guillemot, iodé, marée, menu, mer, monotone, mort, moule, mousse, oie, parc, pâle, pêche, sein, sel, solitaire, tourbillon, varech, ventre | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 4 juillet 2022

Illustration: George Hyde Pownall
Nocturne
Des Irlandaises vendaient sous les portes
des pommes de terre qui me brûlaient les doigts.
Quel vent désolé vous apporte
Londres, mon Londres d’autrefois ?
Les chats cousaient les maisons l’une à l’autre
d’un fil noir, d’un fil roux, d’un fil blanc.
Ils faufilaient le jour et la nuit l’un à l’autre.
Des « derelicts » dormaient, distingués, sur des bancs.
La Tamise montait, mais en nappes légères
d’odeurs et de brouillards ténus.
Que de songes ainsi, dans l’ombre, sont venus
se prendre à vos chapeaux, nocturnes passagères !
L’Adelphi, vers le flot glissait en froides pentes
qu’une lanterne transperçait.
Et l’ivresse nouait sa forme titubante
aux « street lamps » qu’elle enlaçait.
Parfois un rat, qu’un bruit insolite déloge
s’enfonçait dans la vase avec un sifflement.
L’éternité bat dans vos cœurs comme une horloge,
Pèlerins de la nuit qui marchez en dormant.
J’ai frôlé, jeune encor, sans mesurer le risque,
ces épaves du temps perdu,
Cléopâtre dressant sa petite obélisque,
montrait le ciel d’un doigt tendu.
Elle perçait de l’aiguille,
votre opaque intensité,
nuit de Londres où scintille,
l’astre du déshérité.
Le bruit d’un pas, ce tendre ami des rues désertes
sonne encor dans mon souvenir.
Mon cœur attend au seuil d’une porte entrouverte,
ce qui ne peut plus revenir.
Mon cœur perçoit au loin le convoi qui déraille
avec ses morts et ses vivants.
Quelqu’un court dans la nuit derrière un brin de paille
mais c’est le vent, mais c’est le vent.
(Germaine Beaumont)
Recueil: Poésie au féminin
Traduction:
Editions: Folio
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Posted in poésie | Tagué: (Germaine Beaumont), aiguille, ami, apporter, attendre, autrefois, épave, éternité, banc, battre, blanc, brûler, brin, brouillard, bruit, chapeau, chat, ciel, Cléopâtre, coeur, convoi, coudre, courir, déloger, dérailler, désert, désolé, derrière, distingué, doigt, dormir, enlacer, entr'ouvrir, faufiler, fil, flot, forme, frôler, froid, glisser, horloge, insolite, intensité, irlandais, ivresse, jeune, jour, lanterne, léger, loin, Londres, maison, marcher, monter, montrer, mort, mseurer, nappe, nocturne, nouer, nuit, obélisque, odeur, ombre, opaque, paille, pas, passager, pélerin, pente, percer, percevoir, perdu, pomme, porte, rat, revenir, risque, roux, rue, s'enfoncer, scintiller, se prendre, seuil, sifflement, songe, sonner, souvenir, ténu, temps, tendre, terre, tituber, transpercer, vase, vendre, venir, vent, vivant | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 25 janvier 2021
Illustration : Pierre Faure
CHANSON DE L’ÉTRANGER
Je suis à la recherche
d’un homme que je ne connais pas,
qui jamais ne fut tant moi-même
que depuis que je le cherche.
A-t-il mes yeux, mes mains
et toutes ces pensées pareilles
aux épaves de ce temps ?
Saison des mille naufrages,
la mer cesse d’être la mer
devenue l’eau glacée des tombes.
Mais, plus loin, qui sait plus loin ?
Une fillette chante à reculons
et règne la nuit sur les arbres,
bergère au milieu des moutons.
Arrachez la soif au grain de sel
qu’aucune boisson ne désaltère.
Avec les pierres, un monde se ronge
d’être, comme moi, de nulle part.
(Edmond Jabès)
Recueil: Je est un autre Anthologie des plus beaux poèmes sur l’étranger en soi
Traduction:
Editions: Seghers
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Posted in poésie | Tagué: (Edmond Jabès), arbre, arracher, à reculons, épave, bergère, boisson, cesser, chanson, chanter, chercher, connaître, désaltérer, devenir, eau, fillette, glacer, grain, homme, jamais, loin, main, mer, milieu, moi-même, monde, mouton, naufragé, nuit, nulle part, pareil, pensée, pierre, règner, recherche, saison, savoir, se ronger, sel, soif, temps, tombe, yeux | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 16 octobre 2020

Illustration: Erich Heckel
CHANT D’UN FANTASSIN
À André Bacqué
Je voudrais être un vieillard
Que j’ai vu sur une route ;
Assis par terre au soleil
Il cassait des cailloux blancs
Entre ses jambes ouvertes.
On ne lui demandait rien
Que son travail solitaire.
Quand midi flambait les blés,
Il mangeait son pain à l’ombre.
*
Je connais, dans un ravin
Obstrué par les feuillages,
Une carrière ignorée
Où nul sentier ne conduit.
La lumière y est furtive
Et aussi la douce pluie ;
Et un seul oiseau parfois
Interroge le silence.
C’est une blessure ancienne,
Étroite, courbe et profonde
Oubliée même du ciel ;
Sous la viorne et sous la ronce
J’y voudrais vivre blotti.
*
Je voudrais être l’aveugle
Sous le porche de l’église :
Dans sa nuit sonore il chante !
Il accueille tout entier
Le temps qui circule en lui
Comme un air pur sous des voûtes.
Car il est l’heureuse épave
Tirée hors du morne fleuve
Qui ne peut plus la rouler
Dans sa haine et dans sa fange.
*
Je voudrais avoir été
Le premier soldat tombé
Le premier jour de la guerre.
(Charles Vildrac)
Recueil: Chants du désespéré (1914-1920) –
Traduction:
Editions: Gallimard
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Posted in poésie | Tagué: (Charles Vildrac), accueillir, air, ancien, assis, aveuglé, église, épave, blanc, blé, blessure, blottir, caillou, carrière, casser, chant, chanter, ciel, circuler, conduire, connaître, demander, doux, fange, fantassin, feuillage, flamber, fleuve, furtif, guerre, haine, heureux, ignorer, interroger, jambe, jour, lumière, manger, midi, morne, nuit, obstruer, oiseau, ombre, oublier, ouvrir, pain, pluie, porche, premier, pur, ravin, ronce, rouler, route, sentier, silence, soldat, soleil, solitaire, sonore, temps, terre, tirer, tomber, travail, vieillard, viorne, vivre, voûte, voir, vouloir | 1 Comment »
Posted by arbrealettres sur 26 juin 2020

Illustration
BESTIAIRE DE LA VAGUE VENUE ME VOIR À NICE DE LA PART DE MON AMI LE POÈTE JULES SUPERVIELLE
Une vague entre en hésitant
une vague entre des milliers
Elle entre et court dans la maison
toute légère et chuchotant
monte et descend les escaliers
d’un pas prudent plein de poissons
s’excusant d’être si mouillée
et d’un bleu si déconcertant
et d’avoir tellement à dire
qu’elle en a peut-être oublié
ce qui est le plus important
et qui l’empêche de dormir
De Montevideo à Nice
il y a tant de ciel et d’eau
tant de navires feux éteints
et tant d’épaves qui pourrissent
tant de bateaux tant de radeaux
qu’une vague y perd son latin
même en se dépêchant très fort
même en marmonnant jour et nuit
entre les lames et le vent
même en sautant par-dessus bord
des grandes cheminées de suie
qu’elle rencontre à son avant
Une vague entre en hésitant
et danse et saute autour de moi
entre la table et le fauteuil
toute confuse et me léchant
grand épagneul d’eau et de soie
qui pose sur moi son gros oeil
cherchant à faire pardonner
d’avoir oublié en chemin
ce que le poète avait dit
une grosse vague étonnée
qui lèche doucement ma main
comme elle fit à mon ami
il y a des mois des années.
(Claude Roy)
Recueil: Claude Roy un poète
Traduction:
Editions: Gallimard Jeunesse
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Posted in poésie | Tagué: (Claude Roy)ami, ami, année, autour, avant, épagneul, épave, éteindre, bateau, bestiaire, bleu, bord, chemin, cheminée, chercher, chuchoter, ciel, confus, courir, danser, déconcerter, descendre, dire, dormir, eau, empêcher, entrer, escalier, faire, fauteuil, feu, fort, hésiter, important, jour, lame, lécher, léger, maison, marmonner, mois, monter, mouiller, navire, nuit, oeil, oublier, par-dessus, pardonner, pas, poète, poisson, poser, pourrir, prudent, radeau, rencontrer, s'excuser, sauter, se dépêcher, soie, suie, table, tellement, vague, venir, vent, voir | 2 Comments »
Posted by arbrealettres sur 23 mars 2020

CHANSON DU PÈLERIN
Spécialiste des pèlerinages
je cours pour toujours souffrir
je suis trop grand pour mon grand âge
un enfant qui voudrait mourir
le long d’un quai abandonné
le fleuve gris comme ma peine
fleuve invincible comme l’ennui
pousse mes souvenirs mes épaves
une ombre sortie de la nuit
me poursuit à perdre haleine
le long du quai abandonné
Qui donc est-elle celle qui lutte
que je cherche à retrouver
cette ombre claire comme le regard
celle qui auréole les années
celle qui me fuit celle qui lutte
le long d’un quai abandonné
(Philippe Soupault)
Recueil: Poèmes et poésies
Traduction:
Editions: Grasset
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Posted in poésie | Tagué: (Philippe Soupault), abandonné, année, auréoler, âge, épave, chanson, chercher, clair, courir, enfant, ennui, fleuve, grand, gris, haleine, invincible, lutter, mourir, nuit, ombre, pélérinage, pélerin, peine, poursuivre, pousser, quai, regard, retrouver, sortir, souffrir, souvenir, spécialiste, toujours, vouloir | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 21 novembre 2019

SUR LES ROUTES DE SIBÉRIE
Sur les routes de Sibérie
On pourrait encore aujourd’hui retrouver le lacet
D’un de mes souliers déchirés,
Une ceinture en cuir, les débris d’une cruche,
Un feuillet du Livre sacré.
Sur les fleuves de Sibérie
On pourrait retrouver comme un signe, l’épave
De mon radeau submergé.
Dans la forêt un bout de corde ensanglantée
Dans la neige – des pas gelés.
(H. Leivick)
Recueil: Anthologie de la poésie yiddish Le miroir d’un peuple
Traduction:
Editions: Gallimard
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Posted in poésie | Tagué: (H. Leivick), aujourd'hui, épave, ceinture, corde, cruche, cuir, débris, déchirer, ensanglanter, feuillet, fleuve, forêt, gelé, lacet, livre, neige, pas, pouvoir, radeau, retrouver, route, sacré, Sibérie, signe, soulier, submergé | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 12 juin 2019

Allégeance
Dans les rues de la ville, il y a mon amour.
Peu importe où il va dans le temps divisé.
Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler.
Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima ?
Il cherche son pareil dans le vœu des regards.
L’espace qu’il parcourt est ma fidélité.
Il dessine l’espoir et léger, l’éconduit.
Il est prépondérant sans qu’il y prenne part.
Je vis au fond de lui comme une épave heureuse.
A son insu, ma solitude est son trésor.
Dans le grand méridien où s’inscrit son essor,
Ma liberté la creuse.
Dans les rues de la ville, il y a mon amour.
Peu importe où il va dans le temps divisé.
Il n’est plus mon amour, chacun peut lui parler.
Il ne se souvient plus ; qui au juste l’aima et
L’éclaire de loin pour qu’il ne tombe pas ?
(René Char)
Découvert ici: http://laboucheaoreilles.wordpress.com/
Illustration: Leonid Afremov
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Posted in poésie | Tagué: (René Char), aimer, allégeance, amour, épave, chercher, creuser, dessiner, divisé, espoir, essor, fidélité, léger, liberté, parler, regard, rue, se souvenir, solitude, temps, tomber, trésor, ville, voeu | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 27 octobre 2018
La nuit, nous ne savons plus
si la mer est bleue ou verte,
si les algues ont froid ou chaud
dans leur maison de silence.
La nuit, nous savons seulement,
la respiration des vagues,
le sable devenu frais, comme au désert
et le ciel pareil à celui des savanes.
La nuit, nous ne saurons jamais,
le murmure des épaves
pour une étoile pressée,
quand, au-delà des dunes,
le grand forgeron déchaîne ses comètes,
quand, au-delà du temps et des eaux,
la terre s’arrondit
pour deviner le jour.
(Christian Da Silva)
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Posted in poésie | Tagué: (Christian Da Silva), algue, épave, étoile, bleue, chaud, comète, désert, deviner, dune, forgeron, froid, jour, mer, murmuré, nuit, s'arrondir, sable, savane, silence, vague, verte | Leave a Comment »
Posted by arbrealettres sur 27 octobre 2018

CE QUE NOUS SOMMES
Tu es radeau dans l’éclaircie
Tu es silence dans les villes
Tu es debout
Tu gravites
Tu es rapt d’infini
Mais tel que je suis
que j’écris que je tremble
Je te sais parfois
refroidi de toi-même
quand les fables et le sel t’ont quitté !
Je te sais
Tantôt mutilé
Tantôt espace
Tantôt épave
Ou illumination
Je te sais
disloqué par les parcelles du monde
Mais je te sais
De face
Dans la forge de ton feu.
(Andrée Chedid)
Illustration: Emma Blackwood
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Posted in poésie | Tagué: (Andrée Chédid), éclaircie, écrire, épave, disloqué, espace, fable, feu, forge, graviter, infini, mutilé, parcelle, quitter, radeau, rapt, refroidi, sel, silence, trembler, ville | 2 Comments »